Vu leur connexité, joint les pourvois n° 99-40.265, n° 99-40.266, n° 99-40.267, n° 99-40.268, n° 99-40.269 et n° 99-40.270 ;
Sur les pourvois principaux des salariés, qui sont préalables ;
Sur le premier moyen :
Vu l'alinéa 7 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ensemble l'article L. 521-1 du Code du travail ;
Attendu que, le 6 décembre 1996, neuf salariés de la société Colas Ile-de-France, dont MM. X..., Ferdjellah, Soares, Giraldes, Lahouel et Pereira, qui travaillaient sur un chantier à Villetaneuse, n'ont pas, à 8 heures, pris comme d'habitude, leur poste de travail au motif que la pluie qui tombait constituait une intempérie s'opposant à l'exécution du travail ; que vers 10 heures, les salariés ont accepté de reprendre le travail à condition d'être réglés des deux heures perdues ; que la société Colas ayant refusé d'accéder à cette demande, les demandeurs aux pourvois ont quitté les chantiers et n'ont pas travaillé de la journée ; que par lettre en date du 28 janvier 1998 ils ont été licenciés pour faute grave aux motifs suivants : refus d'obéissance et abandon de poste ; que les salariés ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande en annulation de leur licenciement ;
Attendu que pour débouter les salariés de leur demande en annulation de leur licenciement et en réintégration les arrêts attaqués énoncent qu'il résultait des circonstances de l'espèce et des pièces produites aux débats que l'attitude des salariés réclamant le paiement des deux heures perdues ne pouvait pas s'analyser en un mouvement collectif et concerté appuyant des revendications professionnelles caractérisant l'exercice normal du droit de grève ;
Attendu cependant que l'exercice du droit de grève résulte objectivement d'un arrêt collectif et concerté du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait alors qu'il résultait de ses propres constatations que les salariés avaient demandé, avant de cesser le travail, le remboursement des heures perdues en raison d'intempéries, ce qui constituait une revendication professionnelle, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses énonciations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens des pourvois principaux, ainsi que sur le pourvoi incident de l'employeur :
CASSE ET ANNULE, dans toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 21 octobre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.