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13/10/1998 | FRANCE | N°96-21485

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 octobre 1998, 96-21485


Attendu que, exerçant depuis le 1er juillet 1980 la profession de médecin anesthésiste-réanimateur au sein de la Clinique des Ormeaux au Havre, M. X... s'est vu consentir, par un contrat du 30 janvier 1986, à compter du 1er janvier 1986, en même temps que d'autres anesthésistes avec lesquels il était associé au sein d'une société civile de moyens, dite Groupement médical anesthésique des Ormeaux, dit GMAO, l'exclusivité des actes de sa spécialité pour une durée de trente ans ; qu'il a acquis en contrepartie des actions de la société anonyme Clinique des Ormeaux (la Clinique)

; qu'après l'avoir convoqué à la réunion du conseil d'administrat...

Attendu que, exerçant depuis le 1er juillet 1980 la profession de médecin anesthésiste-réanimateur au sein de la Clinique des Ormeaux au Havre, M. X... s'est vu consentir, par un contrat du 30 janvier 1986, à compter du 1er janvier 1986, en même temps que d'autres anesthésistes avec lesquels il était associé au sein d'une société civile de moyens, dite Groupement médical anesthésique des Ormeaux, dit GMAO, l'exclusivité des actes de sa spécialité pour une durée de trente ans ; qu'il a acquis en contrepartie des actions de la société anonyme Clinique des Ormeaux (la Clinique) ; qu'après l'avoir convoqué à la réunion du conseil d'administration du 27 janvier 1995, pour l'entendre sur son comportement professionnel, la Clinique lui a notifié, par une lettre du 30 janvier 1995, sa décision de mettre un terme à leurs relations contractuelles après un préavis de six mois ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de M. X..., pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Rouen, 11 septembre 1996), de l'avoir débouté de ses demandes tendant à voir déclarer abusive la rupture unilatérale du contrat d'exercice par la Clinique, et en conséquence, à la voir condamner à lui payer une indemnité complémentaire de préavis et des dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que, d'une part, le " contrat d'anesthésie-réanimation " a été passé entre, d'un côté, la clinique, et, de l'autre, conjointement, M. Y..., M. Z..., M. A..., M. X..., associés dans le GMAO, se réservant la possibilité de se substituer une société civile professionnelle constituée entre eux, qu'il est exposé que la clinique accorde conjointement aux associés du GMAO un contrat d'exercice de la profession d'anesthésiste-réanimateur, qu'aux termes de l'article 1, il est concédé conjointement aux associés du GMAO le droit d'exercer leur activité à titre exclusif, que selon l'article 3, les médecins du GMAO auront la possibilité de se faire assister par tout collaborateur de leur choix, que les autres clauses visent également " les médecins du GMAO ", que le contrat qui a été ainsi conclu non entre la clinique et quatre personnes physiques prises chacune individuellement, mais entre deux parties uniques, dont l'une est une partie simple la clinique et dont l'autre est une partie plurale les médecins anesthésistes-réanimateurs du GMAO rassemblés par un même intérêt défini par rapport à l'objet de l'acte , est, partant, un contrat conjonctif ne pouvant que continuer entre tous ou disparaître entre tous, et qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé le contrat litigieux ; alors que, d'autre part, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de M. X... faisant valoir que les dirigeants de la Clinique pouvaient d'autant moins faire valoir qu'il ne s'agissait pas d'un contrat collectif, qu'ils n'ont eu de cesse de vouloir y mettre un terme pour lui substituer des contrats individuels conclus avec chaque médecin ;

Mais attendu que c'est sans dénaturer le contrat que la cour d'appel, par une interprétation rendue nécessaire par le terme même de " conjoint ", qui est susceptible de plusieurs acceptions, dont celle d'obligation plurale dans laquelle chacun des débiteurs n'est obligé que pour sa part, et au vu des autres clauses du contrat, spécialement l'article 10 permettant une cession du contrat à un successeur qualifié, a jugé que la clinique était habile à résilier individuellement le contrat du 30 janvier 1986, en justifiant de sa décision devant le juge ;

Et attendu que le rejet de la première branche rend la seconde inopérante ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir débouté M. X... de ses demandes, alors, selon le moyen, que, d'une part, en relevant que la clinique avait, à juste titre, fixé à six mois la durée du préavis accordé à M. X..., et que le conseil de l'ordre avait seulement sanctionné le 27 janvier 1996 par un blâme certains faits reprochés à M. X..., ce qui excluait que les fautes et manquements allégués à l'encontre de celui-ci depuis 1981, fussent d'une gravité telle qu'ils pussent justifier une résolution immédiate du contrat sans décision judiciaire préalable, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui en résultaient, et a ainsi violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ; alors que, d'autre part, l'article 1184 du Code civil précise que le contrat n'est point résolu de plein droit, et que la résolution doit être demandée en justice, et qu'en déclarant justifiée, par application de cet article, la décision de la clinique de rompre sans décision judiciaire préalable le contrat à durée déterminée la liant à M. X..., la cour d'appel a violé ce texte ;

Mais attendu que la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, et que cette gravité, dont l'appréciation qui en est donnée par une autorité ordinale ne lie pas les tribunaux, n'est pas nécessairement exclusive d'un délai de préavis ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et, sur les troisième, quatrième, et cinquième moyens, du pourvoi principal, pris en leurs diverses branches :

Attendu que la cour d'appel retient, dans l'exercice de son pouvoir souverain, que le contrat imposait à M. X... de ne pratiquer tous les actes relevant de l'exercice de sa profession qu'à l'intérieur de la clinique, que cependant M. X... a passé outre une mise en demeure de respecter cette clause et continué à consulter en dehors, et ce malgré les inconvénients en résultant pour les patients qui devaient sortir de la clinique, qu'à différentes reprises, des chirurgiens se sont plaints par lettres du comportement de M. X... qui a refusé d'accomplir des actes liés à sa qualité d'anesthésiste, notamment en manquant de disponibilité lorsqu'il était de garde, qu'un chirurgien a souligné qu'en 1993, 1994 et 1995, sont survenus des incidents caractérisés, soit par un manque de disponibilité pouvant avoir des répercussions graves sur la santé des personnes opérées, soit même des états d'énervement et de brutalité à l'égard de certains malades qui s'en sont plaints, qu'une pétition a été signée le 22 décembre 1994 par trente praticiens critiquant le comportement de M. X..., que les témoignages versés aux débats par celui-ci sont contredits par les attestations et autres pièces du dossier qui démontrent qu'en de nombreuses circonstances et depuis 1981, il a gravement manqué à ses obligations de médecin anesthésiste, y compris en compromettant la santé des patients ; que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, répondant aux conclusions dont elle était saisie, et qui n'a ni méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, ni violé l'article 59 du Code de déontologie médicale, ni inversé la charge de la preuve, a pu déduire, sans dénaturer le contrat, ni des lettres de la Clinique des 10 décembre 1993 et 16 septembre 1994, justifiant légalement sa décision, que ces violations graves et renouvelées des obligations contractuelles permettaient à la Clinique de résilier le contrat de M. X... ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident de la Clinique des Ormeaux, pris en ses six branches : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal ;

DIT n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi incident.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 96-21485
Date de la décision : 13/10/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin chirurgien - Contrat avec une clinique privée - Rupture unilatérale - Rupture par la clinique - Médecin lié conjointement avec d'autres praticiens à la clinique - Caractère individuel de la rupture - Possibilité.

1° Ne dénature pas le contrat par lequel une clinique a consenti à un médecin, en même temps qu'à d'autres de même spécialité avec lesquels il était associé au sein d'une société civile de moyens, l'exclusivité des actes de sa spécialité, la cour d'appel qui, par une interprétation rendue nécessaire par le terme même de " conjoint ", lequel est susceptible de plusieurs acceptions, dont celle d'obligation plurale dans laquelle chacun des débiteurs n'est obligé que pour sa part, et au vu des autres clauses du contrat, juge que la clinique était habile à résilier individuellement le contrat en justifiant de sa décision devant le juge.

2° CONTRATS ET OBLIGATIONS - Résolution et résiliation - Résiliation - Résiliation unilatérale - Médecin chirurgien - Contrat avec une clinique - Rupture par celle-ci - Rupture résultant de la gravité du comportement du médecin - Octroi d'un préavis - Incompatibilité (non).

2° CONTRATS ET OBLIGATIONS - Résolution et résiliation - Résiliation - Résiliation unilatérale - Médecin chirurgien - Contrat avec une clinique - Rupture par celle-ci - Conditions - Gravité du comportement du médecin 2° CONTRATS ET OBLIGATIONS - Résolution et résiliation - Résiliation - Résiliation unilatérale - Médecin chirurgien - Contrat avec une clinique - Rupture par celle-ci - Rupture résultant de la gravité du comportement du médecin - Appréciation de cette gravité par une autorité ordinale - Absence d'influence 2° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin chirurgien - Contrat avec une clinique privée - Rupture unilatérale - Rupture par la clinique - Conditions - Gravité du comportement du médecin 2° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin chirurgien - Contrat avec une clinique privée - Rupture unilatérale - Rupture par la clinique - Rupture résultant de la gravité du comportement du médecin - Octroi d'un préavis - Incompatibilité (non) 2° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin chirurgien - Contrat avec une clinique privée - Rupture unilatérale - Rupture par la clinique - Rupture résultant de la gravité du comportement du médecin - Appréciation de cette gravité par une autorité ordinale - Absence d'influence.

2° La gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, et cette gravité, dont l'appréciation qui en est donnée par une autorité ordinale ne lie pas les tribunaux, n'est pas nécessairement exclusive d'un délai de préavis.

3° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin chirurgien - Contrat avec une clinique privée - Rupture unilatérale - Rupture par la clinique - Violations graves et renouvelées de ses obligations contractuelles par le médecin - Appréciation souveraine.

3° Ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain, que le contrat imposait au médecin de ne pratiquer tous les actes relevant de l'exercice de sa profession qu'à l'intérieur de la clinique et que l'intéressé avait passé outre une mise en demeure de respecter cette clause, et qu'en de nombreuses circonstances il avait gravement manqué à ses obligations de médecin anesthésiste, y compris en compromettant la santé des patients, une cour d'appel a pu déduire que ces violations graves et renouvelées des obligations contractuelles permettaient à la clinique de résilier le contrat du médecin.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 11 septembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 oct. 1998, pourvoi n°96-21485, Bull. civ. 1998 I N° 300 p. 207
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 I N° 300 p. 207

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey .
Avocat général : Avocat général : M. Sainte-Rose.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Chartier.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Nicolay et de Lanouvelle.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.21485
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