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07/07/1998 | FRANCE | N°97-10869

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 07 juillet 1998, 97-10869


Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 14 octobre 1982, à la Clinique Saint-Martin, Mme Y..., assistée du médecin-obstétricien, M. X..., et de la sage-femme, Mme B..., a mis au monde un enfant cyanosé, qui, depuis sa naissance, présente une paraplégie associée à une monoplégie de la main gauche ; que, faisant valoir que lors de l'arrivée de la mère à la clinique le déroulement de la grossesse avait été noté comme tout à fait normal et, reprochant divers manquements tant à la sage-femme qu'à la clinique et au praticien, les consorts Y... les ont assigné

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Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 14 octobre 1982, à la Clinique Saint-Martin, Mme Y..., assistée du médecin-obstétricien, M. X..., et de la sage-femme, Mme B..., a mis au monde un enfant cyanosé, qui, depuis sa naissance, présente une paraplégie associée à une monoplégie de la main gauche ; que, faisant valoir que lors de l'arrivée de la mère à la clinique le déroulement de la grossesse avait été noté comme tout à fait normal et, reprochant divers manquements tant à la sage-femme qu'à la clinique et au praticien, les consorts Y... les ont assignés, après expertises, aux fins d'indemnisation des divers préjudices subis ; que la compagnie le GAN, assureur de la clinique, est intervenue à l'instance ; qu'écartant la nullité du rapport d'expertise du professeur A..., invoquée par les parties, l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 novembre 1996) a déclaré la Clinique Saint-Martin, Mme B... et M. X..., responsables du préjudice subi par les consorts Y..., a dit la clinique tenue de réparer les fautes commises par sa sage-femme salariée Mme B..., sans pouvoir se tourner contre cette dernière, enfin, a partagé par moitié entre la clinique et le praticien la responsabilité de l'accident survenu à l'enfant Vincent Y... ;

Sur les premiers moyens, qui sont identiques du pourvoi principal formé par M. X..., du pourvoi provoqué de Mme B..., et du pourvoi incident de la Clinique Saint-Martin :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt de n'avoir pas prononcé la nullité de l'expertise, alors, selon les moyens, que le rapport d'expertise exprime un avis dont les motifs sont indissociables les uns des autres, de telle sorte qu'en émettant un avis juridique, l'expert excède sa mission et entache de nullité l'entier rapport ; qu'ayant constaté que le rapport d'expertise judiciaire du professeur A... reposait sur une opinion juridique, la cour d'appel a refusé d'annuler ce rapport ; qu'elle a, en conséquence, violé l'article 238 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'aucune disposition ne sanctionne par la nullité l'inobservation des obligations imposées par l'article 238 du nouveau Code de procédure civile au technicien commis ; que, sans violer ce texte, la cour d'appel, qui a tenu pour surabondantes et dissociables des autres éléments du rapport les appréciations juridiques de l'expert, était fondée à les écarter ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Sur les deuxièmes moyens, réunis, pris chacun en leurs deux branches, du pourvoi principal de M. X... et du pourvoi incident de la clinique, ainsi que sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche du pourvoi incident de la compagnie le GAN :

Attendu que la cour d'appel a justement énoncé que la liberté dont les sages-femmes doivent disposer dans l'exercice de leur art ne dispense pas le médecin-obstétricien de prendre toutes dispositions utiles pour permettre à la parturiente d'accoucher dans les meilleures conditions ; qu'après avoir caractérisé la faute de Mme B..., qui avait administré à Mme Y..., à trop forte dose, une médication qui n'avait pas été prescrite par un praticien seul habilité à le faire, elle a relevé que M. X..., qui se devait de donner les consignes et les recommandations qu'il désirait voir appliquer, et qui devait veiller à ce que soit réalisé un partogramme, pièce maîtresse de la surveillance de l'accouchement, ne l'avait pas fait ; qu'elle a encore retenu qu'une fausse information avait été donnée au pédiatre quant à l'interprétation d'un monitoring qui n'avait pas été effectué ; que de ces constatations et énonciations, elle a pu déduire que ce praticien avait manqué à ses obligations ; que, par ailleurs, elle a relevé que si la clinique disposait de l'équipement technique conforme aux données acquises à la science obstétricale, le personnel mis à la disposition des parturientes n'avait pas reçu une formation suffisante pour lui permettre de l'utiliser ; qu'elle a ainsi retenu que Mme B... avait des difficultés pour lire un tracé de monitoring ; qu'elle était dès lors fondée à considérer que ce défaut d'organisation était, pour la clinique, constitutif d'une faute ; qu'enfin, elle a caractérisé le lien causal de la faute ainsi retenue avec le dommage subi dès lors qu'elle a relevé que la sage-femme avait administré une médication sans une surveillance monitorée qui aurait permis de dépister la souffrance foetale ;

D'où il suit qu'en aucune de leurs critiques les moyens ne sont fondés ;

Sur les troisièmes moyens du pourvoi principal et du pourvoi incident de la clinique, ainsi que sur le second moyen du pourvoi provoqué et sur la première branche du moyen unique du pourvoi incident du GAN, lesquels sont identiques :

Attendu que la cour d'appel, qui a constaté qu'il ressortait de chacun des rapports d'expertise des éléments concordants indiquant que la pathologie de l'enfant était en relation avec une souffrance foetale de fin de travail, et que cette souffrance aurait pu être plus précocement dépistée si un monitoring de surveillance avait été utilisé, a ainsi caractérisé le lien de causalité entre les différentes fautes qu'elle a relevées et les lésions neurologiques dont reste atteint Vincent Y... ;

D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal :

Attendu que M. X.. fait grief à l'arrêt d'avoir partagé entre lui-même et la clinique la responsabilité de l'accident survenu à Vincent Y..., alors, selon le moyen, que le recours en garantie du médecin de garde à l'encontre de la clinique est fondé dès lors que celui-ci n'a pas manqué à ses obligations déontologiques ; que M. X..., en prenant son service, a constaté que le travail de Mme Y... se déroulait normalement et qu'elle était sous la surveillance d'une personne qualifiée ; que dès lors qu'il avait ainsi satisfait à ses obligations, la cour d'appel ne pouvait rejeter son appel en garantie contre la clinique sans même s'expliquer et sans priver sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ainsi que des articles 9 et 74 du décret n° 655-1591 du 28 novembre 1955, portant Code de déontologie médicale applicable à l'époque des faits, et 10 et 28 du décret n° 49-1381 du 30 septembre 1949, portant Code de déontologie des sages-femmes également applicable à cette époque ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu contre le praticien des manquements à son obligation de prudence et de diligence, indépendants des fautes qu'elle a relevées contre la sage-femme et la clinique ; qu'en opérant le partage de responsabilité en fonction de la gravité des fautes respectives, elle a exclu nécessairement le recours en garantie du médecin contre la clinique, sans avoir à s'en expliquer davantage ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche du pourvoi incident du GAN :

Attendu que cet assureur fait grief à l'arrêt d'avoir dit la Clinique Saint-Martin tenue à réparer les fautes commises par sa sage-femme salariée sans pouvoir se retourner contre cette dernière, en violation, selon lui, de l'article 1147 du Code civil et de l'article 10 du décret n° 49-1351 du 30 septembre 1949 portant Code de déontologie des sages-femmes alors en vigueur ;

Mais attendu que faute d'avoir allégué un acte de malveillance, l'assureur n'est pas recevable, en application de l'article L. 121-12, alinéa 3, du Code des assurances, à invoquer le grief relatif au recours de son assuré contre son préposé ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal, provoqué et incidents.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 97-10869
Date de la décision : 07/07/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° MESURES D'INSTRUCTION - Mesures d'instruction exécutées par un technicien - Technicien - Avis contenu - Obligations de l'article 238 du nouveau Code de procédure civile - Inobservation - Nullité (non).

1° Aucune disposition ne sanctionne de nullité l'inobservation des obligations imposées par l'article 238 du nouveau Code de procédure civile au technicien commis.

2° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Auxiliaires médicaux - Sage-femme - Indépendance professionnelle - Effets - Dispense pour le médecin obstétricien de prendre toutes dispositions utiles (non).

2° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin gynécologue obstétricien - Responsabilité - Faute - Nécessité de prendre toutes dispositions utiles - Manquement - Indépendance professionnelle de la sage-femme - Absence d'incidence.

2° La liberté dont les sages-femmes doivent disposer dans l'exercice de leur art ne dispense pas le médecin-obstétricien de prendre toutes dispositions utiles pour permettre à la parturiente d'accoucher dans les meilleures conditions. Par suite, manque à ses obligations le praticien qui s'abstient de prendre de telles dispositions.

3° HOPITAL - Etablissement privé - Responsabilité - Equipement technique conforme aux données acquises de la science obstétricale - Utilisation de l'équipement - Formation insuffisante du personnel.

3° HOPITAL - Clinique privée - Responsabilité - Equipement technique conforme aux données acquises de la science obstétricale - Utilisation de l'équipement - Formation insuffisante du personnel 3° HOPITAL - Clinique privée - Responsabilité - Faute - Obligation de soins - Défaut de personnel qualifié.

3° Commet une faute la clinique qui, disposant de l'équipement technique conforme aux données acquises de la science obstétricale, met à la disposition des parturientes un personnel n'ayant pas reçu la formation suffisante pour lui permettre d'utiliser cet équipement.

4° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin chirurgien - Responsabilité contractuelle - Obligation de moyens - Manquement - Lien de causalité - Accouchement - Accouchement difficile - Atteinte neurologique de l'enfant - Concours de fautes commises par le praticien - la sage-femme et la clinique - Souffrance foetale en fin d'accouchement - Souffrance foetale dépistée tardivement - Absence d'utilisation d'un monitoring de surveillance.

4° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin chirurgien - Responsabilité contractuelle - Obligation de moyens - Manquement - Accouchement - Accouchement difficile - Concours de fautes commises par le praticien - la sage-femme et la clinique - Souffrance foetale en fin d'accouchement - Souffrance foetale dépistée tardivement - Absence d'utilisation d'un monitoring de surveillance - Lien de causalité avec l'atteinte neurologique de l'enfant.

4° Caractérise le lien de causalité entre les différentes fautes commises par le praticien, la sage-femme et la clinique, et les lésions neurologiques dont reste atteint l'enfant, la cour d'appel qui constate que la pathologie de celui-ci est en relation avec une souffrance foetale en fin d'accouchement et que cette souffrance aurait été plus précocement dépistée si un monitoring de surveillance avait été utilisé.

5° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Auxiliaires médicaux - Sage-femme - Faute - Partage de responsabilité entre une sage-femme - un praticien et une clinique - Effets - Recours en garantie entre les coresponsables - Possibilité (non).

5° APPEL EN GARANTIE - Effets - Appel en garantie d'un coresponsable - Possibilité (non) 5° RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Faute - Médecin chirurgien - Auxiliaires médicaux - Sage-femme - Partage de responsabilité entre une sage-femme - un praticien et une clinique - Effets - Recours en garantie entre les coresponsables - Possibilité (non) 5° RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Faute - Partage de responsabilité effectué par les juges du fond - Effets - Recours en garantie entre les corresponsables - Possibilité (non).

5° Justifie légalement sa décision de rejeter l'appel en garantie formé par le praticien contre la clinique, la cour d'appel qui, ayant retenu des manquements de celui-ci à son obligation de prudence et de diligence, indépendants des fautes relevées contre la sage-femme et la clinique, opère un partage de responsabilité en fonction de la gravité des fautes respectives, excluant ainsi nécessairement le recours en garantie.

6° ASSURANCE DOMMAGES - Recours contre le tiers responsable - Exclusion - Article L - - alinéa 3 - du Code des assurances - Préposés - Sage-femme salariée d'une clinique.

6° L'assureur de la clinique, condamnée à réparer les fautes commises par sa sage-femme salariée sans pouvoir se retourner contre celle-ci, n'est pas recevable, en application de l'article L. 121-12, alinéa 3, du Code des assurances, faute d'avoir allégué un acte de malveillance de la sage-femme, à invoquer un grief relatif au recours de son assurée contre sa préposée.


Références :

1° :
6° :
Code des assurances R121-12 al. 3
nouveau Code de procédure civile 238

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 25 novembre 1996

DANS LE MEME SENS : (1°). Chambre civile 2, 1985-12-16, Bulletin 1985, II, n° 197 (2), p. 132 (cassation). A RAPPROCHER : (5°). Chambre civile 1, 1995-10-30, Bulletin 1995, I, n° 383 (3), p. 267 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 07 jui. 1998, pourvoi n°97-10869, Bull. civ. 1998 I N° 239 p. 165
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 I N° 239 p. 165

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey .
Avocat général : Avocat général : M. Sainte-Rose.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Delaroche.
Avocat(s) : Avocats : MM. Foussard, Odent, la SCP Defrénois et Levis, la SCP Richard et Mandelkern.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.10869
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