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19/03/1998 | FRANCE | N°96-40079

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mars 1998, 96-40079


Attendu, selon la procédure, que Mlle Y..., engagée par M. X... le 16 septembre 1985 en qualité de clerc de notaire chargé des formalités, a été licenciée le 13 février 1993 pour fautes graves et lourdes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Chambéry, 7 novembre 1995) d'avoir décidé que le licenciement de Mlle Y... reposait seulement sur une cause réelle et sérieuse, et de l'avoir en conséquence condamné au paiement d'indemnités de préavis et de licenciement, alors, selon le moyen, que de première part, il appartient à c

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Attendu, selon la procédure, que Mlle Y..., engagée par M. X... le 16 septembre 1985 en qualité de clerc de notaire chargé des formalités, a été licenciée le 13 février 1993 pour fautes graves et lourdes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Chambéry, 7 novembre 1995) d'avoir décidé que le licenciement de Mlle Y... reposait seulement sur une cause réelle et sérieuse, et de l'avoir en conséquence condamné au paiement d'indemnités de préavis et de licenciement, alors, selon le moyen, que de première part, il appartient à celui qui invoque le bénéfice de la prescription extinctive de démontrer que les conditions de fait en sont réunies ; qu'en déclarant que la salariée était fondée à invoquer le bénéfice de la prescription de deux mois aux motifs que la date à laquelle les faits litigieux s'étaient révélés n'était pas établie, ce dont la preuve incombait à la salariée qui prétendait que ces faits étaient prescrits, la cour d'appel a inversé le fardeau de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ; alors que, de deuxième part, l'employeur est fondé à invoquer à l'appui du licenciement des faits antérieurs de plus de deux mois à la date d'engagement des poursuites dès lors qu'à l'intérieur de ce délai, le salarié s'est de nouveau rendu coupable de fautes de même nature ; qu'en jugeant que trois des quatre griefs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement ne pouvaient être invoqués comme étant trop anciens, sans s'expliquer sur le caractère répété des négligences commises par la salariée dans l'accomplissement des formalités notariales, dont l'arrêt reconnaît que l'une au moins (affaire Baudu) avait été commise dans le délai de deux mois précédant l'engagement des poursuites, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6 et suivants, L. 122-14-3 et L. 122-44, alinéa 1er, du Code du travail ; alors que, de troisième part, la faute grave n'est pas subordonnée à l'existence d'un préjudice subi par l'employeur, mais à la gravité des risques que le comportement du salarié est susceptible de faire courir à l'entreprise ; qu'en constatant que le défaut d'inscription d'un nantissement constituait une faute dont les conséquences pouvaient être gravement préjudiciables pour les clients de M. X..., tout en écartant la qualification de faute grave aux motifs qu'il n'était pas établi que ce préjudice se fût réalisé en l'espèce, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6 et suivants du Code du travail ; alors que, de quatrième part, en énonçant qu'il résultait d'attestations que Mlle Y... était surchargée de travail, sans s'expliquer sur la teneur précise de ces attestations, ni préciser en quoi cette surcharge, par son ampleur, aurait mis la salariée dans l'impossibilité d'accomplir les formalités substantielles destinées à assurer l'efficacité même des actes notariés dont elle avait la charge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Mais attendu, d'abord, qu'après avoir fait ressortir que trois des faits fautifs avaient été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, la cour d'appel a exactement décidé que la salariée était fondée à opposer la prescription dès lors que l'employeur ne rapportait pas la preuve qui lui incombe de la connaissance de ces faits dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a relevé les éléments constitutifs spécifiques de la seule faute sanctionnée par l'employeur avant l'expiration du délai de prescription, s'est à juste titre abstenue de prendre en considération les agissements antérieurs prescrits, qui ne procédaient pas d'un comportement fautif identique ;

Attendu, enfin, que la cour d'appel, qui a retenu par motifs propres et adoptés que l'inscription omise concernait une garantie de second rang n'ayant entraîné qu'un préjudice virtuel, que Mlle Y... était surchargée de travail à l'époque des faits et qu'elle avait vainement prévenu son employeur de son incapacité à assumer l'ensemble de ses tâches, a pu décider que le comportement de la salariée n'était pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et ne constituait pas une faute grave ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement de dommages-intérêts à Mlle Y... en réparation de son préjudice moral, alors, selon le moyen, que la circonstance que l'employeur ait qualifié à tort de faute grave ou même de faute lourde des faits dont le juge a estimé qu'ils constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement ne saurait, à elle seule, caractériser un comportement fautif ou abusif ouvrant droit à réparation ; qu'en condamnant M. X... au paiement de dommages-intérêts à Mlle Y... au seul motif qu'il s'était mépris sur la qualification juridique de la faute justifiant son licenciement, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé par motifs propres et adoptés que Mlle Y..., qui avait fait preuve d'abnégation dans l'exercice de ses fonctions pendant six ans et avait en vain signalé ses difficultés de travail à son employeur, a été licenciée en raison de fautes inexactement qualifiées de graves et lourdes, à l'issue d'un congé pour maladie imputable à une surcharge de travail ; qu'elle a pu en déduire que les circonstances de la rupture étaient constitutives d'une faute de l'employeur ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 96-40079
Date de la décision : 19/03/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Employeur - Pouvoir disciplinaire - Sanction - Conditions - Engagement des poursuites - Prescription - Délai - Date à laquelle l'employeur a eu connaissance des faits reprochés - Preuve - Charge.

1° Lorsque la prescription des faits fautifs est opposée par le salarié, c'est à l'employeur qu'il appartient de rapporter la preuve de la connaissance de ces faits dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites disciplinaires.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Rupture abusive - Circonstances brutales et vexatoires - Demande en réparation du préjudice - Constatation d'une cause réelle et sérieuse - Effet.

2° Indépendamment du caractère réel et sérieux de la cause d'un licenciement prononcé à tort pour faute grave par l'employeur, les circonstances de la rupture peuvent constituer une faute ouvrant droit pour le salarié à la réparation de son préjudice moral.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 07 novembre 1995

A RAPPROCHER : (2°). Chambre sociale, 1996-07-17, Bulletin 1996, V, n° 290, p. 204 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mar. 1998, pourvoi n°96-40079, Bull. civ. 1998 V N° 159 p. 117
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 V N° 159 p. 117

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : M. Martin.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Ransac.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Gatineau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.40079
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