La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/1999 | FRANCE | N°96-22914

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 05 janvier 1999, 96-22914


Attendu que les époux Fabien X... et Anne-Marie Y..., mariés le 18 octobre 1946 initialement sous le régime de la communauté réduite aux acquêts ultérieurement modifié en séparation de biens, ont, par convention notariée du 7 juillet 1983 homologuée par jugement du 24 février 1984, finalement adopté le régime de la communauté universelle ; qu'après le décès de leur mère, survenu le 1er juillet 1990, les deux enfants du couple, M. Jean-Pierre X... et Mme Corinne X... épouse Z..., ayant appris que leur père avait dissimulé lors de cette procédure de changement de régime m

atrimonial l'existence d'un enfant naturel, Caroline X... née le 3 sept...

Attendu que les époux Fabien X... et Anne-Marie Y..., mariés le 18 octobre 1946 initialement sous le régime de la communauté réduite aux acquêts ultérieurement modifié en séparation de biens, ont, par convention notariée du 7 juillet 1983 homologuée par jugement du 24 février 1984, finalement adopté le régime de la communauté universelle ; qu'après le décès de leur mère, survenu le 1er juillet 1990, les deux enfants du couple, M. Jean-Pierre X... et Mme Corinne X... épouse Z..., ayant appris que leur père avait dissimulé lors de cette procédure de changement de régime matrimonial l'existence d'un enfant naturel, Caroline X... née le 3 septembre 1977, ont formé le 2 février 1994 un recours en révision contre le jugement d'homologation ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 31 octobre 1996) a déclaré ce recours recevable et, rétractant le jugement du 24 février 1984, a refusé d'homologuer la convention du 7 juillet 1983 ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. Fabien X... fait grief à cet arrêt d'avoir déclaré recevable le recours en révision formé par ses deux enfants légitimes, 1° alors que, la révision ne peut être demandée que par les personnes qui ont été parties ou représentées au jugement ; que n'ont pas la qualité d'ayants cause universels et comme tels celle de personnes représentées, les héritiers agissant aux seules fins de faire valoir leurs droits sur la réserve héréditaire ; qu'en conséquence a violé l'article 594 du nouveau Code de procédure civile et l'article 1397 du Code civil l'arrêt qui a admis la recevabilité du recours en révision exercé par les enfants X... à l'encontre du jugement du 24 février 1984 ayant homologué l'adoption entre les époux X... du régime de la communauté universelle avec attribution de la communauté au conjoint survivant, dès lors que ce changement de régime matrimonial, auparavant précédé d'une donation, dont la validité n'a pas été contestée, de l'ensemble de ses biens par l'épouse au conjoint survivant, avait eu pour seul effet de priver les enfants X... de leurs droits en qualité d'héritiers réservataires sur les biens de leur mère donnés à son mari et par la suite confondus dans la communauté ; 2° alors que les enfants ont la qualité de tiers tant à la convention de changement de régime matrimonial de leurs parents qu'à la procédure d'homologation de ladite convention, en sorte que viole les articles 594 du nouveau Code de procédure civile et 1397 du Code civil la cour d'appel qui admet leur qualité de partie ou encore de partie représentée à ladite procédure et reconnaît la recevabilité de leur recours en révision ; 3° alors que, la demande aux fins d'homologation de la convention modificative du régime matrimonial, ainsi que le recours en révision exercé à l'encontre du jugement d'homologation, découlent l'un et l'autre d'une action non transmissible aux enfants, en sorte qu'ayant constaté le décès de Mme X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en admettant la transmission aux enfants X..., sept ans après le décès de leur mère, du recours en révision et par voie de conséquence, le refus d'homologuer une convention matrimoniale conclue entre époux dont l'un était décédé, et a ainsi violé les articles 384 et 594 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que l'article 1397 du Code civil ;

Mais attendu que Mme X... ayant acquis de son vivant un droit à contester le jugement d'homologation en raison de l'ignorance dans laquelle elle avait été laissée de l'existence d'un enfant tenue secrète par son mari au moment du changement de régime matrimonial ayant pour effet de régler le sort de leurs biens au décès du prémourant, ce droit a été transmis à ses héritiers ; qu'ayant relevé que Jean-Pierre et Corinne X... agissaient ainsi en qualité d'ayants cause universels de leur mère qui avait été partie au jugement d'homologation, la cour d'appel en a, à bon droit, déduit que leur recours en révision était recevable ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. Fabien X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable le recours formé le 2 février 1994 contre un jugement d'homologation du 24 février 1984, 1° alors qu'agissant en qualité d'ayants cause universels de leur mère, les enfants X... étaient tenus d'exercer ce recours en révision à l'encontre du jugement du 24 février 1984 dans le délai de deux mois courant à partir du jour où leur mère avait eu connaissance de l'existence de Caroline, fille naturelle de son époux, cause du recours en révision ; qu'en se bornant à constater qu'il n'était pas exclu que Mme X... ait eu connaissance de l'existence de cet enfant dès avant son décès, alors même qu'il revenait aux requérants d'établir que le recours en révision avait été exercé dans les délais, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 596 du nouveau Code de procédure civile ; 2° alors qu'en refusant de s'expliquer sur le fait, reconnu par les consorts X..., qu'ils avaient appris dès le mois de novembre 1993 l'existence de l'enfant naturel scolarisé dans un établissement sous le nom de Caroline X..., au motif inopérant qu'ils auraient acquis la certitude de sa qualité d'enfant naturel seulement le 3 décembre 1993, date de la délivrance de l'acte de naissance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 596 du nouveau Code de procédure civile ; 3° alors que le juge ne saurait fonder sa décision que sur des preuves légalement admissibles ; qu'en considérant la seule délivrance de l'acte de naissance en copie intégrale de Caroline X... comme élément caractéristique de la certitude acquise par les enfants X... de l'existence de leur soeur naturelle, alors même que la délivrance d'un tel acte ne leur était pas autorisée, en vertu de l'article 9 du décret du 3 août 1962, la cour d'appel a violé, outre cette disposition, les articles 10 du nouveau Code de procédure civile et 1353 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, d'une part, que rien ne permettait d'affirmer que Mme X... ait été informée de la reconnaissance de Caroline X... par son mari, d'autre part, que les demandeurs rapportaient la preuve qui leur incombait qu'ils n'avaient eu connaissance de manière certaine et complète de l'existence et de l'état civil de Caroline X... que le jour où ils avaient obtenu son acte de naissance, le 3 décembre 1993, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'interroger sur les modalités de délivrance de cette pièce non contestée par l'intéressée, en a, à bon droit, déduit que le délai prévu par l'article 596 du nouveau Code de procédure civile n'avait commencé à courir qu'à compter de cette date et que le recours formé le 2 février 1994 se trouvait donc recevable ; d'où il suit que le deuxième moyen n'est pas davantage fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. Fabien X... fait enfin grief à l'arrêt attaqué d'avoir rétracté le jugement du 24 février 1984 et refusé d'homologuer la convention du 7 juillet 1983, alors que la fraude au jugement suppose l'intention par des manoeuvres frauduleuses précises de dissimuler la réalité d'un fait ; qu'en se bornant à constater le silence de M. X... sur l'existence de sa fille naturelle lors de l'instance ayant conduit à l'homologation de la convention du 7 juillet 1983, silence que M. X... expliquait suffisamment en soulignant l'absence de lien entre lui et sa fille, caractéristique de son intention de ne pas la gratifier au détriment de ses enfants légitimes, et la volonté que lui et son épouse avaient eue, lors du changement de régime matrimonial, de seulement consolider la situation du conjoint survivant, sans caractériser l'intention de M. X... d'agir en fraude des droits de ses enfants légitimes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 595, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté que M. X... avait dissimulé l'existence de sa fille Caroline tant dans sa déclaration relative à la composition de la famille lors de l'établissement de la convention notariée que dans sa requête aux fins d'homologation du changement de régime matrimonial ; qu'elle a souligné les conséquences de cette dissimulation en observant qu'il n'est pas douteux que l'existence d'un enfant naturel de l'un des parents constituait pour le Tribunal appelé à statuer sur la demande d'homologation d'un changement de régime matrimonial portant adoption de la communauté universelle, l'un des éléments à prendre en considération pour vérifier si cette demande est ou non conforme à l'intérêt de la famille, condition de fond de cette homologation ; qu'elle a encore retenu que le tribunal, s'il avait eu connaissance de l'existence de Caroline, n'aurait certainement pas homologué l'adoption par les époux du régime de la communauté universelle, qui pouvait aboutir, comme cela est avéré, en cas de prédécès de la femme, à conférer à l'enfant adultérin du mari des droits sur le patrimoine de son épouse et ce, en violation des règles légales de succession ; qu'elle a ainsi caractérisé la fraude commise et légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 96-22914
Date de la décision : 05/01/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° REGIMES MATRIMONIAUX - Mutabilité judiciairement contrôlée - Homologation - Jugement d'homologation - Recours en révision - Recours formé par les enfants légitimes en qualité d'ayants cause universels de leur mère - Mère disposant de son vivant du droit de contester le jugement - Transmission aux enfants - Recevabilité du recours.

1° RECOURS EN REVISION - Recevabilité - Conditions - Jugement d'homologation d'une convention de changement de régime matrimonial - Recours formé par les enfants légitimes en qualité d'ayants cause universels de leur mère - Mère disposant de son vivant du droit de contester le jugement - Transmission aux enfants.

1° Est recevable le recours en révision formé par des enfants légitimes contre le jugement d'homologation de la convention par laquelle leurs parents ont adopté le régime de la communauté universelle, dès lors qu'ils agissent ainsi en qualité d'ayants cause universels de leur mère, qui ayant été partie au jugement d'homologation, avait acquis de son vivant un droit à contester le jugement d'homologation en raison de l'ignorance dans laquelle elle avait été laissée de l'existence d'un enfant tenue secrète par son mari au moment du changement de régime matrimonial ayant pour effet de régler le sort de leurs biens au décès du prémourant, ce droit ayant été transmis à ses héritiers.

2° RECOURS EN REVISION - Délai - Point de départ - Connaissance de la cause de révision invoquée - Jugement d'homologation d'une convention de changement de régime matrimonial - Ignorance par l'un des époux de l'existence d'un enfant naturel - Connaissance au jour de la délivrance de l'acte de naissance.

2° REGIMES MATRIMONIAUX - Mutabilité judiciairement contrôlée - Homologation - Jugement d'homologation - Recours en révision - Délai - Point de départ - Jour de la connaissance de la cause de révision invoquée.

2° Une cour d'appel, qui relève que rien ne permet d'affirmer que l'épouse ait été informée de la reconnaissance d'un enfant naturel par son mari, et que les demandeurs rapportent la preuve qui leur incombe qu'ils n'ont eu connaissance de manière certaine et complète de l'existence et de l'état civil de l'enfant que le jour où ils ont obtenu son acte de naissance, en déduit, à bon droit, que le délai prescrit par l'article 596 du nouveau Code de procédure civile n'a commencé à courir qu'à compter de cette date.

3° RECOURS EN REVISION - Cas - Fraude - Régimes matrimoniaux - Mutabilité judiciairement contrôlée - Dissimulation par un époux de l'existence d'un enfant naturel.

3° REGIMES MATRIMONIAUX - Mutabilité judiciairement contrôlée - Homologation - Jugement d'homologation - Recours en révision - Cas - Fraude - Dissimulation par un époux de l'existence d'un enfant naturel 3° FRAUDE - Régimes matrimoniaux - Mutabilité judiciairement contrôlée - Dissimulation par un époux de l'existence d'un enfant naturel.

3° Caractérise la fraude et justifie légalement sa décision de rétractation du jugement d'homologation de la convention de changement de régime matrimonial et de refus d'homologation de la convention, une cour d'appel qui relève que le mari avait dissimulé l'existence de sa fille tant dans sa déclaration relative à la composition de la famille lors de l'établissement de la convention notariée, que dans sa requête aux fins d'homologation du changement de régime matrimonial, qui souligne les conséquences de cette dissimulation en observant qu'il n'est pas douteux que l'existence d'un enfant naturel de l'un des parents constituait pour le Tribunal appelé à statuer sur la demande d'homologation d'un changement de régime matrimonial portant adoption de la communauté universelle l'un des éléments à prendre en considération pour vérifier si cette demande est ou non conforme à l'intérêt de la famille, condition de fond de cette homologation et qui retient que le Tribunal, s'il avait eu connaissance de l'existence de l'enfant, n'aurait certainement pas homologué l'adoption par les époux du régime de la communauté universelle, qui pouvait aboutir, comme celà est avéré, en cas de prédécès de la femme, à conférer à l'enfant adultérin du mari des droits sur le patrimoine de son épouse, en violation des règles normales de succession.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 31 octobre 1996

A RAPPROCHER : (2°). Chambre civile 2, 1998-01-28, Bulletin 1998, II, n° 38, p. 23 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 05 jan. 1999, pourvoi n°96-22914, Bull. civ. 1999 I N° 11 p. 6
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1999 I N° 11 p. 6

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey .
Avocat général : Avocat général : M. Sainte-Rose.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Guérin.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Boré et Xavier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:96.22914
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award