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05/03/1998 | FRANCE | N°95-45289;95-45290

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 mars 1998, 95-45289 et suivant


Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 95-45.289 et 95-45.290 ;

Attendu que MM. Y... et X..., journalistes à la société La Voix du Nord, affectés au bureau d'Amiens, ont refusé leur mutation respectivement à Saint-Quentin et Laon et ont été licenciés pour ce motif le 16 septembre 1992 ;

Sur le premier moyen, commun aux deux pourvois :

Attendu que la société fait grief aux arrêts attaqués (Douai, 29 septembre 1995) de l'avoir condamnée à payer aux salariés diverses sommes à titre de salaires, indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réel

le et sérieuse, alors, selon le moyen, de première part, que La Voix du Nord faisait v...

Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 95-45.289 et 95-45.290 ;

Attendu que MM. Y... et X..., journalistes à la société La Voix du Nord, affectés au bureau d'Amiens, ont refusé leur mutation respectivement à Saint-Quentin et Laon et ont été licenciés pour ce motif le 16 septembre 1992 ;

Sur le premier moyen, commun aux deux pourvois :

Attendu que la société fait grief aux arrêts attaqués (Douai, 29 septembre 1995) de l'avoir condamnée à payer aux salariés diverses sommes à titre de salaires, indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, de première part, que La Voix du Nord faisait valoir que le salarié ne pouvait légitimement refuser de rejoindre son nouveau poste dès lors qu'il se trouvait dans le périmètre géographique de diffusion du journal régional au sein duquel il travaillait ; que la cour d'appel a retenu un principe général de mobilité du journaliste limitée au périmètre géographique de l'agence dont le salarié dépend ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si, en l'espèce, le périmètre limité de diffusion du journal périmètre régional n'autorisait pas l'employeur à nommer son salarié à tout endroit compris dans ce périmètre limité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3 du Code du travail, 20 de la convention collective et 1134 du Code civil ; alors, de deuxième part, que l'article 20 de la convention collective des journalistes prévoit que les conditions dans lesquelles les journalistes peuvent être mutés doivent figurer dans l'acte d'engagement ; qu'il ne subordonne pas la mention de ces conditions à l'existence d'une clause expresse de mobilité insérée au contrat, qui est inhérente à la fonction de journaliste et donc toujours au moins implicitement prévue ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article 20 de la Convention collective des journalistes ; alors, de troisième part, qu'à la suite du refus du salarié de rejoindre son nouveau poste, La Voix du Nord, alors qu'elle aurait pu se borner à prendre acte de la rupture du fait gravement fautif du salarié, lui avait proposé de rejoindre un autre poste au lieu de son choix, que cette proposition avait été faite dès l'entretien préalable, et rappelée dans la lettre de licenciement ; qu'en se bornant à relever que la mutation du salarié aurait entraîné un changement de résidence, sans rechercher si le refus du salarié d'accepter de rejoindre tout autre poste, même de son choix, ou si les contreparties offertes à M. X... promotions et indemnisation des frais de déplacements n'étaient pas de nature à rendre illégitime son refus d'être muté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3 du Code du travail, 20 de la convention collective et 1134 du Code civil ; alors, de quatrième part, que la direction d'un journal régional est en droit de muter un journaliste dans le périmètre géographique limité de diffusion dudit journal, sauf renonciation claire et univoque de l'employeur à se prévaloir de l'obligation de mobilité du journaliste ; qu'en ne caractérisant pas en l'espèce une renonciation de La Voix du Nord à se prévaloir de l'obligation de mobilité inhérente au contrat du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3 du Code du travail, 20 de la convention collective et 1134 du Code civil ; et alors, de dernière part, que la volonté des parties s'apprécie au moment de la conclusion du contrat ; que La Voix du Nord faisait valoir dans ses conclusions d'appel que les salariés n'avaient refusé leur mutation que pour des raisons purement personnelles ;

que cette circonstance contingente, bien postérieure à l'acte d'engagement, révélait que le salarié n'avait pas envisagé son lieu de travail comme un élément essentiel de son contrat lors de l'embauche ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, après avoir exactement énoncé que l'article 20 de la Convention collective des journalistes, lequel dispose que les conditions de mutation dans le territoire national feront l'objet d'un accord précis dans la lettre d'engagement ou ultérieurement par échange de lettre, n'a pas pour effet de rendre obligatoire l'insertion d'une clause de mobilité dans tout contrat de travail de journaliste, mais a pour objet d'imposer un accord sur les conditions de mise en oeuvre d'une telle clause si elle est prévue au contrat et relevé que la lettre d'engagement, qui précisait le lieu d'exécution du contrat, ne comportait aucune clause de mobilité, a estimé que le contrat avait subi une modification ; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen, commun aux deux pourvois :

Attendu que la société fait encore grief aux arrêts d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, d'une part, lorsque dans la lettre de licenciement, l'employeur précise que le refus du salarié de rejoindre son nouveau poste constitue le motif du congédiement, il appartient au juge de vérifier que la mutation refusée par le salarié constituait une cause réelle et sérieuse, peu important que la lettre ne précisât pas formellement la raison économique ou personnelle de la mesure ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement rappelait que le salarié devait prendre un nouveau poste, que leur refus avait été enregistré, qu'il avait été effectivement constaté que les salariés n'avaient pas rejoint leur nouveau poste à la date prévue, et que les salariés ayant ainsi pris l'initiative de la rupture en refusant d'accepter leur affectation, il leur était notifié par la présente leur licenciement ; qu'en déclarant abusif le licenciement des salariés faute pour l'employeur d'avoir fait mention dans la lettre de licenciement des faits précis à l'origine de la mutation, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail ; et alors, d'autre part, qu'il appartient au juge de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; que le juge qui qualifie d'économique le motif invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement ne sort pas du cadre fixé par cette lettre mais remplit simplement son office ; qu'en l'espèce, l'employeur avait énoncé dans la lettre de licenciement que le congédiement était dû au refus du salarié d'accepter sa mutation ; qu'en déclarant abusif le licenciement faute pour La Voix du Nord d'avoir précisé dans la lettre que la mutation était un motif économique, la cour d'appel a violé l'article 12 du nouveau Code de procédure civile et l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a justement relevé que l'employeur avait licencié les salariés pour faute grave alors qu'aucune faute ne pouvait leur être imputée du fait de leur refus ;

Et attendu, ensuite, que la lettre de licenciement fixant les limites du litige, la cour d'appel énonce exactement que le juge ne peut examiner d'autres motifs que ceux énoncés dans celle-ci ;

D'où il suit, que le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 95-45289;95-45290
Date de la décision : 05/03/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONVENTIONS COLLECTIVES - Accords et conventions divers - Presse - Convention nationale des journalistes - Article 20 - Mutation - Clause de mobilité - Absence - Refus du journaliste - Faute grave (non) .

CONVENTIONS COLLECTIVES - Accords et conventions divers - Presse - Convention nationale des journalistes - Article 20 - Mutation - Clause de mobilité - Obligation (non)

CONVENTIONS COLLECTIVES - Accords et conventions divers - Presse - Convention nationale des journalistes - Article 20 - Mutation - Clause de mobilité - Accord sur sa mise en oeuvre - Nécessité - Condition

PRESSE - Journal - Journaliste professionnel - Contrat de travail - Modification imposée par l'employeur - Changement de lieu de travail - Absence de clause expresse - Refus du salarié - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Faute du salarié - Faute grave - Défaut - Refus de mutation - Journaliste professionnel - Condition

L'article 20 de la convention collective des journalistes qui dispose que les conditions de mutation dans le territoire national feront l'objet d'un accord précis dans la lettre d'engagement ou ultérieurement par échange de lettres, n'a pas pour effet de rendre obligatoire l'insertion d'une clause de mobilité dans tout contrat du travail du journaliste, mais d'imposer un accord sur les conditions de mise en oeuvre d'une telle clause, si elle est prévue au contrat. Dès lors, le refus de la mutation par le journaliste dont la lettre d'engagement précise le lieu d'exécution du contrat et ne comporte pas une clause de mobilité, ne constitue pas une faute grave.


Références :

Convention collective des journalistes art. 20

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 29 septembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 mar. 1998, pourvoi n°95-45289;95-45290, Bull. civ. 1998 V N° 120 p. 89
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 V N° 120 p. 89

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : M. Chauvy.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Le Roux-Cocheril.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Gatineau, la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.45289
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