Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 132-8 et L. 122-12 du Code du travail et l'annexe 6 à la convention collective des entreprises de nettoyage de locaux du 17 décembre 1991 ;
Attendu que Mme X... a été engagée, le 20 mai 1980, en qualité d'ouvrière nettoyeuse par la société Valmer qui effectuait des prestations de nettoyage pour le compte de la Clinique du Mont Saint-Louis ; que le marché a été résilié par la Clinique à compter du 1er décembre 1989 et confié à la Société française de services (SFS) Y... France ; que la société Valmer ayant transmis à la SFS la liste du personnel qui travaillait sur le site et dont faisait partie Mme X..., la SFS a répondu qu'elle n'entendait pas reprendre ce personnel faisant valoir que, son activité principale étant la restauration, elle n'était pas soumise à la convention du nettoyage qui prévoit dans une telle hypothèse le transfert du personnel et la garantie de l'emploi ; que Mme X... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'indemnités de rupture et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dirigée contre les sociétés Valmer et Y... ;
Attendu que, pour décider que la rupture du contrat de travail était imputable à la SFS et la condamner à payer à Mme X... diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail, la cour d'appel énonce que la SFS a motivé son refus de reprendre Mme X... et d'appliquer à celle-ci les dispositions de l'annexe 6 à la convention collective du nettoyage par le fait qu'elle était spécialisée dans la restauration et avait une activité différente de la société Valmer, que, toutefois, aux termes de l'article L. 132-8 du Code du travail, les effets de la convention collective à laquelle était assujetti l'ancien employeur demeurent applicables pendant la durée d'une année sauf dénonciation par le nouvel employeur et information par ce dernier des salariés de leurs droits vis-à-vis de la nouvelle convention collective applicable, qu'il est constant que la SFS n'a ni avisé Mme X... du changement de convention collective, ni appliqué les dispositions de la convention collective protectrice des droits de cette salariée, qu'en agissant ainsi elle a retiré à celle-ci le droit d'exercer le choix mentionné par l'article 4 de l'annexe 6 de la convention collective du nettoyage, qu'en refusant d'appliquer la convention collective du nettoyage la SFS s'est rendue responsable de la rupture du contrat de travail de Mme X... ;
Attendu, cependant, que la convention collective régissant la situation de salariés n'est opposable à un nouvel employeur non soumis à cette convention, dans les conditions prévues par l'article L. 132-8 du Code du travail, qu'au cas où par l'effet de l'article L. 122-12 du même Code l'entité économique où travaillaient les salariés est transférée au nouvel employeur qui en poursuit l'exploitation ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, sans vérifier si les conditions d'application de l'article L. 122-12 du Code du travail étaient réunies ou si la convention collective des entreprises de nettoyage de locaux était directement opposable à la SFS, la cour d'appel a violé le premier des textes susvisés et a privé sa décision de base légale au regard des deux autres ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mars 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.