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12/11/1998 | FRANCE | N°97-82954

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 novembre 1998, 97-82954


CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- Y... Gilles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 22 novembre 1996, qui, pour infractions à la loi du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, infraction à la loi du 28 décembre 1966 relative à l'usure, et pour abus de confiance, l'a condamné à 36 mois d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis, à 5 ans d'interdiction de ses droits civils, civiques et de famille, a ordonné la publication de la décision e

t a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires person...

CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- Y... Gilles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 22 novembre 1996, qui, pour infractions à la loi du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, infraction à la loi du 28 décembre 1966 relative à l'usure, et pour abus de confiance, l'a condamné à 36 mois d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis, à 5 ans d'interdiction de ses droits civils, civiques et de famille, a ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires personnel, ampliatif et complémentaire produits en demande et le mémoire en défense :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er, alinéa 2, 65 et 77 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, 121-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à la peine de 36 mois d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 5 ans, pour exercice illicite de l'activité d'intermédiaire en opérations de banque ;
" aux motifs qu'il est donc établi que Gilles Y..., dans le cadre de l'activité de la société Caugephy et la société Eufide recherchait sciemment des emprunteurs potentiels soit directement par voie d'annonces de presse à l'initiative des responsables salariés de ses établissements secondaires, soit indirectement en s'adressant à des cabinets financiers apporteurs d'affaires, mandataires de leurs clients, pour mettre en relation ces emprunteurs avec des prêteurs recherchés auprès de notaires qui agissaient eux-mêmes en qualité de mandataires de leurs clients ; la circonstance selon laquelle Gilles Y... s'est adressé principalement aux mandataires des prêteurs et des emprunteurs et non directement auprès de ces derniers, est sans influence sur le fait que par mandataires interposés il a habituellement mis en relation des parties intéressées à la conclusion d'un contrat de prêt qualifié "opération de banque" alors qu'aucun des intermédiaires dans les opérations en cause n'était un établissement de crédit ; c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu Gilles Y... dans les liens de la prévention résultant des articles 65 et 77 de la loi du 24 janvier 1984 ;
" alors que, d'une part, n'est intermédiaire en opérations de banque que la personne qui, à titre de profession habituelle, met en rapport les parties intéressées à la conclusion d'une opération de banque, sans se porter ducroire, et que les opérations de banque comprennent la réception de fonds du public, les opérations de crédit ainsi que la mise à la disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement ; qu'en condamnant le prévenu pour exercice illicite de l'activité d'intermédiaire en opérations de banque, tout en constatant que l'intéressé s'était adressé principalement aux mandataires des prêteurs et des emprunteurs et n'était pas intervenu directement auprès de ces derniers, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors que, d'autre part, en condamnant le prévenu en qualité de gérant des sociétés Caugephy et Eufide tout en relevant que c'étaient les responsables salariés des établissements secondaires de ces sociétés qui, de leur propre initiative, recherchaient directement par voie d'annonces de presse les emprunteurs potentiels, la cour d'appel a violé l'article 121-1 du Code pénal " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 3 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à la peine de 36 mois d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 5 ans, pour exercice d'opérations de banque illicites en se portant caution d'emprunts hypothécaires ;
" aux motifs que Gilles Y... a reconnu que, dans l'intégralité des prêts hypothécaires conclus avec le concours de la société Caugephy ou de la société Eufide, celles-ci étaient intervenues aux contrats de prêt en se portant caution de l'emprunteur moyennant une rémunération à hauteur de 1 % du capital prêté ; cette garantie apportée par les sociétés Caugephy et Eufide était conforme avec leur objet social et avec les termes des contrats de prêts, conclus par actes authentiques ; enfin, elle entraînait une rémunération spécifique au profit de ces sociétés ; aux termes de l'article 3 de la loi du 24 janvier 1984, constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux prend dans l'intérêt d'un client un engagement tel qu'un cautionnement ; en conséquence, c'est à bon droit que le prévenu a été retenu dans les liens de la prévention d'exercice illicite et habituel d'opérations de crédit en se portant caution ;
" alors qu'une décision de condamnation doit constater, à peine de nullité, tous les éléments constitutifs de l'infraction qui a motivé la condamnation ; qu'en s'abstenant en l'espèce de constater l'existence d'un cautionnement et de préciser que les éléments principaux de ce contrat sont réunis, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 313-1 et L. 313-3 du Code de la consommation, 1134 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à la peine de 36 mois d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 5 ans, pour participation à des prêts à taux usuraires ;
" aux motifs qu'il résulte des pièces du dossier que le prêt consenti à Mlle Z... par acte notarié du 28 novembre 1989 portait sur un capital de 170 000 francs amortissable aux termes du mandat de gestion par 144 mensualités de 3 589 francs chacune ; le taux d'intérêt initial était de 11 % ; mais à ce taux doivent s'ajouter les frais fiscaux répercutés sur l'emprunteur, les frais directement payés par l'emprunteur aux intermédiaires ayant concouru à l'obtention du prêt, ces frais, commissions ou rémunérations, pouvant résulter d'un acte distinct du contrat de prêt ; ainsi s'ajoutaient au taux initial retenu par Mlle Z..., le coût des intermédiaires, le 1 % au titre de la caution, les 2 % au titre de la souscription des parts du capital de la société Caugephy et les 3 % au titre du mandat de gestion souscrit par Mlle Z... ; ainsi, conformément aux études fournies par la commission bancaire, le taux effectif mensuel correspondant à un emprunt initial de 170 000 francs remboursé par 144 versements mensuels de 3 589 francs, est de 1,99 %, selon la méthode des intérêts composés, ce qui correspond à un taux annuel de 23,88 %, supérieur au taux usuraire en vigueur à la date du contrat de prêt qui était de 17,96 % ; Gilles Y... soutient que le coût du mandat de gestion ne doit pas entrer dans le calcul du taux effectif global ; cependant, il convient de relever, ainsi que l'a reconnu Gilles Y..., que le mandat de gestion était signé concomitamment avec l'acte authentique de prêt, en l'étude du notaire ; si des mentions figuraient à la fois dans le contrat de prêt et dans le mandat de gestion selon lesquelles l'emprunteur reconnaissait que la souscription de ce mandat était facultative, indépendante de l'octroi du prêt et ne constituait pas une condition préalable à l'intervention du prêteur ou de Caugephy, il convient, néanmoins, de considérer que le contrat de prêt et le mandat de gestion formaient un ensemble indissociable ; en effet, la société Caugephy, bénéficiaire du mandat de gestion, intervenait au contrat de prêt stipulant, par ailleurs, que les intérêts étaient payés par l'emprunteur à la société Caugephy, intervenante, à charge pour cette dernière d'en assurer le versement au notaire rédacteur de l'acte semestriellement ; en outre, le mandat de gestion fixait le montant des mensualités de remboursement et prévoyait sa résiliation à défaut de règlement d'une échéance, 30 jours après une mise en demeure par lettre recommandée restée infructueuse ou en cas d'inexécution de l'une quelconque des conditions et obligations du prêt ; en conséquence, le contrat de prêt et le mandat de gestion formaient un ensemble indissociable, l'acte sous seing privé définissant certaines modalités d'exécution du prêt ; ainsi, le coût du mandat de gestion doit entrer en compte pour le calcul du taux effectif global d'intérêt, contrairement à ce que soutient Gilles Y... ; le prévenu a donc participé sciemment à l'obtention par Mlle Z... d'un prêt à taux usuraire, circonstance qu'il ne pouvait méconnaître ; le jugement qui l'a retenu dans les liens de cette prévention sera donc confirmé ;
des pièces versées aux débats par M. X..., il apparaît que le prêt souscrit par cette partie civile le 28 juin 1990 avec un taux nominal de 13 % aboutissait aux termes de l'échéancier fourni à cet emprunteur à un taux effectif global de 24,47 % alors que le seuil de l'usure était fixé à l'époque de la souscription de ce prêt à 17,96 % ; tout en partageant les regrets exprimés par le tribunal qui constatait qu'après plus de 5 années d'instruction le calcul du taux effectif global n'ait pas été fait pour les autres prêts, le jugement sera réformé en ce qu'il a relaxé Gilles Y... du chef de participation à un prêt usuraire pour celui accordé à M. X... ; mais la relaxe sera confirmée à l'égard des autres victimes visées à l'ordonnance de renvoi faute d'élément dans le dossier d'instruction ou dans les dossiers remis par les parties civiles ;
" alors que, comme l'a constaté l'arrêt attaqué, des mentions figuraient à la fois dans le contrat de prêt et dans le mandat de gestion, selon lesquelles l'emprunteur reconnaissait que la souscription de ce mandat était facultative, indépendante de l'octroi du prêt et ne constituait pas une condition préalable à l'intervention du prêt ou de Caugephy ; qu'en décidant cependant que le coût du mandat de gestion devait entrer dans le calcul du taux effectif global, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 406 et 408 du Code pénal ancien, 314-1 et 314-2 du nouveau Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à la peine de 36 mois d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 5 ans, pour abus de confiance ;
" aux motifs que, alors que les capitaux empruntés n'étaient remboursables qu'à l'échéance du prêt, les emprunteurs dans le cadre du contrat de gestion versaient mensuellement à la société Caugephy une somme déterminée par elle, destinée non seulement à payer les intérêts trimestriellement ou semestriellement mais aussi à rembourser le capital ; il résulte des dépositions et des rapports de Me A..., administrateur judiciaire de la Caugephy, et des documents comptables établis à la demande de cet administrateur, par le cabinet Socogere, comptable de Caugephy (D. 637, D. 504, D. 502, D. 632, D. 484, D. 619), d'une part, qu'à la date du 31 décembre 1991, le montant total des capitaux remboursés par les clients dans le cadre des mandats de gestion, et non reversés aux notaires, était de 8 638 694 francs et, d'autre part, que cette somme ne se retrouvait pas au compte bancaire unique de la société Caugephy ; Gilles Y... ne peut soutenir à cet égard qu'il s'agissait là des effets de la décision prise le 23 septembre 1991, le plaçant sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer son activité, à la suite de laquelle ses clients n'auraient, selon lui, plus effectué de versements, puisque précisément il s'agit en l'espèce de l'addition des sommes effectivement versées par les clients sans que soient incluses celles qui n'avaient pas été versées ; Gilles Y... soutient également que la disparition des sommes versées par ses clients au titre de l'amortissement du capital emprunté, résultait des défaillances des emprunteurs qui l'avaient contraint à maintenir le versement des intérêts aux notaires des prêteurs par prélèvement sur la part de capital déjà amorti par ces mêmes emprunteurs ; cette explication est certes plausible mais ne peut justifier la disparition totale des parts des capitaux remboursés ; en effet, les mêmes pièces démontrent qu'à la date du 31 décembre 1991, la société Caugephy avait versé aux prêteurs 1 596 821 francs au titre des intérêts aux lieu et place des emprunteurs défaillants (D. 637 et 632, D. 627), somme bien inférieure au montant du capital amorti par les clients et non reversé aux notaires, à cette même date (8 638 074 francs) ; il est à préciser que la somme de 1 596 821 francs concerne la totalité des intérêts versés par Caugephy sur les dossiers en cause, avant et après défaillance du client, aucun moyen ne permettant au comptable de connaître les intérêts versés après défaillance des clients, la date de ces incidents étant elle-même difficile à déterminer (confer D. 631) ; par ailleurs, les mêmes documents établissent qu'à la date du 30 septembre 1991, soit 7 jours après le placement de Gilles Y... sous contrôle judiciaire, le montant du capital amorti par les clients, non reversé aux notaires et dont Caugephy était donc dépositaire, était de 3 974 123 francs ; or, il résulte des écrits de Me A... qu'au 2 octobre 1991, le compte bancaire unique de Caugephy au Crédit Agricole de Trouville, était débiteur de 185 020,91 francs, ce qui démontre bien qu'à la faveur de ce compte unique (contraire aux dispositions des mandats de gestion cf. article 1), Gilles Y... avait indistinctement utilisé la totalité des parts de capital remboursées pour le fonctionnement de sa société (frais de fonctionnement son propre salaire 40 000 francs par mois les engagements de caution de Caugephy, etc.) ;
or, il ne détenait ces fonds qu'à titre précaire à charge de les remettre aux notaires des prêteurs, avec seulement la faculté pour lui d'utiliser en cas de défaillance d'un emprunteur la part de capital amorti par ce dernier, pour assurer le versement régulier des intérêts afférents à ce même prêt, et non à la totalité des prêts gérés par Caugephy ; en tout état de cause, Gilles Y... n'a à l'évidence pas respecté ces dispositions puisque figurent au nombre des victimes des prêteurs ou emprunteurs pour lesquels aucun incident de paiement n'avait été enregistré jusqu'au 30 septembre 1991 ; de plus, le prévenu ne peut soutenir que la totalité des capitaux amortis avait pu être utilisée au service des intérêts échus, alors qu'il a reconnu devant la Cour que les incidents de paiement ne concernaient au plus que 25 % de ses contrats ; en tout état de cause, le solde du compte bancaire qui aurait été débiteur de 208 181,12 francs au 31 octobre 1991 puis créditeur de 1 132 242 francs lors de l'ouverture du redressement judiciaire, ainsi que de 1 070 820,65 francs en fin d'exercice, reste inférieur aux capitaux que Caugephy aurait dû conserver avant de les transmettre aux mandataires des prêteurs ; ainsi même en décomptant la totalité des intérêts versés aux lieu et place des emprunteurs défaillants et le solde créditeur du compte bancaire de Caugephy en fin d'exercice, il est établi un manque de 5 970 432 francs dans les capitaux amortis par les clients, sommes que Gilles Y... ne détenait dans le cadre du mandat de gestion qu'avec la charge d'avoir à les remettre aux mandataires des prêteurs mais qu'il a sciemment détournées pour les utiliser à d'autres fins ; la prévention d'abus de confiance sera donc confirmée pour ce montant ;
" alors que, d'une part, il n'y a pas intention frauduleuse lorsque les actes de détournement ou de dissipation ont été commis par négligence, imprudence ou erreur ; qu'en se bornant à déclarer que le prévenu avait sciemment détourné pour les utiliser à d'autres fins les capitaux amortis par les clients, sommes qu'il devait remettre aux mandataires des prêteurs, la cour d'appel, qui n'a relevé aucun élément de nature à établir la preuve de l'intention frauduleuse, a entaché sa décision d'un manque de base légale ;
" alors que, d'autre part, en s'abstenant de rechercher si la restitution des sommes versées ne s'était pas trouvée empêchée ou retardée par le placement sous contrôle judiciaire du prévenu le 23 septembre 1991, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Gilles Y... a été poursuivi, d'une part, sur le fondement des articles 1, 2, 3, 10, 15, 65, 75, 77 de la loi du 24 janvier 1984, pour avoir créé une société dont l'activité consistait à rechercher des emprunteurs et des prêteurs, à cautionner et à gérer le remboursement des prêts souscrits, d'autre part, sur le fondement des articles 1, 6, 17 et 19 de la loi du 28 décembre 1966 relative à l'usure, pour avoir à cette occasion fait souscrire des prêts dont le taux effectif global excédait le taux de l'usure, et, enfin, du chef d'abus de confiance, pour n'avoir pu représenter, lors de sa mise en redressement judiciaire, partie des fonds qui lui avaient été remis par les emprunteurs en vue du remboursement des prêteurs ;
Attendu que, pour déclarer Gilles Y... coupable d'exercice illicite de l'activité d'intermédiaire en opérations de banque et d'exécution illicite d'opérations de banque, les juges relèvent que, de 1985 à 1993, sous le couvert d'une société Caugephy, puis après engagement de poursuites par la commission bancaire, sous celui d'une nouvelle société Eufide, le prévenu a mis en relation, de manière habituelle, des personnes qu'il démarchait par voie d'annonces dans la presse, et des gens disposant de capitaux, qu'il trouvait en se rapprochant d'études notariales, et dont il cautionnait les prêts contre rémunération ;
Qu'ils relèvent encore, pour le déclarer coupable d'usure, qu'à l'occasion de la souscription des contrats de prêts, Gilles Y... a exigé des parties un mandat de gestion rémunéré aux termes duquel les emprunteurs s'engageaient à s'acquitter, entre ses mains, des échéances mensuelles de remboursement en capital et intérêts, à charge pour lui de les verser aux prêteurs, de telle sorte que, par addition du montant des intérêts prévus et des rémunérations perçues au titre du cautionnement et du mandat de gestion, le taux effectif global du crédit excédait le seuil autorisé par la loi ;
Qu'ils ajoutent enfin, pour le déclarer coupable d'abus de confiance, que, lors de sa mise en redressement judiciaire, Gilles Y... n'a pu représenter les fonds qu'il avait encaissés, et que la cessation d'activité de la société suivie de l'interruption corrélative de la gestion des prêts ainsi que la mise sous contrôle judiciaire de l'intéressé n'expliquent pas le déficit constaté, lequel résulte essentiellement de ce que, par suite d'une violation délibérée du mandat reçu, les versements étaient tous confondus entre eux et mis en masse commune, dans un compte unique ouvert à la banque, avec les fonds sociaux que le prévenu a utilisés pour faire fonctionner l'entreprise et se verser une substantielle rémunération ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, déduits d'une appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, et dès lors, d'une part, qu'en matière d'opérations de banque, l'article 65 de la loi du 24 janvier 1984 interdit toutes médiations, directes ou indirectes, autres que celles réalisées par les établissements de crédit, et dès lors, d'autre part, qu'en matière d'usure, selon les dispositions de l'article 1er de la loi du 28 décembre 1966, devenu l'article L. 313-3 du Code de la consommation, toutes sommes versées à un intermédiaire, fussent-elles stipulées dans des actes séparés, doivent être prises en compte pour la détermination du taux effectif global comme pour celle du taux effectif pris comme référence, la cour d'appel a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs les délits reprochés et justifié sa décision ;
Que les moyens doivent, dès lors, être écartés ;
Mais sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 112-1, 131-26 du nouveau Code pénal, 4 et 42 du Code pénal ancien, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que la cour d'appel, après avoir déclaré le prévenu coupable de délits commis entre 1987 et 1991, l'a condamné à 36 mois d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 5 ans puis a prononcé à son encontre l'interdiction des droits visés à l'article 131-26 du nouveau Code pénal pour une durée de 5 ans ;
" alors que l'interdiction des droits visés aux 2° et 3° de l'article 131-26 du nouveau Code pénal, qui porte notamment le droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice, n'est entrée en vigueur que le 1er mars 1994 et que ce droit n'était pas compris dans ceux énumérés par l'article 42 du Code pénal ancien alors applicable ; que, dès lors, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés " ;
Vu les articles 42 ancien, 112-1 et 131-26 du Code pénal ;
Attendu que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits ont été commis ; qu'une loi édictant une peine complémentaire ne peut s'appliquer à des faits antérieurs à son entrée en vigueur ;
Attendu qu'après avoir déclaré Gilles Y... coupable des faits visés à la prévention, les juges du second degré l'ont condamné notamment à la peine complémentaire de " l'interdiction des droits visés à l'article 131-26 du Code pénal pour une durée de 5 ans " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que ce texte, entré en vigueur postérieurement à la commission des faits, prévoit désormais, parmi les droits qu'il énumère, le droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice qui n'était pas compris dans la liste des droits énumérés par l'article 42 du Code pénal alors applicable, la cour d'appel a méconnu les texte et principe susvisés et privé sa décision de base légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt de la cour d'appel de Caen, en date du 22 novembre 1996, en ses seules dispositions ayant prononcé la privation du droit de représenter ou d'assister une partie en justice, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-82954
Date de la décision : 12/11/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° BANQUE - Intermédiaire en opérations de banque - Exercice illégal de l'activité - Définition.

1° BANQUE - Intermédiaire en opérations de banque - Exécution illicite d'opérations de banque - Définition.

1° L'article 65 de la loi du 24 janvier 1984 interdisant toutes médiations, directes ou indirectes, autres que celles réalisées par les établissements de crédit, constitue le délit d'exercice illicite de l'activité d'intermédiaire en opérations de banque et celui d'exécution illicite d'opérations de banque, le fait de mettre en relation, de manière habituelle, des personnes démarchées par voie de presse et des personnes disposant de capitaux, dont l'identité a été communiquée par des études notariales, et de cautionner contre rémunération les contrats de prêts souscrits entre ces personnes.

2° USURE - Taux de l'intérêt - Taux effectif global - Calcul - Prise en compte de toutes sommes versées par le souscripteur.

2° L'article 1er de la loi du 28 décembre 1966 disposant que toutes sommes versées à un intermédiaire, fussent-elles stipulées dans des actes séparés, doivent être prises en compte pour la détermination du taux effectif global comme pour celle du taux effectif pris comme référence, constitue le délit d'usure le fait d'exiger, des parties à un contrat de prêt, un mandat de gestion de ce prêt, rémunéré, dont le coût additionné aux montants des intérêts prévus et des frais de cautionnement exigés excède le seuil de l'usure prévu par la loi.


Références :

1° :
2° :
Loi 66-1008 du 28 décembre 1966 art. 1er
Loi 84-46 du 24 janvier 1984 art. 65

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen (chambre correctionnelle), 22 novembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 nov. 1998, pourvoi n°97-82954, Bull. crim. criminel 1998 N° 297 p. 856
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1998 N° 297 p. 856

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Lucas.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. de Mordant de Massiac.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Nicolay et de Lanouvelle.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.82954
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