REJET du pourvoi formé par :
- X... Camille,
- la société Cécométal,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 27 mai 1999, qui les a condamnés, le premier, à 15 jours d'emprisonnement avec sursis pour homicide involontaire et infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, et la seconde, à 100 000 francs d'amende pour homicide involontaire, et qui a prononcé sur l'action civile.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 486, 591 et 592 du Code de procédure pénale, vice de forme :
" en ce que l'arrêt attaqué qui comporte (p. 2) la mention selon laquelle la cour était composée lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt de M. Azoulay, président, et de Mmes Jean et Heems, conseillers, et (p. 10) la mention contradictoire, ou en tout cas erronée, selon laquelle Mme Jean, qui a signé l'arrêt, aurait eu la qualité de président, et qui ne comporte pas la mention selon laquelle le président Azoulay aurait été empêché de signer l'arrêt, ne satisfait pas en lui-même aux conditions essentielles de son existence légale " ;
Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué suffisent à établir que Mme Jean, conseiller ayant donné lecture de l'arrêt, a signé la minute en l'empêchement du président conformément à l'article 486, alinéa 3, du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 221-6 du Code pénal, L. 263-2 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Camille X... coupable d'homicide involontaire dans le cadre du travail, et d'emploi de salarié sans prévoir de protection contre chute (bâtiment ou travaux publics), et l'a condamné à la peine de 15 jours d'emprisonnement avec sursis, et déclaré, par voie de conséquence, la société Cécométal, coupable du délit d'homicide involontaire et l'a condamnée à la peine de 100 000 francs d'amende ;
" aux motifs que Michel Y... est décédé d'un traumatisme crânien à la suite de la chute de l'échelle sur laquelle il était juché ; qu'il est indifférent de connaître la raison et les circonstances de la chute dans la mesure où il est suffisamment établi que sa présence sur cette échelle est la cause de l'accident mortel ; que, d'ailleurs, le procès-verbal de gendarmerie indique qu'avant l'arrivée des enquêteurs, la situation des lieux, pour les besoins des secours, avait été modifiée, ce qui rend inopérantes toutes les hypothèses formulées par la défense liées à l'emplacement de l'échelle au sol, qui est indifférente ; que la position de la victime sur l'échelle n'a aucune incidence sur la réalisation de l'infraction, dans la mesure où ainsi que l'a rappelé Camille X... devant la Cour, la victime a évolué sur l'ensemble de la hauteur et avait d'ailleurs posé une élingue, visible sur les photographies, sur une poutre métallique, à une hauteur de 9 mètres et que l'utilisation de cet accessoire pour ce type de travaux était, en l'espèce, irrégulière ; qu'en effet, si l'article 5 du décret du 8 janvier 1965, compte tenu de la durée limitée de l'intervention, permet d'utiliser une échelle pour des travaux effectués, comme en l'espèce, à une hauteur de plus de 3 mètres, les pièces à démonter se situant à des hauteurs de 4, 50 m à 9 m de hauteur, malgré l'inconfort de la situation et la stabilité précaire de l'ensemble, il convient cependant qu'un système permettant l'arrêt de chute soit mis à la disposition du salarié et effectivement utilisé par lui, et que des points d'accrochage sûrs et adaptés à la nature des travaux existent ; que tel n'était pas le cas en l'espèce, la victime n'étant pas effectivement rattachée à un point fixe à l'aide d'un dispositif individuel de sécurité lui permettant d'éviter la chute contre le sol, à l'origine du traumatisme crânien mortel ; qu'il appartient au chef d'entreprise ou à défaut, à son délégataire, de veiller strictement à l'application effective des règles de sécurité ; qu'en omettant de le faire, il commet la faute personnelle définie à l'article L. 263-2 du Code du travail ; qu'en l'espèce, Camille X... a admis avoir reçu délégation de responsabilité de la part du chef d'entreprise ; qu'il indique qu'il disposait sur son équipe de l'autorité et des moyens suffisants pour assurer la sécurité, étant précisé qu'il a déclaré pouvoir utiliser tout le matériel nécessaire assurant la sécurité individuelle ou collective des salariés travaillant sous ses ordres ; qu'en ne veillant pas, pour l'exécution de la tâche confiée à son équipe, à l'emploi d'un matériel de type échafaudage, ou de nacelle, assurant la protection collective des salariés présents sur le chantier, ou encore, de protections individuelles efficaces, non utilisées en l'espèce, et en laissant, dans des conditions contraires à la sécurité, Michel Y... monter sur une échelle à plus de 3 mètres de hauteur, sans précaution, alors qu'il avait le pouvoir et le devoir de l'en empêcher, Camille X... s'est rendu coupable, par sa faute personnelle, des deux infractions qui lui sont reprochées ;
" alors que, étant constant que le matériel de sécurité individuel adéquat avait été fourni à Michel Y... et que les consignes de sécurité lui avaient été données, la Cour n'a pu reprocher à Camille X... de n'avoir pas empêché Michel Y... de monter sur l'échelle sans s'être équipé du système permettant l'arrêt de chute mis à sa disposition, sans répondre au moyen péremptoire des conclusions de Camille X... faisant valoir que, enfreignant la consigne qui lui avait été donnée, Michel Y... était monté sur l'échelle après que son chef d'équipe soit sorti du hangar pour rechercher des planches nécessaires à la mise en place d'un platelage destiné à renforcer la stabilité de l'échelle " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 221-6 et 221-7 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation délivrée le 29 octobre 1998 à la société Cécométal et déclaré cette personne morale coupable du délit d'homicide involontaire et l'a condamnée à la peine de 100 000 francs d'amende ;
" aux motifs que la citation litigieuse a été délivrée, conformément au mandement de citation qui y était joint, à la société Cécométal en la personne de son représentant légal ; que s'agissant d'une société anonyme, ce représentant légal ne pouvait être que son président-directeur général, conformément à la loi ; que la citation reprend la qualification développée du délit d'homicide involontaire, en précisant la date et le lieu de l'accident, ainsi que le nom de la victime ; que la formule utilisée informe suffisamment le représentant légal de la société de la nature des faits qui lui sont reprochés au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés ; que le dossier complet de l'affaire était à la disposition de l'intéressé ; qu'au surplus, en l'espèce, l'intéressé est particulièrement malvenu à soutenir qu'il n'avait pas eu une connaissance détaillée des faits reprochés à la société, que sa responsabilité personnelle avait été recherchée pour les mêmes motifs et qu'il avait été amené à répondre aux arguments avancés contre lui, sur une accusation identique ; qu'il n'existe donc aucune cause de nullité ayant causé un grief à la société anonyme Cécométal ;
" et aux motifs qu'en application des dispositions de l'article 221-7 du Code pénal, les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement du délit d'homicide involontaire ; que l'article 121-2 du Code pénal dispose que l'infraction reprochée à la personne morale doit avoir été commise pour le compte de cette dernière, par ses organes ou représentants ; qu'il n'est pas contestable que l'accident du travail est survenu à l'occasion d'activités faites pour le compte de la société, et que l'accident du travail imputable au délégataire de responsabilité, s'inscrit au compte de la personne morale ; que si Camille X... est un salarié, il n'en reste pas moins que la délégation de pouvoirs dont il est investi lui a conféré une des responsabilités fondamentales du chef d'entreprise, l'obligation de sécurité, et qu'il en est devenu, pour l'exercice de cette dernière, le représentant ; que sa faute personnelle précédemment caractérisée devient donc celle de la personne morale qu'il représente ; que le nier aurait pour effet de rendre inefficaces les dispositions des articles 221-6 et 221-7 du Code pénal, la responsabilité pénale de la personne morale, selon cette interprétation, ne pouvant plus être recherchée au motif que le président-directeur général a établi une délégation de pouvoirs à un de ses salariés non membre du conseil d'administration ; que Camille X... est donc, en matière d'hygiène et de sécurité, le représentant au sens de l'article 121-2 du Code pénal ; qu'il est indifférent qu'à titre personnel Joël Z... ait été relaxé définitivement, cette décision étant précisément fondée sur l'existence d'une délégation de pouvoirs, transférant au délégataire les responsabilités relatives à l'hygiène et à la sécurité ;
" 1° alors que les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s'il est établi qu'une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu'en l'espèce où elle a estimé que le représentant de la société Cécométal ne pouvait être que son président-directeur général et que la formule utilisée par la citation informait suffisamment celui-ci de la nature des faits qui lui étaient reprochés, la Cour n'a pu décider que la citation était régulière, sans répondre au moyen péremptoire des conclusions de la société Cécométal faisant valoir que son président directeur général est Joël Z..., poursuivi pour ces mêmes faits et relaxé par jugement définitif du 27 février 1998 ;
" 2° alors que les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s'il est établi qu'une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; que, même titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière de sécurité, Camille X... ne pouvait être le " représentant " de la société Cécométal, au sens de l'article 121-2 du Code pénal " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'un salarié de la société Cécométal a fait une chute mortelle alors qu'il était occupé sur une échelle mobile au démontage des pièces d'une charpente métallique située à une hauteur comprise entre 4, 50 et 9 mètres ; que le président de la société Cécométal, poursuivi pour homicide involontaire et infractions aux articles 5 à 12 du décret n° 65-48 du 8 janvier 1965, a été relaxé par une décision devenue définitive ; qu'à la suite de cette décision Camille X..., chef d'équipe titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière de sécurité, et la société Cécométal elle-même ont été cités devant le tribunal correctionnel, le premier des chefs précités et, la seconde, du seul chef d'homicide involontaire ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables des chefs de la prévention, la cour d'appel retient, par les motifs reproduits aux moyens, que Camille X..., représentant de la société Cécométal, a laissé la victime monter sur l'échelle alors qu'aucun dispositif de protection contre les chutes satisfaisant aux prescriptions du décret précité du 8 janvier 1965 n'avait été mis en place ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, les juges, qui n'étaient pas tenus de répondre autrement à l'argumentation des prévenus contestant l'existence de la faute imputée au délégataire de pouvoirs, ont justifié leur décision sans méconnaître les textes visés aux moyens ;
Qu'en effet, la relaxe devenue définitive du représentant légal d'une personne morale attrait devant la juridiction correctionnelle en son nom personnel ne peut mettre obstacle à ce que, conformément à l'article 706-43 du Code de procédure pénale, il soit appelé à représenter ultérieurement celle-ci dans les poursuites engagées contre elle à raison des mêmes faits ;
Que, par ailleurs, le salarié d'une société, titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité, est un représentant de la personne morale au sens de l'article 121-2 du Code pénal ; qu'il engage donc la responsabilité pénale de celle-ci en cas d'atteinte involontaire à la vie ou à l'intégrité physique trouvant sa cause dans un manquement aux règles qu'il était tenu de faire respecter en vertu de sa délégation ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.