La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/11/1999 | FRANCE | N°97-43250

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 novembre 1999, 97-43250


Attendu que M. Y..., engagé le 1er mars 1991 par la société Alex Bargoudian en qualité de représentant exclusif auprès des grossistes de Paris, Lyon, Marseille, Toulouse et Lille pour vendre des vêtements, a été mis à pied à titre conservatoire le 6 avril 1995 puis licencié pour faute grave le 4 mai 1995 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré que la société Alex Bargoudian n'était tenue de lui verser, jusqu'au 6 avril 1995, qu'une commission d'un

montant égal à 4 % du chiffre d'affaires, hors taxes, par elle réalisé à raison...

Attendu que M. Y..., engagé le 1er mars 1991 par la société Alex Bargoudian en qualité de représentant exclusif auprès des grossistes de Paris, Lyon, Marseille, Toulouse et Lille pour vendre des vêtements, a été mis à pied à titre conservatoire le 6 avril 1995 puis licencié pour faute grave le 4 mai 1995 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré que la société Alex Bargoudian n'était tenue de lui verser, jusqu'au 6 avril 1995, qu'une commission d'un montant égal à 4 % du chiffre d'affaires, hors taxes, par elle réalisé à raison de l'activité de représentation exercée pour son compte et avant dire droit, ordonné une expertise sur le montant des sommes dues, alors, selon le moyen, que l'acceptation sans protestation ni réserve par un salarié des bulletins de salaire n'emporte qu'une présomption simple de l'accord des parties quant au mode de calcul de la rémunération ; que le salarié est admis à détruire cette présomption en rapportant la preuve contraire ; qu'en l'espèce, pour dire que M. Y... n'était pas fondé à prétendre que l'acompte d'un montant égal à 1 % du chiffre d'affaires figurant sur ses bulletins de salaire constituait une commission et pour estimer que cet acompte constituait un acompte sur l'indemnité de clientèle, la cour d'appel s'est fondée uniquement sur la seule absence de contestation de M. Y... lors de la réception de ces bulletins de salaire quant aux mentions figurant sur lesdits bulletins ; qu'ainsi, en omettant de s'expliquer sur le fait, invoqué par le salarié dans ses écritures d'appel, que la société Alex Bargoudian avait calculé les cotisations sociales sur la totalité des sommes versées et les avait déclarées comme rémunérations salariales à l'administration fiscale alors qu'une indemnité de clientèle n'a pas à supporter de charges sociales de sorte que, selon la commune intention des parties, la rémunération de M. Y... consistait bien en une commission de 5 % et non en une commission de 4 % à laquelle se serait ajoutée un acompte sur l'indemnité de clientèle de 1 %, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1348 du Code civil et L. 143-4 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté que la rémunération spéciale de 1 % versée à M. Y... ne se confondait pas avec la commission de 4 % qui lui était due ; que cette rémunération spéciale ayant un caractère salarial, le moyen est inopérant ;

Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que M. Y... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes tendant à la condamnation de la société à lui payer une indemnité de clientèle, une indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de congés payés afférente, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le salaire relatif à la période de mise à pied ainsi que la demande tendant à la fixation au 10 août 1995 de la date de prise d'effet de la rupture du contrat et à la mention de cette date tant sur son certificat de travail que sur l'attestation destinée à l'ASSEDIC, alors, selon le moyen, premièrement, qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué qu'aux termes de son attestation, M. X... s'est contenté de déclarer que M. Y... l'avait emmené dans les locaux d'une société concurrente de la société Alex Bargoudian à l'effet de lui présenter des produits semblables à ceux que cette société vend ; qu'il ne résultait donc nullement de cette attestation que M. Y... avait incité M. X... à acheter des produits vendus par une société concurrente de la société Alex Bargoudian et donc commis une faute grave ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et violé l'article L. 122-6 du Code du travail ; alors, deuxièmement, que le fait pour un représentant de commerce d'inciter une seule fois, voire à deux reprises, des clients de son employeur à acheter à l'un des concurrents de ce dernier des produits semblables à ceux qu'il vend alors même que le salarié qui avait plusieurs années d'ancienneté n'avait jamais fait l'objet de reproches pour des faits similaires ne peut suffire à caractériser un manquement rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis et n'est donc pas constitutif d'une faute grave ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6 et L. 122-8 du Code du travail ;

Mais attendu, que la cour d'appel, a retenu par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à son examen, qu'en deux occasions le salarié, représentant exclusif de la société, a incité des clients de cette société, à acheter à l'un des concurrents de cette dernière, des produits semblables à ceux qu'elle vend ; qu'elle a pu décider que ce manquement aux obligations contractuelles rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis et constituait une faute grave ; que le moyen pris en ses première et deuxième branches n'est pas fondé ;

Mais sur la troisième branche du second moyen :

Vu l'article L. 751-9 du Code du travail ;

Attendu que pour condamner M. Y... à restituer à la société Alex Bargoudian le montant des sommes versées au titre de la rémunération spéciale de 1 %, la cour d'appel énonce que cette rémunération constitue un acompte sur l'indemnité de clientèle, que celle-ci n'est pas due parce que le représentant a commis une faute grave et qu'en conséquence il doit rembourser cette avance ;

Attendu, cependant, que la rémunération spéciale versée par l'employeur pour indemniser le salarié de la clientèle apportée, créée ou développée par lui constituait un élément de salaire qui restait acquis au représentant et ne pouvait donner lieu à restitution même en cas de faute grave ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions ayant condamné M. Y... à restituer à la société Alex Bargoudian les sommes que celle-ci lui a versées à titre d'acompte sur l'indemnité de clientèle, l'arrêt rendu le 15 mai 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 97-43250
Date de la décision : 23/11/1999
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

VOYAGEUR REPRESENTANT PLACIER - Rémunération - Apport-création ou développement de clientèle - Rémunérations spéciales accordées en cours de contrat - Nature - Portée .

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Faute du salarié - Faute grave - Effets - Voyageur représentant placier - Apport-création ou développement de clientèle - Rémunérations spéciales accordées en cours de contrat - Restitution (non)

La rémunération spéciale versée, en cours de contrat, par un employeur pour indemniser un représentant de la clientèle apportée, créée ou développée par lui constitue un élément de salaire qui reste acquis à ce salarié et ne peut donner lieu à restitution, même en cas de licenciement pour faute grave.


Références :

Code du travail L751-9

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 mai 1997

A RAPPROCHER : Chambre sociale, 1991-06-05, Bulletin 1991, V, n° 285, p. 175 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 nov. 1999, pourvoi n°97-43250, Bull. civ. 1999 V N° 455 p. 337
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1999 V N° 455 p. 337

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. Martin.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Lanquetin.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Gatineau, la SCP Defrénois et Levis.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.43250
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award