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06/09/2000 | FRANCE | N°99-83001

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 septembre 2000, 99-83001


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- la banque X..., venant aux droits de la Banque Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 24 mars 1999, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée des chefs de non-révélation de faits délictueux par un commissaire aux comptes et délivrance ou confirmation d'informations mensongères, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa plainte avec constitution de partie civile.
LA COUR,
Vu l'article 575, alinéa 2.2°, du

code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- la banque X..., venant aux droits de la Banque Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 24 mars 1999, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée des chefs de non-révélation de faits délictueux par un commissaire aux comptes et délivrance ou confirmation d'informations mensongères, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa plainte avec constitution de partie civile.
LA COUR,
Vu l'article 575, alinéa 2.2°, du code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 199 du Code de procédure pénale, de l'article 19 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, 575, alinéa 2.6° du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt mentionne "qu'à l'audience en chambre du conseil, le 16 février 1999, ont été entendus : Mme Darmstädter, magistrat stagiaire issu du concours exceptionnel 1998, régulièrement admis à faire un stage auprès de la cour d'appel de Paris, en vertu des dispositions de l'article 19 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, en son rapport..." ;
" alors que les débats devant la chambre d'accusation comportent l'audition d'un conseiller en son rapport ; que seuls les juges de cours d'appel ont reçu de la loi le titre de conseillers, que tel n'est pas le cas des magistrats stagiaires admis à faire un stage auprès d'une cour d'appel ; qu'en déléguant, ainsi, à un magistrat stagiaire qui ne peut siéger "qu'en surnombre" le soin de présenter le rapport de l'affaire, formalité qui constitue le préliminaire indispensable aux débats et que la loi confie à la compétence exclusive d'un conseiller composant la Cour, la cour d'appel a rendu un arrêt ne satisfaisant pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale " ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que le rapport a été fait par Mme Darmstädter, magistrat stagiaire issu du concours exceptionnel de l'année 1998, régulièrement admis à faire un stage auprès de la cour d'appel de Paris, en vertu des dispositions de l'article 19 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que la loi organique du 24 février 1998 portant recrutement exceptionnel de magistrats de l'ordre judiciaire renvoyait notamment à l'article 19 de l'ordonnance précitée en ce qui concerne les modalités du stage probatoire et les attributions dévolues aux candidats aux fonctions de magistrat, l'arrêt n'encourt pas les griefs du moyen qui doit, dès lors, être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 575, alinéa 2.2°, du Code de procédure pénale, 2, 3 du même Code, 1382 du Code civil, 457 de la loi du 24 juillet 1966, 543 du Code de procédure civile, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle avait déclaré la SA Banque Y... irrecevable en sa constitution de partie civile ;
" aux motifs que "... la recevabilité de cette action est cependant subordonnée à l'existence d'un préjudice trouvant directement sa source dans les infractions dénoncées ; qu'en l'espèce, la banque Y... fonde sa plainte sur l'octroi à la société Z... d'un prêt à long terme ; que ce prêt a été accordé le 29 décembre 1992, alors que l'exercice 1992 n'était pas encore certifié et que les irrégularités comptables dénoncées n'étaient pas connues ; que lesdites irrégularités comptables n'ont été découvertes au plus tôt qu'en juillet 1993 ; que les commissaires mis en cause n'ont acquis la certitude de la fausseté des comptes de la société B... qu'au mois de février 1994, date à partir de laquelle les infractions visées pouvaient leur être reprochées, alors que le prêt avait été accordé en 1992, deux années plus tôt ; que le préjudice de la banque consiste en réalité dans le non-paiement de sa créance par la société Z..., bénéficiaire du prêt, du fait du redressement judiciaire du groupe A... ; qu'il ne s'agit pas d'un préjudice direct au regard des délits d'informations mensongères données par des commissaires aux comptes et de non-révélation de faits délictueux au procureur de la République, seuls délits dénoncés dans la plainte, qui ont été commis postérieurement à l'octroi du prêt..." ;
" alors, d'une part, que dans ses conclusions faisant expressément référence aux termes de sa plainte, la demanderesse faisait valoir que son préjudice résultait, ainsi, des irrégularités contenues dans les comptes 1991 de la SCI B... ; qu'il ressortait, notamment, des termes de la plainte dont s'agit que, selon un expert désigné dans le cadre d'un litige opposant la société Z... au groupe C..., les manipulations comptables s'élevaient à 87 204 000 francs au 31 décembre 1991 ; que dès le mois d'avril 1992, les commissaires aux comptes de la société B... avaient attiré l'attention des dirigeants de cette société sur "les multiples difficultés rencontrées dans le contrôle des comptes de la filiale B..., dues à l'absence de justifications de plusieurs comptes et à l'existence d'une créance douteuse F..."... ; qu'ainsi la banque demanderesse se prévalait de faits antérieurs à l'octroi de prêt le 29 décembre 1992, relatifs à l'exercice clos le 31 décembre 1991 et aux multiples anomalies constatées par les commissaires aux comptes courant 1992, voire même à la fin du premier trimestre de ladite année, qui avaient pu avoir une incidence directe sur le dommage subi par la Banque Y..., aux droits de laquelle vient la société demanderesse ; qu'en s'abstenant de statuer sur les faits antérieurs au 29 décembre 1992 dénoncés dans la plainte avec constitution de partie civile et repris dans le mémoire devant la chambre d'accusation, l'arrêt ne peut satisfaire en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ;
" alors, d'autre part, que la banque demanderesse indiquait également que la certification par les commissaires aux comptes des sociétés B... et Z... d'informations mensongères et la non-révélation par ces dernières de faits délictueux lors de la certification des comptes d'exercices postérieurs à la date d'octroi du prêt, avaient causé à la banque un préjudice direct consistant en la perte d'une chance de limiter son risque financier et d'agir pour prévenir ses intérêts, notamment en prenant d'autres garanties de remboursement, que le nantissement d'actions de B... et prononcer, en temps utiles, la déchéance du terme du prêt, avant que les sociétés du groupe A... n'aient déposé le bilan et que leur situation soit irrémédiablement compromise ; que la chambre d'accusation aurait dû examiner si ces circonstances permettaient au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et sa relation avec une infraction pénale, comme elle était invitée à le faire " ;
Sur le second moyen pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 2, 3, 85 et 87 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la Banque Y..., d'une part, le crédit E..., d'autre part, ont accordé, le 29 décembre 1992, à la société Z..., filiale de la société A..., un prêt à long terme destiné à financer l'acquisition de plusieurs sociétés dont la société B... ; que le prêt a été consenti notamment en considération des bilans et des comptes de résultats de cette dernière société, dont un certain nombre d'actions a été nanti au profit des banques ;
Que, le 13 juin 1997, la Banque Y... a déposé plainte avec constitution de partie civile des chefs de non-révélation de faits délictueux au procureur de la République et délivrance ou confirmation d'informations mensongères, en faisant valoir que les commissaires aux comptes du groupe A... avaient certifié les comptes de la société B... pour les exercices 1992, 1993 et 1994, et les comptes consolidés de ses sociétés mères, alors qu'ils en connaissaient le caractère mensonger ; qu'elle exposait dans sa plainte, puis dans le mémoire déposé devant la chambre d'accusation, qu'en agissant ainsi, les commissaires aux comptes lui avaient causé un préjudice direct consistant dans la perte d'une chance, en sa qualité de créancier privilégié de Z..., de limiter son risque financier, notamment en substituant au nantissement d'actions de B..., devenues sans valeur réelle, d'autres garanties de remboursement, ou en prononçant la déchéance du terme du prêt, et d'une manière générale d'agir efficacement pour préserver ses intérêts ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant déclaré irrecevable cette plainte avec constitution de partie civile, la chambre d'accusation se prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'à les supposer établis, les délits énoncés étaient de nature à causer à la Banque Y..., un préjudice pouvant être direct et personnel, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner la première branche du moyen ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 24 mars 1999, et pour qu'il soit jugé conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-83001
Date de la décision : 06/09/2000
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Partie civile - Constitution - Constitution à l'instruction - Recevabilité - Conditions - Préjudice - Possibilité.

INSTRUCTION - Partie civile - Plainte avec constitution - Recevabilité - Possibilité d'un préjudice

INSTRUCTION - Partie civile - Plainte avec constitution - Recevabilité - Relation directe entre le préjudice allégué et les infractions poursuivies

BANQUE - Action civile - Recevabilité - Non-révélation de faits délictueux par un commissaire aux comptes - Délivrance ou confirmation d'informations mensongères

ACTION CIVILE - Recevabilité - Banque - Non-révélation de faits délictueux par un commissaire aux comptes - Délivrance ou confirmation d'informations mensongères

ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice direct - Banque - Non-révélation de faits délictueux par un commissaire aux comptes - Délivrance ou confirmation d'informations mensongères

Pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation de celui-ci avec une infraction à la loi pénale. Encourt dès lors la cassation, l'arrêt de la chambre d'accusation qui, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile d'une banque qui avait accordé un prêt à une société et invoquait la perte d'une chance, en tant que créancière, de limiter son risque financier du fait de la non-révélation de faits délictueux et de la délivrance ou de la confirmation d'informations mensongères par les commissaires aux comptes, énonce que le préjudice de la banque, consistant dans le non-paiement de sa créance, n'est pas direct au regard des délits dénoncés par la plainte qui ont été commis postérieurement à l'octroi du prêt. (1).


Références :

Code de procédure pénale 2, 3, 85, 87

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre d'accusation), 24 mars 1999

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1997-02-13, Bulletin criminel 1997, n° 61, p. 198 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1999-02-16, Bulletin criminel 1999, n° 17, p. 38 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1999-06-08, Bulletin criminel 1999, n° 123 (3°), p. 329 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 sep. 2000, pourvoi n°99-83001, Bull. crim. criminel 2000 N° 263 p. 773
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 263 p. 773

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Schumacher, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Samuel.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.83001
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