Attendu que M. Y... et M. X... ont constitué une société civile professionnelle ayant pour objet l'exercice en commun, par ses membres, de la profession d'huissier ; que le capital de cette société, fixé à 1 013 000 francs, correspondant, à concurrence d'un million de francs à la valeur du droit de présentation de clientèle, a été divisé en 1 013 parts dont 1 003 ont été attribuées à M. Y..., chacun des associés bénéficiant en outre de 50 parts d'industrie ; qu'ayant appris au cours de l'année 1992 que la valeur du droit de présentation de la clientèle avait été estimée à 4 500 000 francs, M. X... a convoqué pour le 11 mai 1993 une assemblée générale extraordinaire à l'effet de délibérer sur une augmentation de capital en raison de la plus-value constatée ; que M. Y... ne s'est pas rendu à cette convocation, faisant obstacle à toute délibération sur ce point ; que M. X... a alors recherché la responsabilité de M. Y... et l'indemnisation de son préjudice ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué (Caen, 14 mai 1996) de l'avoir condamné à indemniser M. X... alors, d'une part, que l'augmentation de capital par incorporation de réserves ou de plus-values d'actif prévue par l'article 43 du décret du 31 décembre 1969 ne présente aucun caractère automatique mais dépend entièrement des dispositions des statuts de la société auxquels il renvoie expressément ; que les statuts prévoient, en leurs articles 14 à 18 et 29 qu'une telle augmentation ne peut résulter que d'une décision unanime des associés délibérant sur son opportunité ; qu'en affirmant, nonobstant ces dispositions statutaires que l'augmentation de capital par incorporation de la plus-value d'actif souhaitée par M. X... présentait un caractère automatique, la cour d'appel aurait violé ensemble l'article 43 du décret du 31 décembre 1969 et l'article 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, que les décisions émanant de la majorité des associés ne présentent un caractère abusif que si elles ont été prises contrairement à l'intérêt social et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité ; qu'en énonçant que la décision de M. Y..., associé majoritaire, de s'opposer à l'augmentation de capital avait pour seul but d'empêcher que son associé, apporteur en industrie, soit attributaire d'une partie des parts sociales nouvelles, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'article 43 précité énonce que si la constitution de réserves au moyen de bénéfices non distribués ou le dégagement de plus-values d'actif dues à l'industrie des associés le permet, il est procédé périodiquement à l'augmentation du capital social et les parts sociales ainsi créées doivent être attribuées à tous les associés, y compris ceux qui n'ont apporté que leur industrie ; qu'il ajoute que les statuts fixent les conditions d'application de ces dispositions ; que par motifs propres et adoptés, l'arrêt attaqué retient exactement que l'augmentation de capital prévue par ce texte a un caractère automatique et que les statuts, qui ne peuvent fixer que les conditions d'application du texte réglementaire, ne sauraient la rendre facultative ; qu'en sa première branche, le premier moyen est mal fondé ; qu'ensuite, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui a constaté l'opposition abusive de M. Y... à l'application d'une disposition obligatoire, a condamné celui-ci à réparation au profit de M. X... ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu que M. Y... fait encore grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué ainsi qu'il a fait alors qu'en retenant les bases et modalités de calcul proposées par M. X... pour l'évaluation de son préjudice au seul motif que M. Y... ne les avait pas expressément contestées, quand il les critiquait implicitement en concluant au débouté de M. X..., la cour d'appel, qui a statué par des motifs ne permettant pas à la Cour de Cassation de vérifier si les sommes allouées n'excèdent pas le préjudice subi par M. X... aurait encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir constaté que le droit de présentation de clientèle avait été apporté à la société pour la valeur d'un million de francs, a retenu que ce droit avait, en 1992, été évalué à 4 500 000 francs, caractérisant ainsi l'existence d'une plus-value de 3 500 000 francs ; qu'elle a également retenu qu'il résultait de la combinaison des articles 23.2 et 29, alinéa 8, des statuts que 1 178 des 3 500 parts nouvelles auraient dû revenir à M. X..., ce qui compte tenu du nombre des actions qu'il aurait alors détenues aurait porté ses droits dans le capital social de 0,99 % à 26,32 % ; qu'elle a enfin évalué la perte de revenu subie par celui-ci, pour la période allant du 1er juin au 31 décembre 1993 en considération du produit net comptable de l'office pour l'année 1992, qui avait seul été produit aux débats, fixant, pour la période ultérieure, le manque à gagner subi par M. X... à une quotité du produit net comptable réalisé par la société civile professionnelle au cours de l'année précédente ; que l'arrêt attaqué, qui ne se borne pas à retenir les bases et modalités d'évaluation de son préjudice au seul motif que M. Y... ne les avait pas critiquées, n'encourt pas le grief invoqué ;
Et sur la seconde branche du second moyen :
Attendu que M. Y... fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors qu'en considérant, pour condamner M. Y... à payer à M. X... la perte de revenus subie au titre des années 1993 et 1994, que la tenue de l'assemblée générale du 11 mai 1993 convoquée par M. X... était conforme aux statuts de la société quand l'article 29 de ces statuts prévoit que seules les assemblées statuant sur les comptes annuels comportent l'examen de l'opportunité de l'augmentation de capital et ce, à compter du dixième exercice social puis tous les 5 ans, soit les assemblées devant se tenir notamment au cours des années 1990 et 1995, la cour d'appel aurait méconnu la force obligatoire de l'article 29 précité et violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'augmentation du capital n'avait pas été inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée générale annuelle de 1990, correspondant au dixième exercice social, ni à celle des années 1991, 1992 et 1993, la cour d'appel a considéré, sans méconnaître les statuts, que M. X... était en droit de provoquer ultérieurement et sans attendre l'année 1995, la réunion d'une assemblée générale extraordinaire afin de délibérer sur cette question ; que le grief n'est pas davantage fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.