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25/01/2000 | FRANCE | N°99-82476

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 janvier 2000, 99-82476


REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Paul,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 14 janvier 1999, qui, pour discrimination syndicale, l'a condamné à 10 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire ampliatif et le mémoire additionnel produits ;
Sur le moyen de cassation proposé dans le mémoire additionnel et pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 451 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a été rendu apr

ès audition de l'inspecteur du Travail, M. Y..., en tant que témoin ;
" alors que, ...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Paul,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 14 janvier 1999, qui, pour discrimination syndicale, l'a condamné à 10 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire ampliatif et le mémoire additionnel produits ;
Sur le moyen de cassation proposé dans le mémoire additionnel et pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 451 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a été rendu après audition de l'inspecteur du Travail, M. Y..., en tant que témoin ;
" alors que, si une personne attachée au service de la partie poursuivante peut être entendue comme témoin et n'est pas dispensée de serment, c'est à la condition préalable, lorsqu'il s'agit de la personne qui, comme l'inspecteur du Travail, a dressé procès-verbal et a donc, en vertu d'une obligation légale, porté lui-même les faits poursuivis à la connaissance de la justice, que le président ait averti le tribunal ; qu'en prenant en considération cette déposition reçue en dehors des formes légales, la cour d'appel a entaché son arrêt d'irrégularité " ;
Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, l'inspecteur du Travail entendu comme témoin sur les infractions au Code du travail qu'il a constatées dans l'exercice de ses fonctions, n'entre pas dans les prévisions de l'article 451 du Code de procédure pénale, dont, au demeurant, les dispositions ne sont pas prescrites à peine de nullité ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le premier moyen de cassation proposé dans le mémoire ampliatif et pris de la violation de l'article 388 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a, requalifiant le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical en délit de mesures discriminatoires, déclaré Jean-Paul X... coupable de cette infraction, le condamnant à 10 000 francs d'amende ;
" aux motifs que c'est par une mauvaise interprétation de la loi pénale que le prévenu entend voir limiter le débat concernant la mise à pied prononcée en avril 1996, sur le seul terrain du délit d'entrave, à l'exclusion du délit de discrimination, alors qu'il appartient au juge du fond de donner aux faits dont il est saisi leur exacte qualification, sous réserve du respect du principe du contradictoire ;
" alors que, si les juges d'appel ne sont pas liés par la qualification de l'infraction qui a été donnée par la prévention et ont le devoir de requalifier les faits qui leur sont déférés, ils ne peuvent, au prétexte de cette requalification, statuer sur des faits hors du champ de cette prévention ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas de la citation directe du 17 février 1997 que le juge pénal appelé initialement à statuer sur un prétendu délit d'entrave, ait été saisi des faits de comparaison impliquant notamment le comportement de M. Z... et Mme A..., faits qui sont le fondement même du délit de discrimination finalement retenu par l'arrêt ; de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 388 du Code de procédure pénale " ;
Sur le second moyen de cassation proposé dans le mémoire ampliatif et pris de la violation des articles L. 122-45, L. 412-2, L. 122-14-3, L. 481-3 du Code du travail, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a, requalifiant le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical en délit de mesures discriminatoires, déclaré Jean-Paul X... coupable de cette dernière infraction, le condamnant à 10 000 francs d'amende ;
" aux motifs que c'est à la suite de la mise à pied disciplinaire sans solde d'un jour, que c'est à la suite de cette mesure que l'inspecteur du Travail a relevé un délit d'entrave, sachant que pour Mme Z... et Mme A..., travaillant dans le même service, ont également été enregistrés des retards au cours de la même période et qu'aucune sanction n'a été prononcée à leur encontre ; dans ces conditions, les premiers juges ont justement considéré que la procédure de licenciement a été engagée seulement à partir du 12 décembre, soit postérieurement à la désignation de Mme B... en qualité de déléguée syndicale, l'attestation de M. C... ne pouvant suffire à démontrer le contraire ; par contre, il ne peut être considéré que le principe du licenciement était infondé, dès lors que le ministre du Travail, corrigeant l'erreur d'appréciation de l'inspecteur du Travail, a admis à deux reprises la suppression des postes occupés par Mme B... du fait de la compression des effectifs ; cependant, l'insuffisance de propositions de reclassement, à chaque fois, a servi de fondement au refus d'autorisation de licenciement ; il est vrai qu'en décembre, seule une proposition d'affectation dans un emploi de caissière a été formulée ; il faudra attendre fin novembre 1996 pour qu'un poste d'assistante commerciale lui soit offert comme à Mme Z... ; par une lettre du 2 novembre 1995, M. C... a rappelé, cependant, qu'il avait déjà informé de la situation Mme B... le 2 août précédent et lui avait offert le choix entre quatre postes de travail, tous refusés ; reste qu'une réelle participation à son égard doit être relevée, même si l'obstination de Mme B... à refuser d'admettre la suppression de son poste à la comptabilité fournisseur pouvait justifier une légitime irritation de l'employeur ; en effet, il apparaît que la suppression du deuxième emploi de comptable n'a pas présenté la même urgence, puisqu'elle n'a été effective qu'en 1997 ; dans ce contexte général, l'entretien organisé le 22 mars 1996 par M. C..., et au cours duquel il l'informe de la décharge totale de son service antérieur, constitue une pression et une mesure discriminatoire, puisqu'elle n'a pas été appliquée à son autre collègue ; il en est de même de l'avertissement écrit, adressé peu après, le 11 avril 1996, quant au respect des règles de stationnement et qui n'aurait présenté qu'un caractère anodin en dehors de cette période ; quant à l'entretien du 19 avril au cours duquel un avertissement lui a été donné d'avoir à respecter des horaires de travail, puis la mise à pied prononcée le 30 avril suivant pour " retards depuis deux mois ", il y a lieu de relever que M. A... et Mme Z... ont connu au cours de cette période, eux aussi, des retards significatifs ; cependant, ils n'ont pas même reçu d'avertissement, ce qui aurait dû être équitablement fait, même si l'employeur pouvait se croire autorisé de faire une différence avec Mme B..., à laquelle une mesure d'aménagement de ses horaires avait été accordée pour tenir compte de ses difficultés personnelles ; d'ailleurs, ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, M. Z... et Mme A... ont connu des retards importants et réitérés durant la même période, et même si Mme B... ne peut s'en prévaloir, il n'en reste pas moins qu'il est établi qu'elle récupérait largement ces retards, attitude qui n'a jamais été rapportée de la part de ses deux collègues de travail ;
il est vrai que l'employeur reproche le refus systématique de se justifier auprès de son chef de service, à propos de ces retards, ce que Mme B... n'a pas contesté ; il n'en reste pas moins que les retards de cette dernière existaient de longue date et que d'avril à septembre 1995, ils étaient déjà nombreux et fréquents, sans avoir jamais entraîné des observations de l'employeur, et dont il devait, en tout cas, rapporter la preuve ; force est de constater que rien ne justifiait particulièrement de prononcer une sanction aussi rapide et brutale à l'égard de Mme B... et que seule la situation conflictuelle permet d'en comprendre les raisons ; pour l'ensemble de ces motifs, il apparaît que Mme B... a subi des mesures discriminatoires illégales par rapport à ses autres collègues de travail ; en effet, plutôt qu'une entrave à l'exercice de l'activité syndicale, qui n'a jamais été mise en avant par les intéressés, il résulte plutôt que c'est Mme B..., dont la désignation en qualité de déléguée syndicale était jugée frauduleuse par l'employeur, qui était personnellement visée ; les faits étant constitutifs du délit de mesures discriminatoires prévu par l'article L. 412-2 et L. 481-3 du Code du travail et réprimés des mêmes peines que pour celui d'entrave, il y a lieu de requalifier l'infraction en ce sens ;
" alors, de première part, qu'ayant relevé que Mme B..., qui bénéficiait de mesures d'aménagements de ses horaires en raison de sa situation de famille (p. 9, alinéa 1), s'était vu reprocher différents retard (p. 7, alinéa 5), que celle-ci avait fait preuve d'obstination, avait refusé d'admettre la suppression de son poste à la comptabilité, ce qui justifiait une légitime irritation de l'employeur (p. 8, alinéa 4), qu'elle n'avait pas respecté les règles de stationnement sur le parking (p. 7, alinéa 4), qu'elle avait opposé un refus systématique de se justifier de ses retards auprès de son chef de service (p. 9, alinéa 4), que l'employeur n'avait pas entendu entraver l'exercice de son activité syndicale (p. 9, alinéa 7) prive sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen, l'arrêt attaqué qui, en dépit de l'accumulation des faits susvisés, considère que l'employeur avait abdiqué tout pouvoir disciplinaire du fait de certaines tolérances dont il aurait précédemment fait preuve au regard d'autres salariés ou au regard de Mme B... elle-même ;
" alors, de deuxième part, que la discrimination consiste nécessairement en un traitement différentiel et objectivement injustifié de deux situations a priori identiques, de sorte que l'arrêt attaqué qui affirme l'existence d'une discrimination dans la sanction des retards sans rechercher si les salariés, objet de la comparaison, (M. Z... et Mme A...) cumulaient, avec lesdits retards, d'autres reproches tels que ceux qui étaient faits à Mme B... et qui refuse de tirer les conséquences du fait primordial et constaté par lui-même, page 9, paragraphe 3, qu'à la différence de ses collègues, Mme B... " refusait systématiquement de se justifier auprès de son employeur, à propos de ces retards ", prive sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen ;
" alors, qu'en tout état de cause, la cour d'appel devait rechercher, comme elle y était invitée (cf. conclusions, pages 18, 19 et 20) si l'employeur n'avait pas simplement usé de son droit d'individualisation des sanctions et agi dans l'intérêt de l'entreprise " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Paul X..., directeur d'un magasin à l'enseigne Castorama, a été poursuivi du chef d'entrave à l'exercice du droit syndical pour avoir, notamment, décidé la mise à pied d'une déléguée syndicale ; qu'il a été déclaré coupable de ce chef par le tribunal correctionnel ;
Attendu que, pour retenir la culpabilité du prévenu sous la qualification de discrimination syndicale, les juges du second degré énoncent notamment que le véritable motif de la mise à pied tenait, non dans les retards de la salariée sur son lieu de travail, invoqués par l'employeur, mais dans sa désignation récente en qualité de déléguée syndicale ; qu'ils précisent que la mesure disciplinaire est intervenue dans un contexte conflictuel lié à cette désignation, après que l'employeur eût manifesté à plusieurs reprises l'irritation suscitée par celle-ci ; que les juges ajoutent que les retards invoqués pouvaient également être reprochés à deux autres salariés qui n'avaient pourtant fait l'objet d'aucune sanction, bien qu'il ne fût pas établi qu'à l'instar de la salariée sanctionnée, ils eussent compensé leurs retards ; que les juges relèvent enfin qu'avant sa désignation comme déléguée syndicale, de tels retards n'avaient jamais entraîné la moindre observation de l'employeur à l'encontre de l'intéressée ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et procédant de leur appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, et dès lors que le demandeur ne peut se faire un grief de la requalification effectuée, la mise à pied reprochée constituant tant le délit de discrimination syndicale retenu à son encontre que celui d'entrave à l'exercice du droit syndical pour lequel il avait été poursuivi, les juges ont justifié leur décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-82476
Date de la décision : 25/01/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Débats - Témoins - Dénonciateur - Définition - Inspecteur du Travail - Inspecteur du Travail ayant constaté les infractions - objet de la poursuite (non).

1° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Débats - Témoins - Dénonciateur - Avertissement donné à la cour d'appel - Défaut - Effet.

1° L'inspecteur du Travail entendu comme témoin sur les infractions au Code du travail qu'il a constatées dans l'exercice de ses fonctions n'entre pas dans les prévisions de l'article 451 du Code de procédure pénale, de sorte que le président n'a pas à donner à la cour l'avertissement prévu par ce texte, dont, au demeurant, les dispositions ne sont pas prescrites à peine de nullité(1).

2° TRAVAIL - Droit syndical dans l'entreprise - Délégués syndicaux - Entrave à l'exercice du droit syndical - Mise à pied - Requalification en discrimination syndicale.

2° TRAVAIL - Droit syndical dans l'entreprise - Délégués syndicaux - Mise à pied - Entrave à l'exercice du droit syndical - Requalification en discrimination syndicale.

2° La mise à pied d'un délégué syndical à raison de ses fonctions constitue tant le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical réprimé par l'article L. 481-2 du Code du travail que celui de discrimination syndicale réprimé par l'article L. 481-3 du même Code. Il s'ensuit que le prévenu, qui, à la suite de tels faits, a été cité devant le tribunal correctionnel pour entrave, ne saurait se faire un grief de ce que les juges aient requalifié ses agissements en discrimination syndicale(2).


Références :

1° :
2° :
Code de procédure pénale 451
Code du travail L481-2, L481-3

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes (chambre correctionnelle), 14 janvier 1999

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1989-11-29, Bulletin criminel 1989, n° 456 (2°), p. 1110 (rejet), et les arrêts cités. CONFER : (2°). (2) A rapprocher : Chambre criminelle, 1973-11-27, Bulletin criminel 1973, n° 437, p. 1087 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1975-10-29, Bulletin criminel 1975, n° 231, p. 614 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1982-05-25, Bulletin criminel 1982, n° 135, p. 371 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1982-11-09, Bulletin criminel 1982, n° 249, p. 673 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 jan. 2000, pourvoi n°99-82476, Bull. crim. criminel 2000 N° 38 p. 103
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 38 p. 103

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Lucas.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Desportes.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Célice, Blancpain et Soltner.

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.82476
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