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19/05/1998 | FRANCE | N°95-45637;96-41839

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mai 1998, 95-45637 et suivant


Vu leur connexité, joint les pourvois nos 96-41.839 et 95-45.637 ;

Attendu que M. Le Gall, engagé le 4 mai 1961, en qualité de chauffeur par l'Union des coopératives agricoles de Ploudaniel, a été déclaré, le 1er avril 1987, inapte à l'exercice de toute activité professionnelle ; qu'estimant que son contrat de travail avait été rompu par l'employeur à partir de cette date, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement des indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés sur préavis, et à titre subsidiaire, d'une demande en paiement de ses sala

ires depuis le 2 février 1993 par application de l'article L. 122-24-4 d...

Vu leur connexité, joint les pourvois nos 96-41.839 et 95-45.637 ;

Attendu que M. Le Gall, engagé le 4 mai 1961, en qualité de chauffeur par l'Union des coopératives agricoles de Ploudaniel, a été déclaré, le 1er avril 1987, inapte à l'exercice de toute activité professionnelle ; qu'estimant que son contrat de travail avait été rompu par l'employeur à partir de cette date, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement des indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés sur préavis, et à titre subsidiaire, d'une demande en paiement de ses salaires depuis le 2 février 1993 par application de l'article L. 122-24-4 du Code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992 ;

Sur les deux premiers moyens réunis du pourvoi n° 96-41.839 du salarié : (sans intérêt) ;

Sur le troisième moyen du pourvoi n° 96-41.839 du salarié : (sans intérêt) ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 95-45.637 de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. Le Gall la différence éventuellement due entre les salaires correspondant à l'emploi de ce dernier et les revenus de remplacement perçus par lui et à percevoir à l'avenir et d'avoir ordonné la délivrance de bulletins de salaires, alors, selon le moyen, que la loi ne dispose que pour l'avenir, qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; qu'en l'espèce, la loi du 31 décembre 1992, qui ne comporte aucune disposition rétroactive, a été publiée au Journal officiel le 1er janvier 1993 ; que l'arrêt a constaté que c'est le 1er avril 1987 que le salarié a été déclaré inapte au travail ; qu'en outre une circulaire ministérielle est dépourvue de force obligatoire et est insusceptible de rendre rétroactive une loi ; qu'en déclarant qu'il était " indiscutable " que la situation de M. Le Gall entrait dans le cadre de la loi susvisée et de la circulaire du 17 mars 1993 qu'elle a appliquée, la cour d'appel a violé l'article L. 122-24-4 du Code du travail et l'article 2 du Code civil ;

Mais attendu que la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992 qui vise notamment à renforcer la protection des salariés atteints de maladie, en faisant peser sur l'employeur si le salarié n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen de reprise du travail, ou s'il n'est pas licencié, l'obligation de verser à l'intéressé dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail, a un caractère d'ordre public et est en conséquence immédiatement applicable au contrat de travail en cours, même si l'inaptitude du salarié a été déclarée antérieurement à son entrée en vigueur ;

Et attendu que la cour d'appel ayant constaté que le contrat de travail du salarié n'avait pas été rompu avant la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle, a exactement décidé que l'employeur était tenu à l'issue du délai d'un mois à compter de la mise en vigueur de cette loi de verser au salarié, par application de l'article L. 122-24-4 du Code du travail tel qu'issu de la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992, le salaire correspondant à l'emploi que l'intéressé exerçait avant la suspension de son contrat de travail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le quatrième moyen du pourvoi n° 96-41.839 du salarié :

Vu l'article L. 122-24-4 du Code du travail ;

Attendu qu'il résulte notamment de ce texte que l'employeur est tenu de verser au salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel, qui n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen de reprise du travail ou qui n'est pas licencié, le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail ; que cette disposition s'applique également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du Travail ;

Attendu que la cour d'appel, pour déduire des sommes dues à l'intéressé les prestations de la MSA et de prévoyance qui lui ont été versées, énonce que la circulaire du 17 mars 1993 prise pour l'application de la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992 précise que, dans l'hypothèse où un régime de prévoyance en vigueur dans l'entreprise assurerait une indemnisation compensant en tout ou partie la perte de rémunération, l'employeur n'est alors tenu que de compléter la rémunération pour la porter au niveau du salaire de l'intéressé, compte tenu du principe jurisprudentiel de non-cumul au-delà du montant de la rémunération habituellement versée ;

Attendu, cependant, qu'en l'absence d'une disposition expresse en ce sens, la cour d'appel ne pouvait, au vu d'une circulaire dépourvue de force obligatoire, opérer aucune réduction sur le montant des sommes que l'employeur doit verser au salarié et qui est fixé forfaitairement au montant du salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension du contrat de travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu que la cassation qui vient d'être prononcée sur ce chef de l'arrêt rend inopérant le second moyen du pourvoi n° 95-45.637 de l'employeur qui reproche à la cour d'appel de l'avoir condamné à payer au salarié la différence éventuellement due entre les salaires correspondant à l'emploi de ce dernier et les revenus de remplacement perçus par lui et à percevoir à l'avenir ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition concernant le montant des sommes que l'employeur a été condamnées à payer au salarié à titre de salaires, l'arrêt rendu le 7 novembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 95-45637;96-41839
Date de la décision : 19/05/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Maladie du salarié - Accident du travail ou maladie professionnelle - Inaptitude au travail - Délai d'un mois - Absence de reclassement ou de licenciement - Maintien de la rémunération - Caractère d'ordre public - Portée.

1° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Maladie du salarié - Accident du travail ou maladie professionnelle - Loi du 31 décembre 1992 - Caractère d'ordre public - Effets - Application immédiate aux contrats en cours.

1° La loi du 31 décembre 1992 qui vise notamment à renforcer la protection des salariés atteints de maladie, en faisant peser sur l'employeur si le salarié n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen de reprise du travail, ou s'il n'est pas licencié, l'obligation de verser à l'intéressé dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail, a un caractère d'ordre public et est en conséquence immédiatement applicable au contrat de travail en cours, même si l'inaptitude du salarié a été déclarée antérieurement à son entrée en vigueur.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Maladie du salarié - Accident du travail ou maladie professionnelle - Inaptitude au travail - Délai d'un mois - Absence de reclassement ou de licenciement - Maintien de la rémunération - Montant - Fixation.

2° Le salaire que doit verser l'employeur en application de l'article L. 122-24-4 du Code du travail est fixé forfaitairement au montant du salaire correspondant à l'emploi que le salarié occupait avant la suspension du contrat de travail.


Références :

1° :
2° :
Code du travail L122-24-4
Loi 92-1446 du 31 décembre 1992

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 07 novembre 1995

A RAPPROCHER : (1°). Chambre sociale, 1997-11-12, Bulletin 1997, V, n° 365, p. 262 (rejet). Chambre sociale, 1998-02-10, Bulletin 1998, V, n° 73 (1), p. 52 (cassation partielle). A RAPPROCHER : (2°). Chambre sociale, 1998-02-10, Bulletin 1998, V, n° 73 (2), p. 52 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mai. 1998, pourvoi n°95-45637;96-41839, Bull. civ. 1998 V N° 263 p. 200
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 V N° 263 p. 200

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. Lyon-Caen.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Bourgeot.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Boré et Xavier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.45637
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