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05/02/1998 | FRANCE | N°96-86137

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 février 1998, 96-86137


CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Nissim,
- X... Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 5 novembre 1996, qui, pour importations réputées sans déclaration de marchandises prohibées, les a condamnés à diverses amendes et pénalités douanières.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de leur connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que les sociétés Imexon et Comintern, sises en France, ont procédé, entr

e 1986 et 1989, à l'importation de vêtements qui, lors de leur dédouanement, ont été déc...

CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Nissim,
- X... Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 5 novembre 1996, qui, pour importations réputées sans déclaration de marchandises prohibées, les a condamnés à diverses amendes et pénalités douanières.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de leur connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que les sociétés Imexon et Comintern, sises en France, ont procédé, entre 1986 et 1989, à l'importation de vêtements qui, lors de leur dédouanement, ont été déclarés, certificats EUR 1 à l'appui, comme étant originaires de l'Etat du Lésotho et comme devant bénéficier à ce titre du traitement douanier préférentiel réservé, par la Convention de Lomé, aux marchandises fabriqués dans un pays Afrique Caraïbes Pacifique (ACP) ;
Qu'un contrôle a posteriori des opérations ayant établi que les vêtements avaient été en réalité fabriqués en Asie ou dans l'Etat d'Afrique du Sud ou au Lésotho à partir de fibres asiatiques, Nissim et Jacques X..., gérants de ces sociétés, ainsi que les commissionnaires en douanes ayant procédé au dédouanement des marchandises, ont été poursuivis par l'administration des Douanes, devant la juridiction correctionnelle, sur le fondement des articles 426 et 414 du Code des douanes, pour fausses déclarations d'origine ayant pour but ou pour effet d'éluder l'application de mesures de prohibition ou de bénéficier de droits réduits à l'importation ;
Que les commissionnaires en douane poursuivis ont, en cours de procédure, soit transigé avec l'Administration soit bénéficié d'une relaxe, de telle sorte que seuls Nissim et Jacques X..., reconnus coupables des faits visés à la prévention, ont été, en définitive, condamnés au paiement des amendes, pénalités et droit éludés, prévus par la loi ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 65-1, 65-2, 382, 413 bis-1, 431 du Code des douanes et 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité des saisies de documents effectuées en vertu de l'article 65-1 du Code des douanes (par procès-verbaux des 27 septembre 1989 et 29 novembre 1990) tirée de l'incompatibilité de ce texte avec l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" aux motifs que "les documents saisis ont été spontanément remis par Nissim X... à l'administration des Douanes", que "Nissim X... a ainsi déclaré le 29 novembre 1990 : "Pour preuve de ma bonne foi, je tiens à préciser que les télex incriminés que vous avez saisis chez moi n'étaient pas dissimulés et que je vous les ai transmis spontanément" et que "le droit de communication est rappelé respectivement aux articles 8-2 et 12-7 des Conventions de Lomé III et IV" ;
" alors que le droit de communication accordé à l'administration des Douanes par l'article 65-1 du Code des douanes est assorti de sanctions pénales et civiles rigoureuses constituant un moyen de pression tendant à contraindre l'intéressé à fournir des preuves contre lui-même, que les particularités du droit douanier ne sauraient justifier une telle atteinte au droit de se taire et de ne point contribuer à sa propre incrimination et que le droit de communication accordé à l'administration des Douanes par l'article 65-1 est donc contraire à l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme qui doit prévaloir " ;
Attendu que les demandeurs ne sauraient se faire un grief des motifs par lesquels les juges du fond ont écarté l'exception de nullité invoquée, prise de ce que, pour les besoins de leur enquête, les agents des douanes ont exercé leur droit de communication sur des documents détenus par les sociétés Imexon et Comintern, dès lors que, contrairement à ce qui est allégué, l'exercice d'un tel droit n'est pas contraire aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Qu'en effet le droit de communication, qui permet aux agents des douanes, ayant au moins le grade d'inspecteur, d'avoir accès pendant trois ans, tant auprès des opérateurs économiques que des organismes publics, aux documents relatifs aux opérations dont ils ont le contrôle, en ce qu'il est prévu, tant par la loi interne que par le Code des douanes communautaires, dans des conditions strictement définies et proportionnées à ce qui est nécessaire pour assurer le respect de l'ordre public économique et la prévention des infractions, n'est contraire ni aux dispositions de l'article 8 ni à celles de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des décisions du comité de coopération douanière des 23 janvier 1991 et 16 avril 1993, des Conventions de Lomé III et IV et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré non probants les certificats de circulation EUR 1 ;
" aux motifs que "vainement Nissim et Jacques X... soutiennent que l'Administration ne peut contester la régularité des EUR 1 fournis par les autorités du Lésotho car le comité de coopération douanière, par décisions des 23 janvier 1991 et 16 avril 1993 a décidé que les produits textiles pourraient être fabriqués au Lésotho à partir de tissus originaires de pays tiers", qu' "en effet... la décision du 16 avril 1993 est postérieure à la notification d'infraction du 9 juillet 1991" et qu' "en matière économique, l'abrogation d'un texte réglementaire n'affecte pas rétroactivement les infractions qui étaient l'objet d'une poursuite en cours" ;
" alors que l'abrogation ou la modification d'un texte de loi n'affecte pas rétroactivement les infractions qui étaient l'objet d'une poursuite en cours, sauf si les dispositions nouvelles sont plus favorables, qu'en matière de douanes, la date à prendre en compte pour apprécier si une disposition nouvelle plus favorable peut s'appliquer est la date de début des poursuites et qu'en l'espèce, les poursuites ayant été engagées le 9 juillet 1991, la première décision du comité de coopération douanière qui a apporté des assouplissements aux règles d'origine pour les produits textiles en provenance du Lésotho du 23 janvier 1991 était applicable aux faits de l'espèce, la seconde décision du 16 avril 1993 n'étant que le renouvellement de la première ;
" aux motifs que "pas davantage, Nissim et Jacques X... ne peuvent utilement invoquer les dispositions de la Convention de Lomé 3 et le principe d'opposabilité des documents EUR 1 aux autorités douanières nationales", qu' "en effet... la Convention de Lomé applicable au jour de l'audience du tribunal est la Convention dite Lomé 4 qui prévoit en ses articles 25 et suivants que le contrôle a posteriori des EUR 1 et la remise en cause de l'origine des marchandises importées peut être réalisée à partir de constatations de faits" et que "les modifications issues des dispositions de la Convention Lomé 4, en ce qu'elles ne prévoient pas de nouvelles règles d'origine c'est-à-dire de fond mais de simples modalités d'établissement de la preuve, ne sauraient faire partie de la catégorie des règles de fond n'ayant pas vocation à s'appliquer rétroactivement aux faits considérés" ;
" alors que la convention de Lomé applicable est celle en vigueur lors des importations contestées et non pas celle en vigueur au jour de l'audience et qu'en l'espèce, était donc seule applicable la Convention de Lomé III sous l'empire de laquelle l'administration des Douanes ne pouvait pas remettre en cause le caractère probant des certificats EUR 1 sans avoir préalablement renvoyé ces certificats aux autorités douanières de l'Etat d'exportation pour contrôle, ce qui n'a pas été fait " ;
Attendu que les prévenus ont soutenu, pour leur défense, que, l'Administration n'ayant pas demandé au pays exportateur de s'assurer de l'authenticité ou de la sincérité des documents "EUR 1" attestant l'origine "Lésotho" de cette marchandise, la preuve de ce que les vêtements n'avaient pas été entièrement fabriqués dans ce pays, n'était pas légalement rapportée ;
Qu'ils ont fait valoir, en outre, que, les vêtements pouvant être désormais fabriqués au Lésotho à partir de fibres provenant de pays tiers, par suite d'un assouplissement, en faveur de cet Etat, des dispositions communautaires fixant les conditions d'admission au régime préférentiel prévu par les Accords de Lomé, les poursuites manquaient désormais de base légale ;
Attendu que, pour écarter les conclusions des prévenus et les déclarer coupables des faits visés à la prévention, les juges du fond énoncent que, certains documents commerciaux, saisis aux sièges des entreprises, ayant laissé apparaître que les vêtements importés n'avaient fait que transiter par le Lésotho, l'administration des Douanes a, en son temps, sollicité conformément aux stipulations de la Convention de Lomé alors applicable, un contrôle a posteriori des certificats d'origine EUR 1, dont elle doutait de la sincérité, mais que les autorités de ce pays n'ont pas donné suite à cette demande, et qu'il se déduit nécessairement de cette violation de la Convention, par les autorités du pays exportateur, que lesdits certificats ne sont que des documents de complaisance destinés à masquer la fraude organisée par les prévenus ;
Que les juges ajoutent que Nissim et Jacques X... ne sauraient se prévaloir des décisions du Comité de coopération douanière, en date du 23 janvier 1991 et du 16 avril 1993, qui, s'étant bornées à accorder une dérogation temporaire au profit des seuls produits exportés du Lésotho vers la Communauté entre le 1er mars 1990 et le 28 février 1993 puis entre le 1er mars 1993 et le 28 février 1996, sans modifier aucune des dispositions communautaires ou internes, bases des poursuites, n'ont pas la portée d'un texte abrogatif de la loi pénale ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la cour d'appel a, sans encourir les griefs allégués, justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 38, 343, 369, 382, 377 bis, 426-2-3 et 4, 414, 404 à 407, 435, 399 du Code des douanes et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a considéré que "les transactions acceptées par certains commissionnaires en douane ne peuvent avoir la moindre incidence sur les sommes dues par les prévenus" ;
" alors que, sans ces transactions, les commissionnaires en douane auraient été solidaires des prévenus, que grâce aux transactions obtenues, l'administration des Douanes a obtenu le paiement d'une partie des droits et des pénalités et que celle-ci doit donc s'imputer sur le montant des condamnations, faute de quoi l'administration des Douanes se verrait accorder un titre pour des sommes qu'elle a déjà perçues " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en application des alinéas 1 et 2 de l'article 377 bis du Code des douanes, le juge répressif ne peut ordonner le paiement des sommes fraudées ou indument obtenues qu'après avoir recherché ou déterminé ces droits avec exactitude ;
Attendu que les prévenus ont fait valoir, par conclusions régulièrement déposées, que, pour mettre fin aux poursuites dont ils faisaient l'objet, certains commissionnaires en douane avaient acquitté, en même temps qu'une amende transactionnelle, la part des droits compromis relative aux opérations en douane effectuées par leurs soins et que ces droits déjà acquittés ne pouvaient donner lieu à un nouveau paiement au profit de l'administration des Douanes ;
Attendu que, pour écarter les conclusions des prévenus et les condamner à payer à l'administration des Douanes l'intégralité des droits éludés à raison des importations visées à la prévention, la cour d'appel, après avoir constaté que certains commissionnaires avaient effectivement transigé en cours de procédure, se borne à énoncer que les transactions ainsi passées ne peuvent avoir la moindre incidence sur les sommes dues par les prévenus ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la transaction intervenue avec certains prévenus, qui était légalement subordonnée au paiement préalable des droits compromis de leur fait, avait une incidence sur le montant des droits éludés restant dus, compte tenu des paiements effectués, la cour d'appel a méconnu les texte et principe susvisés et n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 5 novembre 1996, mais en ses seules dispositions ayant respectivement condamné Nissim et Jacques X... au paiement de 841 580 francs et 63 843 francs au titre des droits éludés, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-86137
Date de la décision : 05/02/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° DOUANES - Agent des Douanes - Pouvoirs - Droit de communication - Convention européenne des droits de l'homme - article - article 8 - Compatibilité.

1° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - 1 - Procès équitable - Droit de communication des Douanes 1° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 - Respect de la correspondance - Droit de communication des Douanes.

1° Le droit de communication, qui permet aux agents des douanes, ayant au moins le grade d'inspecteur, d'avoir accès pendant trois ans, tant auprès des opérateurs économiques que des organismes publics, aux documents relatifs aux opérations dont ils ont le contrôle, en ce qu'il est prévu, tant par la loi interne que par le Code des douanes communautaire, dans des conditions strictement définies et proportionnées à ce qui est strictement nécessaire pour assurer le respect de l'ordre public économique et la prévention des infractions, n'est contraire ni aux dispositions de l'article 8 ni à celles de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

2° DOUANES - Peines - Paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues - Conditions.

2° Toute transaction avec une personne étant légalement subordonnée au paiement préalable des droits compromis de son fait, les transactions intervenues avec certains commissionnaires en douane ont nécessairement une incidence sur le montant des droits restant dus par l'importateur à raison des mêmes opérations d'importation. Encourt donc la censure la cour d'appel qui condamne un importateur au paiement de l'intégralité des droits éludés sans rechercher, comme l'y invitait le prévenu, si une partie de ces droits n'avait pas déjà été réglée par les commissionnaires en douanes, qui, dans le courant de la procédure suivie également contre eux, avaient transigé avec l'administration.


Références :

Code des Douanes 65-1, 377 bis, 414 al. 1 et 2, 426

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 05 novembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 fév. 1998, pourvoi n°96-86137, Bull. crim. criminel 1998 N° 47 p. 116
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1998 N° 47 p. 116

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Schumacher, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Amiel.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. de Mordant de Massiac.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Boré et Xavier, M. Le Griel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.86137
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