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12/12/2000 | FRANCE | N°98-45612

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 décembre 2000, 98-45612


Sur le moyen unique :

Attendu que Mme X... a été engagée par la compagnie Air France à compter du 12 mars 1969 en qualité d'hôtesse saisonnière ; que son intégration en qualité d'hôtesse statutaire est intervenue le 17 octobre 1969 ; qu'elle a été victime le 16 juillet 1993 d'un accident alors qu'elle se trouvait à bord d'un appareil en vol ; qu'elle a été déclarée inapte définitivement au vol par décision du conseil médical de l'aéronautique civile du 23 février 1994 ; que la salariée étant alors âgée de plus de 50 ans, la compagnie Air France a mis fin le 7 a

vril 1994, avec effet au 23 février 1994, au contrat de travail de l'intéressée...

Sur le moyen unique :

Attendu que Mme X... a été engagée par la compagnie Air France à compter du 12 mars 1969 en qualité d'hôtesse saisonnière ; que son intégration en qualité d'hôtesse statutaire est intervenue le 17 octobre 1969 ; qu'elle a été victime le 16 juillet 1993 d'un accident alors qu'elle se trouvait à bord d'un appareil en vol ; qu'elle a été déclarée inapte définitivement au vol par décision du conseil médical de l'aéronautique civile du 23 février 1994 ; que la salariée étant alors âgée de plus de 50 ans, la compagnie Air France a mis fin le 7 avril 1994, avec effet au 23 février 1994, au contrat de travail de l'intéressée qui a été mise à la retraite en application de l'article 523 de la réglementation du personnel navigant ; que par décision du 12 juillet 1994 l'inaptitude définitive de la salariée a été déclarée imputable au service aérien ; qu'estimant qu'elle aurait dû bénéficier en application de l'article 55 de la réglementation du personnel navigant d'un reclassement au sol, la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 9 septembre 1998) de l'avoir déboutée de sa demande de réintégration dans un poste au sol ou à défaut de paiement de diverses sommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1° que Mme X... exposait dans ses conclusions que la compagnie Air France aurait dû lui appliquer les articles de la réglementation concernant les salariés qui, victimes d'un accident du travail, deviennent inaptes au poste de navigant, par suite de cet accident ; que les seules dispositions que contient la réglementation du personnel navigant commercial concernant les salariés victimes d'un accident du travail sont celles de l'article 55, intitulé " reclassement au sol " dont le sous-titre 551 prévoit les situations permettant d'envisager le reclassement au sol ; qu'aucune limite d'âge n'est prévue par le texte pour le reclassement au sol en cas d'accident aérien imputable au service, la limite d'âge de 50 ans prévue pour le reclassement au sol ne concerne que l'inaptitude au vol non reconnue imputable au service ; que si une précision sur la limite d'âge est donnée pour l'accident non imputable au service, c'est bien qu'il n'existe pas de limite d'âge pour l'accident imputable au service ; que seules les dispositions spécifiques de la réglementation Air France sur les accidents de travail étaient applicables à la salariée qui bénéficiait ainsi d'un reclassement au sol de droit, contrairement à ce que la décision déférée retient ; que c'est d'ailleurs en ce sens que la compagnie Air France a écrit à la salariée le 15 mars 1994 en l'informant qu'elle pouvait demander à être soit reclassée dans un poste au sol, soit licenciée avec préavis et indemnisation, dans un délai de deux mois ; que la salariée a expressément accepté le reclassement au sol par lettre en date du 7 avril 1994 donc dans le délai requis ; que c'est par suite d'une dénaturation des demandes formées par la salariée que la cour d'appel a rapproché le texte de l'article 523 et celui des articles 551-1-1 de la réglementation pour estimer qu'il n'existait pas de dérogation à l'application de l'article 523 sans jamais tenir compte du fait que la salariée était inapte et perdait sa licence en raison d'un accident du travail ;

2° qu'il existe des règles bien particulières en droit social pour les salariés victimes d'un accident du travail dont l'article L. 122-32-5 du Code du travail ; que le non-respect de ce texte rend applicables les dispositions des articles L. 122-32-6 et L. 122-32-7 du Code du travail ; que si l'on rapproche la réglementation Air France de l'article L. 122-32-5 précité les dispositions des articles 551 et suivants, dont l'application est demandée par la salariée, sont conformes aux principes généraux du droit social ;

3° que le caractère administratif du règlement du personnel navigant commercial de la compagnie Air France a été reconnu par la jurisprudence du fait que cette réglementation comporte des dispositions qui apparaissent comme des éléments du service public exploité qui confèrent à ladite réglementation dans son intégralité un caractère administratif ; que si seules les juridictions administratives peuvent apprécier la légalité de cette réglementation, il appartient aux juridictions de l'ordre judiciaire de l'appliquer en tenant compte des principes généraux du droit du travail ; que la réglementation précitée est un acte administratif émanant du conseil d'administration Air France, après avis des organisations syndicales représentatives du personnel puis communication à l'autorité de tutelle ; que cet acte ne peut avoir d'effet supérieur à une loi et doit être rédigé en tenant compte des principes généraux du droit du travail ; qu'en fonction de ces principes le reclassement doit impérativement être envisagé pour le salarié victime d'un accident de travail ;

4° que l'employeur a agi avec une légèreté blâmable à l'encontre de la salariée en procédant à sa mise à la retraite d'office, sans attendre les résultats de l'enquête en cours pour la détermination du caractère professionnel ou non professionnel de l'accident dont la salariée avait été victime afin de pouvoir déterminer le texte effectivement applicable ; que les règles du droit du travail qui ne doivent pas être écartées sur ce point envisagent expressément la position que doit prendre l'employeur dans un tel cas de figure ; que les dispositions de l'article L. 122-32-1 du Code du travail prévoient que le contrat de travail d'un salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie ; qu'il a été jugé en application des dispositions de ce texte qu'un employeur ne pouvait se soustraire aux obligations pesant sur lui, tant que la contestation formée par un salarié à l'encontre d'une décision de la caisse de sécurité sociale, contestant le caractère d'accident de travail, n'avait pas fait l'objet d'une décision devenue définitive ; que l'article L. 122-32-2 du Code du travail interdit la résiliation du contrat de travail pendant les périodes de suspension ; qu'Air France était d'autant plus informée du recours et de la contestation introduite par la salariée à l'encontre de la Caisse refusant le caractère d'accident du travail à l'accident dont elle venait d'être victime, qu'Air France est à l'origine de la contestation présentée par la Caisse et que tous les contrôles que la salariée a subis ont été effectués par le conseil médical de l'aéronautique civile ; qu'une enquête était en cours pour la détermination du caractère de l'accident du travail et le minimum était d'attendre de connaître les conclusions de cette enquête avant de se séparer de la salariée ; qu'en précipitant sa décision, Air France a pris le risque de procéder à la rupture du contrat de travail d'un salarié, victime d'un accident du travail sans avoir respecté les règles prévues dans ce cas ; que l'on comprend cependant ce procédé à la lecture des écritures déposées par Air France qui n'hésite pas à soutenir que l'imputabilité au service de l'inaptitude au vol ayant été reconnue le 12 juillet 1994, soit postérieurement au départ en retraite de la salariée, seule une mise en retraite pouvait intervenir en raison de l'âge de la salariée ; qu'incontestablement, l'arrêt attaqué méconnaît les principes applicables aux salariés victimes d'un accident du travail tels qu'ils résultent des textes régissant le droit du travail et de la réglementation Air France ; que la cassation de l'arrêt est encourue au plus fort en ce qu'il écarte l'application de l'article 551 de la réglementation du personnel navigant commercial à la salariée ;

Mais attendu que si l'article 522 de la réglementation du personnel navigant de la compagnie nationale Air France prévoit, lorsque la perte de licence pour inaptitude physique définitive intervient avant 50 ans, le bénéfice d'un reclassement au sol et renvoie expressément pour l'application de ce texte aux dispositions de l'article 55 de cette réglementation qui distingue dans l'article 551 selon que l'inaptitude définitive au vol est ou non imputable au service, l'article 523 de cette même réglementation prévoit que lorsque la perte de licence intervient après 50 ans, âge d'ouverture du droit à la retraite, elle entraîne la rupture du contrat de travail, sans aucune distinction selon l'origine de l'inaptitude ;

Et attendu que la cour d'appel qui a constaté que la salariée était âgée de plus de 50 ans à la date de la constatation de son inaptitude a exactement décidé, sans encourir les griefs du moyen, que la mise à la retraite de l'intéressée, opérée dans des conditions conformes au statut du personnel d'Air France dérogatoire au droit commun, l'avait remplie de ses droits ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 98-45612
Date de la décision : 12/12/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Retraite - Mise à la retraite - Salariés de la compagnie Air France - Règlement du personnel navigant commercial - Article 523 - Application - Perte de licence pour inaptitude physique définitive - Origine de l'inaptitude - Absence d'influence .

TRANSPORTS AERIENS - Air France - Personnel - Personnel navigant - Statut - Retraite - Mise à la retraite - Règlement du personnel navigant commercial - Article 523 - Application - Effet

L'article 523 de la réglementation du personnel navigant de la compagnie nationale Air France prévoit que lorsque la perte de licence pour inaptitude physique définitive intervient après 50 ans, âge d'ouverture du droit à la retraite, elle entraîne la rupture du contrat de travail, sans aucune distinction selon l'origine de l'inaptitude ; la mise à la retraite d'un salarié opérée dans ces conditions, conformément au statut du personnel d'Air France, dérogatoire au droit commun, remplit l'intéressé de ses droits.


Références :

Réglementation du personnel navigant de la compagnie nationale Air France art. 523

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 septembre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 déc. 2000, pourvoi n°98-45612, Bull. civ. 2000 V N° 420 p. 322
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2000 V N° 420 p. 322

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. de Caigny.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Bourgeot.
Avocat(s) : Avocat : M. Cossa.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:98.45612
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