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15/06/1999 | FRANCE | N°96-42791

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 juin 1999, 96-42791


Sur le moyen unique :

Attendu que la société Borax Français a conclu avec l'Association nationale de la recherche technique (ANRT) une convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE), par laquelle elle s'est engagée à embaucher un jeune cadre débutant pour lui confier un travail de recherche-développement, réalisé dans le cadre d'une formation par la recherche ; que dans le cadre de cette convention, la société Borax a passé avec l'université du littoral de Dunkerque une convention d'étude prévoyant que les travaux de recherche seraient réalisés au centre

de recherche sur l'environnement industriel de Dunkerque (CREID), sous...

Sur le moyen unique :

Attendu que la société Borax Français a conclu avec l'Association nationale de la recherche technique (ANRT) une convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE), par laquelle elle s'est engagée à embaucher un jeune cadre débutant pour lui confier un travail de recherche-développement, réalisé dans le cadre d'une formation par la recherche ; que dans le cadre de cette convention, la société Borax a passé avec l'université du littoral de Dunkerque une convention d'étude prévoyant que les travaux de recherche seraient réalisés au centre de recherche sur l'environnement industriel de Dunkerque (CREID), sous la responsabilité scientifique du professeur Y... et a engagé M. X..., en qualité d'ingénieur de recherche, selon contrat à durée déterminée de trois ans à compter du 1er janvier 1993 ; que la société Borax a mis fin au contrat par lettre du 17 février 1994, en invoquant des difficultés d'ordre relationnel internes à l'université, ayant abouti à l'impossibilité de poursuivre les travaux de recherche et constituant pour elle un empêchement de force majeure ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la société Borax fait grief à l'arrêt attaqué (Douai, 29 mars 1996), d'avoir décidé que la rupture du contrat n'était pas justifiée et de l'avoir condamnée à des dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat et à une indemnité de fin de contrat alors, selon le moyen, que la cour d'appel qui constate que le contrat de M. X... devait s'intégrer dans un contrat de recherche passé avec l'université et une convention CIFRE passé avec l'ANRT, organisme délégué par le ministère de la Recherche, et qui estime que ces éléments ne changeaient pas la nature du contrat de travail, ne tire pas les conséquences de ses propres constatations et se devait, au contraire, de rechercher si le contrat de M. X..., qui ne constituait qu'un élément d'exécution de la convention CIFRE, ne se rattachait pas à une mission de service public et ne rendait pas la juridiction prud'homale incompétente au profit de la juridiction administrative, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 74 et 92 du nouveau Code de procédure civile et de la loi des 16-24 août 1790 ; alors que, subsidiairement, il résulte de la convention CIFRE et du contrat de recherche intervenu entre la société Borax et l'université du littoral, que ces conventions ont été signées entre la société Borax et un établissement public d'une part (l'université), et une association participant au service public (ANRT), que ces conventions comportent de multiples clauses manifestement exorbitantes du droit commun (association de l'entreprise à la formation d'un étudiant en doctorat, utilisation du laboratoire de l'université, subordination du salarié étudiant à l'autorité du professeur d'université, subvention d'Etat, subordination de ces subventions à la signature d'un contrat entre l'entreprise et l'université comportant des clauses spécifiques, contrôle du ministère de la Recherche et de la Technologie, interruption de plein droit des contrats liant l'entreprise et le laboratoire d'université ou l'étudiant en cas d'échec de la mission ou de rupture de la convention CIFRE, détermination du salaire dû par arrêté ministériel...) ; qu'il s'agit donc de contrats administratifs comportant des clauses de nature réglementaire, notamment en ce qui concerne le terme de la collaboration entre l'université et l'entreprise, et les dispositions relatives aux possibilités de rupture en cours de contrat, dispositions reproduites dans le document intitulé contrat de travail et qui s'imposaient donc aux parties sauf illégalités non constatées par le juge, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait et en refusant d'admettre toute possibilité de résiliation, la cour d'appel a violé l'ensemble des dispositions réglementaires sus-évoquées ;

alors, encore et plus subsidiairement, qu'en admettant même que le contrat litigieux relève du droit commun, la cour d'appel qui a constaté que le salarié n'avait pas été choisi par la société Borax, était placé sous l'autorité d'un professeur de l'université, travaillait dans les locaux de celle-ci, et que l'entreprise n'avait aucune maîtrise dans l'organisation du travail, se devait de rechercher si l'employeur de M. X... n'était pas l'université, elle-même, seule titulaire du lien de subordination, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du Code du travail ; alors, de même, que la cour d'appel qui constate, en outre, que le salaire versé à M. X... était pour l'essentiel financé par une subvention de l'ANRT, association ayant reçu délégation du ministère de la recherche, se devait a fortiori de rechercher si la société Borax était l'employeur réel de M. X..., de sorte que la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du Code du travail ; alors, enfin et encore plus subsidiairement, qu'à supposer que la société Borax Français ait été effectivement l'employeur de M. X..., la cour d'appel ne pouvait écarter la notion de force majeure en se fondant sur le prétendu défaut d'extériorité, des difficultés relationnelles existant entre l'étudiant salarié et M. Y..., professeur d'université, ce qui impliquait une indivisibilité entre " le contrat de travail " et les contrats passés avec l'université et l'ANRT, tout en énonçant par ailleurs " que le fait que le contrat de travail soit passé dans le cadre d'une convention industrielle de formation, pour la recherche ne change pas la nature du contrat " ; qu'en statuant ainsi, elle a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; qu'en écartant dans les mêmes conditions l'existence d'une " cause étrangère ", elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-3-8 du Code du travail et de l'article 1147 du Code civil ; que de surcroît, la cour d'appel qui se détermine par la considération qu'un conflit entre un professeur d'université, directeur de thèse, et un étudiant dans le cadre d'un contrat de formation professionnelle ne serait jamais imprévisible, sans rechercher si une telle circonstance était normalement prévisible pour une société, acceptant de collaborer à un programme de formation professionnelle mis en place par l'université, viole les articles 1148 du Code civil et L. 122-3-8 du Code du travail ;

Mais attendu, que le litige portant sur la rupture d'un contrat de travail passé entre un salarié et une personne morale de droit privé relève de la compétence du juge judiciaire, quand bien même l'employeur serait investi d'une mission de service public ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a pu décider, sans se contredire, par motifs propres et adoptés, que les difficultés relationnelles entre M. X... et le professeur, sous la responsabilité scientifique duquel il effectuait sa recherche, n'étaient pas imprévisibles ni insurmontables, et que la force majeure n'était pas caractérisée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 96-42791
Date de la décision : 15/06/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, DUREE DETERMINEE - Rupture - Rupture avant l'échéance du terme - Force majeure - Nécessité .

PRUD'HOMMES - Compétence - Compétence matérielle - Litiges nés à l'occasion du contrat de travail - Litige portant sur la rupture - Employeur personne morale de droit privé - Mission de service public - Absence d'influence

SEPARATION DES POUVOIRS - Contrat de travail - Service public - Gestion par une personne morale de droit privé - Litige relatif à la rupture - Compétence judiciaire

Le litige portant sur la rupture d'un contrat de travail passé entre un salarié et une personne morale de droit privé relève de la compétence du juge judiciaire, quand bien même l'employeur serait investi d'une mission de service public. Une cour d'appel a pu décider que la rupture anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée portant sur des travaux de recherche n'était pas justifiée, après avoir retenu que les difficultés relationnelles entre le salarié, engagé par une société pour effectuer ces travaux dans le cadre d'une convention d'étude et le professeur sous la responsabilité duquel il effectuait sa recherche, n'étaient pas imprévisibles ni insurmontables et que la force majeure n'était pas caractérisée.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 29 mars 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 jui. 1999, pourvoi n°96-42791, Bull. civ. 1999 V N° 276 p. 199
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1999 V N° 276 p. 199

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. de Caigny.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Merlin.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Célice, Blancpain et Soltner.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:96.42791
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