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09/03/1999 | FRANCE | N°96-16560

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 mars 1999, 96-16560


Attendu qu'agissant dans le cadre de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et de son décret d'application du 22 janvier 1919, les agents du service de la répression des fraudes de la Corrèze ont, en octobre 1988, procédé à des prélèvements dans des bocaux présentés comme étant du " foie gras d'oie entier " fabriqué par la société Produits agro-alimentaires d'Aquitaine (PAA), dont le gérant était M. X..., la consignation et la saisie de dizaines de milliers de ces bocaux étant ensuite faites en raison du fait qu'il ne s'agissait pas de " foie gras entier ", mais de " foie gr

as d'oie " ; que le procureur de la République a donné mainlevée ...

Attendu qu'agissant dans le cadre de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et de son décret d'application du 22 janvier 1919, les agents du service de la répression des fraudes de la Corrèze ont, en octobre 1988, procédé à des prélèvements dans des bocaux présentés comme étant du " foie gras d'oie entier " fabriqué par la société Produits agro-alimentaires d'Aquitaine (PAA), dont le gérant était M. X..., la consignation et la saisie de dizaines de milliers de ces bocaux étant ensuite faites en raison du fait qu'il ne s'agissait pas de " foie gras entier ", mais de " foie gras d'oie " ; que le procureur de la République a donné mainlevée de ces saisies le 14 novembre 1988, la commercialisation étant autorisée sous l'appellation de " foie gras d'oie " au lieu de " foie gras d'oie entier " ; qu'alléguant diverses irrégularités et retards dans la conduite de la procédure et la divulgation à la presse des faits imputés à la société PAA, celle-ci ainsi que son gérant et son liquidateur ont engagé une action en réparation de leur préjudice contre l'agent judiciaire du Trésor ; que l'arrêt infirmatif attaqué les a déboutés ;

Sur les trois premiers moyens, pris en leurs diverses branches :

Attendu, d'abord, que l'arrêt attaqué, compte tenu du nombre d'échantillons saisis, de la complexité des analyses entreprises et des diverses investigations complémentaires nécessaires pour déterminer avec suffisamment de précision si le produit pouvait être commercialisé et sous quelle appellation, a pu décider qu'aucune faute tenant à des lenteurs ou négligences ne pouvait être imputée à l'Administration ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté que la société PAA avait été tenue informée des résultats des analyses, qu'elle n'alléguait aucune violation des règles relatives aux saisies opérées par les agents de la répression des fraudes et que la régularité des opérations de consignation et de saisie avait été reconnue par les juridictions répressives ; qu'elle a pu en déduire l'absence de violation des droits de la défense ;

Qu'ainsi les trois premiers moyens doivent être rejetés ;

Mais sur le quatrième moyen, pris en ses quatre branches :

Vu l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire, ensemble les articles 11 et 28 du Code de procédure pénale ;

Attendu que les dispositions du premier de ces textes suivant lesquelles l'Etat est tenu de réparer le dommage causé, en cas de faute lourde, par le fonctionnement du service de la justice sont applicables aux agents investis, sous le contrôle et l'autorité d'un magistrat du siège ou du Parquet, de pouvoirs de police judiciaire à l'effet de constater et réprimer des infractions à la loi ; que la divulgation d'informations permettant d'identifier les personnes mises en cause à l'occasion d'une enquête est constitutive d'une faute lourde ;

Attendu que bien qu'elle ait constaté que les services de la répression des fraudes avaient divulgué en novembre 1988 à l'agence France Presse des informations sur la procédure en cours et sur les faits de mise en vente pas la société PAA de " foie gras entier " qui n'aurait pas mérité cette appellation, la cour d'appel a estimé qu'il n'était pas établi que la campagne de presse dénigrante ait été déclenchée par l'Administration ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il y a lieu de prononcer une cassation sans renvoi du chef de la faute lourde ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions ayant écarté la faute lourde des services de la répression des fraudes de la Corrèze à raison de la divulgation à des tiers de renseignements relatifs à l'enquête concernant la société Produits agro-alimentaires d'Aquitaine, l'arrêt rendu le 28 mars 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Vu l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la faute lourde ;

Dit que les services de la répression des fraudes de la Corrèze ont commis une faute lourde en divulguant des informations relatives à l'enquête concernant la société Produits agro-alimentaires d'Aquitaine ;

Renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, mais uniquement pour qu'elle statue sur le préjudice résultant de cette faute.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 96-16560
Date de la décision : 09/03/1999
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi et cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° ETAT - Responsabilité - Responsabilité du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice - Agents investis de pouvoirs de police judiciaire - Service de la répression des fraudes - Faute lourde - Divulgation d'informations permettant d'identifier les personnes mises en cause à l'occasion d'une enquête.

1° Les dispositions de l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire suivant lesquelles l'Etat est tenu de réparer le dommage causé, en cas de faute lourde, par le fonctionnement du service de la justice sont applicables aux agents investis, sous le contrôle et l'autorité d'un magistrat du siège ou du Parquet, de pouvoirs de police judiciaire à l'effet de constater et réprimer des infractions à la loi. La divulgation, par les services de la répression des fraudes, d'informations permettant d'identifier les personnes mises en cause à l'occasion d'une enquête est constitutive d'une faute lourde.

2° CASSATION - Arrêt - Arrêt de cassation - Cassation sans renvoi - Etat - Responsabilité - Responsabilité du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice - Cassation limitée au chef erroné sur l'existence d'une faute lourde - Renvoi limité à la question du préjudice.

2° Il y a lieu à cassation sans renvoi d'un arrêt en ce qu'il avait écarté l'existence d'une faute lourde, au sens de l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire, la Cour de Cassation pouvant mettre fin au litige de ce chef en décidant qu'une faute lourde avait été commise, le renvoi étant limité à la question du préjudice.


Références :

1° :
Code de l'organisation judiciaire L781-1
Code de procédure civile 11, 28

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 28 mars 1996

A RAPPROCHER : (1°). Chambre civile 1, 1996-10-15, Bulletin 1996, I, n° 352, p. 247 (rejet). A RAPPROCHER : (2°). Chambre civile 1, 1999-01-12, Bulletin 1999, I, n° 18 (2), p. 12 (cassation et cassation sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 mar. 1999, pourvoi n°96-16560, Bull. civ. 1999 I N° 84 p. 56
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1999 I N° 84 p. 56

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey .
Avocat général : Avocat général : M. Roehrich.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Sargos.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Ryziger et Bouzidi, la SCP Ancel et Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:96.16560
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