ARRÊT N° 1
Sur le moyen unique :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 septembre 1997), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 2, 22 juin 1994, bull. II, n° 165), sous le titre " Algérie : les Français ont-ils été des criminels de guerre ? ", l'hebdomadaire " Y... " a publié un article sur la guerre d'Algérie imputant au lieutenant X... des actes de torture ; que sa veuve et ses enfants ont demandé, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, à M. Z..., rédacteur de l'article, et à la société éditrice de l'hebdomadaire la réparation du préjudice qu'ils estimaient avoir subi du fait de cette publication ;
Attendu que les consorts X... reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande, alors, selon le moyen,
qu'en leur refusant le droit de solliciter réparation, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, du préjudice subi au seul motif que la publication litigieuse, bien qu'elle s'analyse en une diffamation dirigée contre la mémoire de X..., ne manifeste pas l'intention de son auteur de porter atteinte à leur honneur ou à leur considération, la cour d'appel a violé ce texte par refus d'application ;
Mais attendu que les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; qu'ayant retenu que la publication des propos litigieux relevait des dispositions de l'article 34, alinéa 1er, de ladite loi, la cour d'appel a décidé à bon droit que les consorts X... ne pouvaient être admis à se prévaloir de l'article 1382 dudit Code ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
MOYEN ANNEXE
Moyen produit par Me Choucroy, avocat aux Conseils, pour les consorts X... ;
MOYEN UNIQUE DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté l'épouse et les héritiers du Colonel X... de l'intégralité de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE, l'exercice du droit à la liberté d'expression, proclamé par l'article 10.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut, selon l'article 10.2 de cette même Convention, être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions qu'à la condition que celles-ci soient prévues par la loi ; que dans l'ordre juridique français, la loi du 29 juillet 1881, relative à la liberté de la presse, définit les formalités, conditions, restrictions et sanctions auxquelles est soumis l'exercice de cette liberté, partant les limites de celle-ci ; qu'ainsi, selon l'article 34, alinéa 1er, de cette loi, les diffamations ou injures dirigées contre la mémoire des morts ne peuvent être sanctionnées que dans les cas où les auteurs de ces diffamations ou injures auraient eu l'intention de porter atteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants ; que les propos litigieux imputent à X... l'accomplissement d'actes de torture à l'encontre d'êtres humains ; que ces propos, comme tels, s'analysent en une diffamation dirigée contre la mémoire de X..., de sorte que leur publication relève nécessairement des dispositions de l'article 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'aucun des propos litigieux ne manifeste l'intention de leur auteur de porter atteinte à l'honneur ou à la considération des consorts X... ; que dès lors, la publication de ces propos échappe à toute sanction sur le fondement des dispositions de l'article 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 ; que les consorts X... ne peuvent être admis à se prévaloir de l'article 1382 du Code civil pour se soustraire à ces dispositions impératives, partant prétendre à la sanction de la publication de tels propos hors les cas que celles-ci prévoient ;
ALORS QU'en refusant aux consorts X... le droit de solliciter réparation, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, du préjudice qu'ils ont subi du fait de la publication litigieuse au seul motif que cette publication, bien qu'elle s'analyse en une diffamation dirigée contre la mémoire de X..., ne manifesterait pas l'intention de leur auteur de porter atteinte à l'honneur ou à la considération des consorts X..., comme l'exige l'article 34 de la loi du 29 juillet 1881, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1382 du Code civil .