Attendu que M. X... a donné à bail rural partie d'une propriété à MM. Pierre et Robert Z... qui ont constitué entre eux un groupement agricole d'exploitation en commun, le GAEC Le Pin ; que, le 25 mars 1980, il a vendu en viager sa propriété à ce GAEC ; que, par testament olographe du 27 mai 1980, il a institué " l'association Sansouire " légataire particulier de la même propriété ; qu'il est décédé le 16 janvier 1981 ; que son héritière, Mme Y..., aux droits de laquelle vient M. Y..., a engagé une action en rescision pour lésion de la vente ; que la Fondation Sansouire, se prévalant de sa qualité de légataire du bien, a agi en nullité de la vente pour vileté du prix ; que l'arrêt attaqué (Montpellier, 25 mars 1996), statuant sur renvoi après cassation, a joint les instances, décidé que la Fondation Sansouire avait qualité pour agir, prononcé la nullité de la vente, jugé que la Fondation est seule propriétaire du domaine en sa qualité de légataire particulier, et a dit que les consorts Z... et le GAEC sont sans droits ni titres sur les parcelles non comprises dans le bail ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel de s'être fondée, pour juger que le légataire était la Fondation Sansouire, sur un document extrinsèque au testament, non écrit de la main du testateur, tout en constatant que celui-ci avait disposé en faveur de l'association Sansouire, et d'avoir, ainsi, privé sa décision de base légale au regard des articles 970 et 1134 du Code civil ;
Mais attendu que, saisie d'une contestation sur la personne du légataire, la cour d'appel pouvait recourir, non seulement aux énonciations du testament, mais encore à des éléments de preuve extrinsèques pour déterminer quelle était l'intention du testateur ; qu'elle a constaté qu'un document dactylographié, en date du 17 novembre 1980, signé de Marcel X..., précisait les conditions attachées au legs de son domaine en indiquant que la totalité des produits du bail à ferme et du bail de chasse reviendraient à la Fondation Sansouire ; que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation qu'elle a estimé que, si le testament portait la mention erronée " d'association " Sansouire, c'était bien la Fondation Sansouire qui était le légataire dans l'esprit du testateur ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur le troisième moyen, qui est préalable :
Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel de n'avoir pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1591 du Code civil en annulant la vente pour prix vil et dérisoire alors que, de ce qu'elle constatait que le prix avait été fixé à la somme de 1 500 000 francs, dont la conversion en rente viagère ne constituait qu'une modalité d'exécution du paiement, et que la valeur du domaine au jour de la vente avait été fixée par les experts à 5 500 000 francs, il résultait que le prix de vente, était réel, fût-il lésionnaire ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que le versement, à un homme âgé de 85 ans lors de la vente, d'une rente viagère annuelle de 60 000 francs, inférieure au fermage, et ne représentant qu'un pourcentage de 1,09 % de la valeur réelle du bien, était un prix dérisoire pour un domaine comportant des bâtiments, des vignes et différentes terres d'une surface totale de 101 ha 95 a, soit une surface quatre fois supérieure à l'assiette du bail ; qu'elle en a exactement déduit que la vente était nulle ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Et sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à la cour d'appel d'avoir, d'une part, violé l'article 1021 du Code civil, en refusant de constater la nullité du legs qui portait sur la chose d'autrui, la vente étant intervenue antérieurement au testament, sans que sa validité en ait été contestée avant le décès ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant décidé que la vente était nulle pour défaut de prix sérieux, cet acte n'a plus d'existence, de sorte que le legs postérieur ne portait pas sur la chose d'autrui ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.