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22/02/2000 | FRANCE | N°99-82011

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 février 2000, 99-82011


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Agen, chambre correctionnelle, en date du 4 mars 1999, qui, pour refus d'insérer un droit de réponse, l'a condamnée à 20 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 modifié, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale et défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable

de refus d'insertion de réponse par directeur de publication et l'a condamnée à la pei...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Agen, chambre correctionnelle, en date du 4 mars 1999, qui, pour refus d'insérer un droit de réponse, l'a condamnée à 20 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 modifié, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale et défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de refus d'insertion de réponse par directeur de publication et l'a condamnée à la peine de 20 000 francs d'amende ;
" aux motifs que, sur le mandat spécial : ... si aucune disposition de la loi du 31 décembre 1971 n'autorise l'avocat à exercer, sans mandat spécial, le droit exceptionnel et personnel accordé par l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 aux personnes mises en cause dans un écrit périodique, aucun texte n'exige que ledit mandat soit joint à la demande d'exercice du droit de réponse ; qu'il suffit, par conséquent, que l'avocat puisse en justifier... ; sur le contenu du droit de réponse : ... le droit de réponse est un principe général et absolu pour celui qui est mis en cause dans un article ; que, cependant, ce droit de réponse ne doit pas contenir de propos insultants ou diffamatoires et dépasser la violence de l'attaque ; que si l'attaque a été violente, la réponse peut l'être et contenir des propos agressifs, incorrects, voire tendancieux, ainsi que l'ont pertinemment rappelé les premiers juges ; que les deux articles litigieux ont très gravement mis en cause Y..., enseignant dans une petite commune du Gers, sans précaution, en le nommant, en le qualifiant de professeur pédophile et en présentant comme acquis le comportement qui lui était reproché ; qu'au regard desdits articles, le tribunal a, à bon droit, considéré que le contenu de la réponse de Y... était en tout point modéré en rappelant le principe de la présomption d'innocence, le respect du secret de l'instruction, le rôle des tribunaux en matière de protection des victimes, le danger de présenter comme coupable un individu avant tout jugement ; que, de même, les premiers juges ont, à juste titre, retenu que la mise au point ne portait aucunement atteinte à l'honneur du journaliste, lequel n'est ni insulté, ni diffamé ; que la Cour note en outre qu'il n'est aucunement désigné ; que Y... a, à juste titre, répondu que les allégations graves et répétées qui lui étaient imputées par un organe de presse ne pouvant avoir accès au dossier, constituaient de facto un pré-jugement aux yeux de l'opinion publique, au mépris de sa présomption d'innocence ; que de plus, le rappel de l'influence d'un média sur l'opinion, constitue une simple réalité et non une atteinte à l'honneur du journaliste ; qu'en outre, la publication de la photographie et du nom de Y... en gros caractères avec pour titre non équivoque : "Affaire du professeur pédophile de Mirande" et pour sous-titre : "Après l'école, les fausses notes", établit que le journaliste a manifestement entendu signaler cette photographie et ce nom à l'attention de tous ses lecteurs, mettre en cause individuellement la personne concernée en la présentant comme coupable aux yeux de l'opinion publique, ce qui constitue une attitude répréhensible justifiant pleinement la réponse de Y... ; que le fait pour Y... d'indiquer que "la fin de l'article considéré" où il est indiqué que "de nouvelles victimes se feront connaître auprès des enquêteurs" et "qu'aujourd'hui, il est plus facile de parler", "paraît inciter à la délation", est ici l'expression d'une réalité et constitue une réponse parfaitement mesurée au regard de la violence et de la vivacité des allégations ainsi formulées à son encontre ; en outre, le simple fait pour Y... d'énoncer dans sa réponse, qu'il "se réserve d'agir par toutes voies de droit", ne porte pas atteinte à l'honneur ou la considération du journaliste ;
qu'enfin, X..., en sa qualité de directeur de publication, pouvait prendre attache avec le conseil de Y... pour, si elle l'avait estimé opportun, discuter tel ou tel terme de la réponse, à laquelle le journal pouvait ajouter son propre commentaire ; que dans ces conditions, les premiers juges ont à bon droit considéré que la directrice de la publication "Z..." ne pouvait refuser de publier la réponse de Y... et avait, par conséquent, commis le délit de refus d'insertion de réponse d'une personne nommée ou désignée dans son journal, prévu et réprimé par l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 " ;
" alors, d'une part, qu'un avocat ne peut adresser une réponse au nom de son client que s'il peut justifier d'un mandat spécial ; que ce mandat doit nécessairement être transmis par l'avocat au directeur de la publication dans le même courrier que la réponse établie au nom de son client, faute de quoi le directeur de la publication n'est pas valablement saisi de la demande d'insertion d'un droit de réponse ; qu'en jugeant le contraire, et en estimant que X... était valablement saisie de la demande d'insertion du droit de réponse litigieux par la seule lettre de Maître Prim, qui ne justifiait pourtant pas d'un mandat spécial, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 modifié ;
" alors, d'autre part, que le refus d'insérer une réponse est justifié lorsque la réponse est offensante pour la direction du journal où l'article a été publié ; qu'en se bornant à rechercher si l'honneur du journaliste auteur de l'article litigieux avait été mis en cause, sans examiner si la réponse dont l'insertion était sollicitée, qui reprochait au journal de porter atteinte à la démocratie en publiant des articles de nature à "inquiéter tout citoyen d'un Etat de droit", n'était pas offensante pour la direction de ce journal, justifiant ainsi le refus de publication de la réponse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 modifié ;
" alors, enfin, qu'en estimant qu'il incombait à X..., en sa qualité de directeur de la publication, de prendre attache avec le conseil de Y... pour "discuter tel ou tel terme de la réponse", alors qu'une telle obligation ne saurait peser sur le directeur d'une publication qui décide de ne pas publier une réponse offensante pour le journal, la cour d'appel a violé à nouveau l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 modifié " ;
Vu l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que le directeur de la publication n'est pas tenu d'insérer une réponse en application de l'article susvisé lorsqu'elle lui est demandée par un avocat sans que celui-ci produise le mandat spécial qui lui a été remis à cet effet par la personne mise en cause ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite de la publication dans le journal " Z... " de deux articles relatifs à une affaire d'agressions sexuelles impliquant Y..., l'avocat de celui-ci a demandé à X..., directeur de publication du journal, l'insertion d'une réponse ; que cette insertion n'ayant pas été effectuée, la personne mise en cause a fait citer X... devant le tribunal correctionnel sur le fondement de l'article13 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que, devant les juges du fond, la prévenue a soutenu que le délit n'était pas constitué dès lors qu'elle n'avait pas été " valablement saisie de la demande d'insertion ", l'avocat n'ayant pas joint un mandat spécial de son client ;
Attendu que, pour écarter cette argumentation, les juges du second degré, après avoir énoncé qu'aucun texte n'exigeait qu'un tel mandat fût joint à la demande d'insertion, relèvent qu'en l'espèce ce mandat a été produit " devant les premiers juges " et qu'il est établi que l'avocat en " disposait bien " lorsque le directeur de publication a reçu la demande ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans constater que le mandat spécial dont disposait l'avocat avait été porté à la connaissance de la prévenue lors de la demande d'insertion, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Agen, en date du 4 mars 1999, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-82011
Date de la décision : 22/02/2000
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Droit de réponse - Insertion - Exercice - Avocat - Pouvoir spécial - Présentation - Moment.

Le directeur de la publication peut refuser d'insérer une réponse en application de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881, lorsque l'insertion lui est demandée par un avocat sans que celui-ci ne produise le mandat spécial qui lui a été remis à cet effet par la personne mise en cause. Encourt dès lors la censure, l'arrêt qui, pour écarter l'argumentation du directeur de la publication prise de ce que l'avocat n'avait pas joint à la demande d'insertion le mandat spécial de son client, énonce que ce mandat a été produit devant les premiers juges et que l'avocat en disposait lorsque le directeur de la publication a reçu la demande, alors qu'il lui appartenait de rechercher si, au même moment, ce mandat avait été porté à la connaissance de ce dernier. (1).


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 13

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen (chambre correctionnelle), 04 mars 1999

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1988-02-02, Bulletin criminel 1988, n° 54, p. 148 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1990-05-09, Bulletin criminel 1990, n° 178, p. 453 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 fév. 2000, pourvoi n°99-82011, Bull. crim. criminel 2000 N° 77 p. 226
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 77 p. 226

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Cotte.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Desportes.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Ancel et Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.82011
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