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05/01/2000 | FRANCE | N°98-85700

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 janvier 2000, 98-85700


CASSATION sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X..., l'agent judiciaire du Trésor public, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 29 juillet 1998, qui a condamné le premier, pour homicide involontaire, à 18 mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire en demande, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 319 d

u Code pénal en vigueur au moment des faits, et des articles 122-4 du Code pé...

CASSATION sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X..., l'agent judiciaire du Trésor public, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 29 juillet 1998, qui a condamné le premier, pour homicide involontaire, à 18 mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire en demande, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 319 du Code pénal en vigueur au moment des faits, et des articles 122-4 du Code pénal, 221-6, alinéa 1er, 221-8, 221-10 du Code pénal, 132-29, 132-35 et suivants du Code pénal, manque de base légale et défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré X... coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'a condamné à la peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis et, sur l'action civile, a condamné X..., substitué par l'agent judiciaire du Trésor, à verser diverses sommes aux parties civiles ;
" aux motifs que, en vertu des dispositions de l'article 174 du décret du 20 mai 1903 portant règlement sur l'organisation et le service de la gendarmerie, les militaires de la gendarmerie peuvent déployer la force armée notamment lorsque des violences ou des voies de faits sont exercées contre eux et lorsqu'ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre de l'arrêt ; qu'en l'espèce le gendarme X..., d'une part, a été victime de violences et voies de fait en étant volontairement heurté et renversé par le véhicule Golf conduit par Y... et, d'autre part, n'avait pas d'autre moyen que l'usage de la force armée pour tenter d'immobiliser le véhicule fuyard dont le conducteur prenait la fuite ; qu'en conséquence les infractions volontaires de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner et de violence avec arme ou tentative d'homicide volontaire bénéficient du fait justificatif de l'autorisation de la loi et du règlement tant en raison des violences subies par le gendarme que par l'impossibilité d'immobiliser le véhicule si ce n'est pas l'usage des armes ; que, cependant, l'autorisation donnée par la loi ou le règlement aux militaires de la gendarmerie de faire usage des armes pour immobiliser un véhicule fuyard ne doit pas être considérée comme une autorisation absolue et sans limite qui dispense l'auteur de l'obligation générale sinon de proportionnalité aux faits susceptibles d'être imputés du moins de mener son action avec prudence et un minimum d'adresse ; qu'ainsi, dans l'exercice volontaire d'un droit ou d'un acte autorisé peut naître une infraction involontaire en cas de maladresse, imprudence ou inattention caractérisée de l'auteur ; qu'en l'espèce, même si la force armée a été utilisée dans des circonstances difficiles, le gendarme X..., après avoir atteint à deux reprises la voiture à hauteur de la plaque d'immatriculation, a tiré le coup mortel à travers la lunette arrière de manière quasi horizontale à tir tendu à 1,14 mètre du sol, à hauteur des personnes assises dans le véhicule, touchant la victime en pleine tête ; que le tir mortel instinctif, bien qu'il visât à immobiliser le véhicule, a été porté de manière particulièrement imprudente et maladroite de par sa direction et sa hauteur ;
" qu'il y a lieu de recevoir les demandeurs en leur constitution de partie civile et de donner acte à l'agent judiciaire du Trésor de son intervention, tendant à ce que la responsabilité civile de l'Etat se substitue à celle de son agent ;
" alors que le fait justificatif tiré de l'autorisation de la loi est une cause objective d'impunité qui opère in rem, affectant l'événement même qui cesse, à l'égard de tous, d'être délictueux ou fautif, en sorte que toute responsabilité pénale ou civile de l'auteur des faits est exclue, que la responsabilité soit recherchée sur le terrain de la faute volontaire ou sur celui de la faute involontaire ; qu'en jugeant que le gendarme X... était en droit de se prévaloir du fait justificatif tiré de l'autorisation de la loi et du règlement (p. 6, alinéa 4) tout en retenant néanmoins la responsabilité pénale et civile du gendarme, à laquelle se substitue la responsabilité civile de l'Etat, sur le fondement d'une infraction involontaire qu'il aurait commise par maladresse, imprudence ou inattention (p. 7, alinéas 3 et 4), la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel le fait justificatif entraîne une absence totale de responsabilité, pénale et civile, et a violé les textes visés au moyen " ;
Vu l'article 122-4 du Code pénal, ensemble l'article 174 du décret du 20 mai 1903 ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Y..., qui conduisait une automobile, de nuit, en état alcoolique et sans avoir attaché sa ceinture de sécurité, a fait demi-tour à la vue d'une patrouille de gendarmerie, a d'abord distancé ses poursuivants, puis a été rejoint après avoir calé son moteur ; qu'en repartant brusquement, il a heurté, renversé et blessé aux jambes le gendarme X..., en uniforme, qui s'était placé devant son véhicule, l'arme à la main ; que le gendarme, se relevant, a tiré en direction de la voiture en fuite plusieurs coups de feu, dont l'un a blessé mortellement le conducteur ;
Que le tribunal correctionnel a relaxé X..., poursuivi pour homicide involontaire ;
Attendu que, pour infirmer le jugement et déclarer le prévenu coupable du délit reproché, la juridiction du second degré prononce par les motifs repris au moyen ;
Qu'elle relève notamment que l'autorisation donnée aux militaires de la gendarmerie de faire usage des armes pour immobiliser les véhicules dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt, lorsqu'ils ne peuvent le faire autrement, ne les dispense pas de l'obligation de mener leur action avec prudence et un minimum d'adresse ; qu'elle ajoute qu'en l'espèce, le tir instinctif qui a atteint la victime " a été porté de manière particulièrement imprudente et maladroite " quant à sa direction et sa hauteur ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, après avoir retenu que les conditions d'application de l'article 174 du décret du 20 mai 1903 étaient réunies, et alors que la cause d'irresponsabilité pénale prévue par les textes susvisés s'étend aux fautes involontaires commises au cours de l'exécution de l'acte prescrit ou autorisé par la loi ou le règlement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 29 juillet 1998 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-85700
Date de la décision : 05/01/2000
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RESPONSABILITE PENALE - Causes d'irresponsabilité ou d'atténuation - Ordre de la loi et commandement de l'autorité légitime - Autorisation de la loi ou du règlement - Gendarme - Article 174 du décret du 20 mai 1903 - Domaine d'application - Faute involontaire.

FAITS JUSTIFICATIFS - Ordre de la loi et commandement de l'autorité légitime - Autorisation de la loi ou du règlement - Gendarme - Article 174 du décret du 20 mai 1903 - Domaine d'application - Faute involontaire

La cause d'irresponsabilité pénale prévue par les articles 122-4 du Code pénal et 174 du décret du 20 mai 1903 relatif à la gendarmerie s'étend aux fautes involontaires commises au cours de l'exécution de l'acte prescrit ou autorisé par la loi ou le règlement. .


Références :

Code pénal 122-4
Décret du 20 mai 1903 art. 174

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble (chambre correctionnelle), 29 juillet 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 jan. 2000, pourvoi n°98-85700, Bull. crim. criminel 2000 N° 3 p. 4
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 3 p. 4

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : Mme Fromont.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Ruyssen.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Ancel et Couturier-Heller, M. Bouthors.

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:98.85700
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