Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que, soutenant que la lettre qu'un juge d'instance lui avait adressée contenait des appréciations désobligeantes et dommageables à son endroit, lettre dont une copie avait été adressée tant au Bâtonnier de l'ordre des avocats qu'à sa cliente, M. X..., avocat inscrit au barreau de Montpellier, aux droits de qui sont aujourd'hui ses héritiers, a assigné l'Etat français pris en la personne de l'agent judiciaire du Trésor public afin de le voir condamner à lui payer des dommages-intérêts ; que le Syndicat des avocats de France et le conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Montpellier sont intervenus à l'instance ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 17 janvier 1996) d'avoir déclaré la demande non fondée, alors, selon le moyen, que, d'une part, l'auxiliaire de justice, collaborateur du service public, victime d'un dommage subi en cette qualité, peut, même en l'absence de faute, en demander réparation à l'Etat dès lors que ce préjudice est anormal et spécial et d'une certaine gravité, que, déniant cette qualité à M. X..., la cour d'appel a violé la loi du 31 décembre 1971 modifiée et les textes pris pour son application, et qu'en conséquence, en exigeant, pour ouvrir droit à réparation, l'existence d'une faute lourde, la cour d'appel a violé les principes régissant la responsabilité de la puissance publique à l'égard de ses collaborateurs ; alors, d'autre part, qu'en tout cas, l'auxiliaire de justice n'étant ni un usager du service public, ni un tiers, la faute simple suffisait à engager la responsabilité de l'Etat, et que la cour d'appel a violé les principes précités et l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire ; et alors que, enfin, même à retenir la nécessité d'une faute lourde, il résulte des constatations de l'arrêt que le juge avait invoqué à l'encontre de l'avocat une " déconcertante désinvolture ", une " attitude outrageante " à l'égard du conseil de prud'hommes, supposant que ses observations le laisseraient " dans une profonde indifférence " qui surpassait seulement son " mépris ", de sorte qu'il tenait à faire connaître à sa cliente ce qu'il pensait " de sa conduite " en lui adressant une copie de la lettre, que de ces constatations résulte manifestement une intention de nuire, et que la cour d'appel qui, pour écarter la faute lourde, a exclu cette intention de nuire, n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui en résultaient nécessairement et a ainsi violé les articles régissant la responsabilité de la puissance publique ;
Mais attendu que l'arrêt attaqué a exactement retenu qu'à l'égard d'un avocat, qui est le conseil représentant ou assistant l'une des parties en litige et non un collaborateur du service public de la justice, la responsabilité de l'Etat en raison d'une faute commise par un magistrat dans l'exercice de ses fonctions ne peut, selon l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire, être engagée qu'en cas de faute lourde ;
Et attendu que la cour d'appel a encore exactement jugé que le magistrat n'avait pas commis de faute lourde, après avoir relevé que si les termes employés par celui-ci étaient discourtois, ils étaient la manifestation maladroite de l'irritation du juge départiteur informé, lors de l'audience, par le conseil adverse, d'une demande de renvoi ayant pour effet de vider le rôle de son contenu en un temps où du fait de l'encombrement des rôles, le traitement des affaires constitue une des préoccupations majeures des magistrats ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.