Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 17 de la loi du 23 mars 1882 sur l'état civil des personnes de statut musulman en Algérie, dans sa rédaction issue de la loi du 2 avril 1930, alors applicable, ensemble l'article 194 du Code civil ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que les actes de l'état civil relatifs aux mariages des personnes soumises au statut personnel musulman sont établis, dans les cinq jours du mariage conclu, sur la déclaration faite au maire ou à l'administrateur de la commune, ou à défaut au caïd du douar, par le mari au vu d'un extrait daté de l'acte de mariage ou de l'acte récognitif dressé ou reçu par le cadi ; que le dernier dispose que les effets civils du mariage sont attachés à la présentation d'un acte de célébration inscrit sur le registre de l'état civil ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Mohamed A... et Mme Halima Y..., de statut personnel musulman, se sont mariés, le 7 novembre 1936, devant le cadi de Marnia ; que l'acte de mariage a été inscrit, le 5 mars 1951, sur les registres d'état civil de X... el Assa (Algérie) ; que Mohamed A... a épousé, le 30 décembre 1944, à Pailles (Charente-Maritime), Mme Andrée Z... ; qu'il est décédé, le 25 octobre 1992 ;
Attendu que pour rejeter le recours de Mme Y..., veuve A..., contre la décision de la caisse régionale d'assurance maladie lui refusant le bénéfice d'une pension de réversion, l'arrêt, après avoir constaté l'existence des deux mariages, retient que seule la première épouse peut prétendre à la pension de réversion et que tel est le cas de Mme Z..., dont le mariage a été inscrit à l'état civil le 30 décembre 1944, alors que celui de Mme Y... ne l'a été que le 5 mars 1951 ;
Attendu, cependant, qu'en statuant ainsi, alors que le mariage des époux B..., célébré selon la loi locale, conformément à leur statut personnel, et inscrit à l'état civil, faisait foi de sa date et de son existence, peu important le caractère tardif de la déclaration, seule une sanction pénale étant encourue, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, et qui, au surplus, n'a pas appelé en cause Mme C..., dont le droit de percevoir l'intégralité de la pension de réversion était discuté par Mme B..., a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 avril 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.