REJET du pourvoi formé par :
- Y... Alain,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, du 15 janvier 1998, qui, pour exercice illégal de la pharmacie, commercialisation et publicité de médicaments n'ayant pas fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché, l'a condamné à 80 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires ampliatif, additionnel et en défense produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Labo-Life, immatriculée en France en 1992, a créé, en 1993, une filiale Labo-Life Espaa, qui a été autorisée par les autorités locales à fabriquer des médicaments homéopathiques dont Labo-Life France assurait la commercialisation et la promotion en diffusant auprès des professionnels de santé une information argumentée qui développait les indications thérapeutiques de chaque préparation ;
Qu'Alain Y..., président du conseil d'administration de la société Labo-Life, à compter du 12 juillet 1995, est poursuivi pour exercice illégal de la pharmacie, commercialisation, d'une part, et publicité, d'autre part, de médicaments homéopathiques spécialisés, sans enregistrement préalable à l'agence du médicament, poursuites requalifiées par la cour d'appel en infractions de commercialisation et publicité de médicaments n'ayant pas fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le moyen de cassation du mémoire additionnel, pris de la violation des articles 189 du Traité CEE, 6 et 7 de la directive n° 92-73 du conseil des Communautés européennes du 22 septembre 1992, 111-2 et 111-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, insuffisance de motifs :
" en ce que la Cour a déclaré un prévenu (Alain Y...), en sa qualité de dirigeant d'une société (la société Labo-Life France), coupable de publicité pour des médicaments n'ayant pas fait l'objet d'autorisation de mise sur le marché, d'exercice illégal de la pharmacie et de commercialisation de médicaments homéopathiques n'ayant pas fait l'objet d'autorisation de mise sur le marché, et l'a condamné à une peine d'amende de 80 000 francs ;
" aux motifs que la procédure simplifiée d'enregistrement ayant été conçue par la directive CEE n° 92-73 du 22 novembre 1992, Alain Y... sollicitait que soient posées à la Cour de justice des Communautés européennes des questions préjudicielles sur l'état de transposition de cette directive afin d'établir que les poursuites de ce chef étaient dépourvues de base légale ; que l'économie de cette directive était, prenant acte du développement de la médecine homéopathique, de faciliter la commercialisation des médicaments homéopathiques les plus neutres, en limitant à un simple enregistrement les formalités préalables à leur commercialisation ; que la directive avait donc pour objet de prévoir cette procédure d'enregistrement, que les Etats de la Communauté devaient transposer dans leur droit interne avant le 31 décembre 1993, faute de quoi, à compter du 1er janvier 1996, ils seraient contraints de laisser circuler sur leur territoire national les médicaments homéopathiques dûment enregistrés dans les autres Etats membres ; qu'il était prévu que, pour bénéficier de cette procédure simplifiée, les médicaments homéopathiques devaient répondre à trois conditions cumulatives, dont l'absence d'indication thérapeutique ; que, faute de répondre à ces conditions, les médicaments homéopathiques, ainsi que le précisait la directive n° 92-73 dans son préambule, restaient soumis, pour leur commercialisation, aux règles traditionnelles d'autorisation édictées par chaque Etat membre ; qu'en l'espèce, il était patent, et non contesté par les prévenus, que les médicaments homéopathiques commercialisés par la société Labo-Life France comportaient des indications thérapeutiques : les plaquettes d'information éditées précisaient pour chaque préparation son indication thérapeutique, toujours lourde (cancer, SIDA, etc.), un document récapitulait l'ensemble des produits, avec l'indication thérapeutique de chacun, et l'existence d'indications thérapeutiques précises était un des principaux argumentaires des informations diffusées tant par vidéocassettes qu'à l'occasion de congrès ; que, dès lors, il n'y avait lieu à questions préjudicielles ; que les préparations homéopathiques concernées par la prévention ne relevaient pas du régime de l'enregistrement institué par la directive communautaire, mais, au terme même de cette directive, de la procédure d'autorisation propre à chaque Etat membre ; qu'il résultait d'ailleurs des documents remis par M. d'X... que les prévenus avaient pleinement conscience de devoir, en raison de la nature de leurs produits comportant une indication thérapeutique, se soumettre à la procédure de l'autorisation de mise sur le marché ; que cette obligation, clairement soulignée par les consultations des cabinets Archibald et Droit et Pharmacie, était reprise en compte par Alain Y..., qui, dans son courrier-circulaire interne du 5 février 1996, définissait l'obtention de l'autorisation de mise sur le marché comme un objectif prioritaire (arrêt pages 10 et 11) ;
que la société Labo-Life France ne pouvait se prévaloir de l'autorisation de fabriquer et de commercialiser obtenue en Espagne par Labo-Life Espaa, car l'Espagne n'avait pas encore mis en place la procédure d'enregistrement simplifiée, tout en se limitant à considérer que les produits en cause pourraient relever, à titre de tolérance, de la catégorie des préparations magistrales ; qu'il résultait d'une jurisprudence abondante que les frontières étaient maintenues entre les Etats membres en ce qui concernait la libre circulation des médicaments, ce qui s'expliquait par la nécessité impérieuse de protéger la santé et la vie des personnes (jugement pages 8 et 9) ;
" alors qu'un justiciable peut opposer aux autorités judiciaires d'un Etat membre les dispositions précises et inconditionnelles d'une directive communautaire si l'Etat a laissé expirer le délai imparti pour la transposition ; qu'Alain Y... démontrait (conclusions, pages 4 à 7) que les produits Labo-Life avaient été régulièrement autorisés en Espagne, Etat qui avait transposé la directive n° 92-73, et qu'il en résultait la possibilité de diffuser les produits dans tous les Etats, dont la France, qui s'était abstenue de transposer avant le 31 décembre 1995, date limite fixée par la directive ; que cette contestation, qui établissait l'absence d'élément légal des infractions imputées au prévenu, n'a pas trouvé de réponse circonstanciée et n'a suscité de la Cour que des motifs d'ordre général " ;
Attendu que, pour écarter les conclusions du prévenu invoquant l'obligation, pour la France, qui n'a pas transposé dans son droit interne la directive CEE n° 92-73 du 22 septembre 1992, de laisser circuler sur son territoire les médicaments homéopathiques enregistrés par un autre Etat membre, en l'espèce l'Espagne, la cour d'appel retient que, pour bénéficier de cette procédure simplifiée, prévue par l'article L. 601-3 du Code de la santé publique, les médicaments homéopathiques doivent, notamment, ne comporter aucune indication thérapeutique particulière sur l'étiquetage ou dans toute information relative au médicament ; que les juges ajoutent que les produits homéopathiques vendus par la société Labo-Life France comportent de telles indications et restent soumis à l'autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Agence du médicament, conformément à l'article L. 601 du Code précité ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, l'arrêt attaqué n'encourt pas le grief allégué, qui doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.