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25/11/1997 | FRANCE | N°96-85670

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 novembre 1997, 96-85670


REJET du pourvoi formé par :
- A... Louis,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre, du 4 juillet 1996, qui, pour discrimination dans l'offre ou la fourniture d'un bien ou d'un service, l'a condamné à une amende de 10 000 francs, ainsi qu'à l'interdiction, pendant 1 an, des droits visés à l'article 42, 2 et 3, ancien du Code pénal et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, par contrat du 28 août 1992, Louis A... a consenti à X... et Y... un bail portant sur des locaux m

eublés, moyennant le versement immédiat d'une caution de 2 360 francs et la pro...

REJET du pourvoi formé par :
- A... Louis,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre, du 4 juillet 1996, qui, pour discrimination dans l'offre ou la fourniture d'un bien ou d'un service, l'a condamné à une amende de 10 000 francs, ainsi qu'à l'interdiction, pendant 1 an, des droits visés à l'article 42, 2 et 3, ancien du Code pénal et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, par contrat du 28 août 1992, Louis A... a consenti à X... et Y... un bail portant sur des locaux meublés, moyennant le versement immédiat d'une caution de 2 360 francs et la production de divers documents justificatifs, relatifs aux ressources des preneurs et à l'engagement d'un tiers en qualité de caution ; qu'à cette occasion le bailleur a appris que l'un de ses cocontractants était atteint du sida ; que, par un avenant au contrat, établi le 29 septembre suivant, il a exigé la fourniture par les locataires, avant le 5 octobre, de deux cautions supplémentaires, tenues de produire trois bulletins de salaire outre une fiche d'état civil ; que, n'étant pas en mesure de satisfaire à ces dernières obligations, les locataires ont mis fin au bail le 6 octobre 1992 ;
Attendu qu'à l'issue d'une information ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile déposée par ces derniers, Louis A... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de discrimination, sur le fondement des articles 416 ancien, 225-1 et 225-2, 1, du Code pénal, pour avoir refusé de fournir un bien ou un service à des personnes à raison de leur état de santé ou de leurs moeurs ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 225-1 et 225-2 du Code pénal, ensemble violation de l'article 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de discrimination et l'a, en répression, condamné à 10 000 francs d'amende et à l'interdiction des droits mentionnés au 2° et 3° de l'article 42 du Code pénal, et ce pendant une année ;
" aux motifs propres et adoptés qu'il est constant que postérieurement au 18 septembre 1992, date correspondant à l'obtention par Y... de l'allocation adulte handicapé, lui-même et X... ont, conformément à leurs engagements, déféré aux exigences de Louis A... en lui remettant les diverses justifications prévues au contrat ; que, dès lors, les conditions de leur entrée dans les lieux, désormais proche, pouvaient être considérées comme définitivement acquises ; que, cependant, le 29 septembre 1992, soit à 48 heures d'une possible remise des clefs, devait être signé par les parties un additif au contrat principal mettant les locataires devant l'obligation de satisfaire à un certain nombre de conditions supplémentaires dont la nature et la brièveté du délai imparti pour y satisfaire revêtent un caractère manifestement exorbitant ; que, selon le motif expressément mentionné dans l'acte du 29 septembre 1992 pour en justifier la souscription, Louis A... aurait voulu, en posant de nouvelles exigences, se garantir du remboursement d'emprunts conventionnés ; qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, à l'analyse desquels souscrit intégralement la Cour, en réalité il s'agit d'un prétexte fallacieux ne pouvant résister aux explications précises et circonstanciées des plaignants ; qu'en effet celles-ci se trouvent accréditées non seulement par le contrat initial exigeant de Y... la justification de son handicap par la production d'une attestation de la Cotorep, mais encore et surtout par le témoignage de Z... ayant reçu les confidences des jeunes gens et accompli auprès du prévenu des démarches tendant à la restitution de la caution ; que Louis A... s'exprima alors sur l'état de santé de Y... et évoqua " le sida comme clause résolutoire du contrat " ; que, d'ailleurs, devant la teneur de tels propos, Z... devait en faire mention sur son " livre de bord " à la date du 19 octobre 1992 ;
" et aux motifs encore qu'en imposant ainsi de manière tout aussi soudaine que tardive à X... et à Y... des exigences nouvelles tout à fait excessives, sans autre justification que celle de l'état de santé déficient de ce dernier, Louis A... a accompli là une démarche à caractère discriminatoire au sens de l'article 225-1 du Code pénal ; qu'enfin les premiers juges ont, à bon droit, considéré que la discrimination dont s'est rendu coupable Louis A... ne répond pas aux termes de la prévention, mais aux exigences de l'article 225-2-4° du Code pénal, le prévenu ayant en effet subordonné la prise de possession et la remise des clefs à des conditions n'ayant d'autre raison d'être que l'état de santé de Y..., si bien que les faits tels que requalifiés par les premiers juges apparaissent constitués, ceux-ci ayant justement apprécié, au regard des circonstances de l'affaire et de la personnalité de leur auteur, les sanctions prononcées, lesquelles doivent être purement et simplement confirmées ;
" alors que, d'une part, le demandeur faisait valoir dans ses écritures que le contrat n'était pas soumis au droit commun du bail puisqu'il s'agissait d'une location en meublé, si bien que les garanties supplémentaires demandées par le bailleur le 29 septembre 1992 n'étaient nullement irrégulières, ledit bailleur s'étant borné à solliciter une seconde caution de nature à garantir non seulement les loyers, mais également l'état des lieux ; qu'en ne répondant pas à ce moyen (cf. p. 4 des conclusions), la Cour viole l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" alors que, d'autre part, le demandeur faisait aussi valoir dans ses écritures délaissées, que lors de la signature du bail initial le 28 août 1992, le bailleur n'avait pas connaissance de la situation exacte des preneurs, c'est pourquoi le bailleur précisait qu'ils devraient justifier de leur situation et que ce n'est que dans le courant du mois de septembre 1992 que le bailleur a appris que l'un des preneurs avait pour seule ressource une allocation adulte handicapé et le second était chômeur en fins de droit, si bien que ce sont ces éléments qui déterminèrent le bailleur à demander une garantie supplémentaire qui pouvait dans ce contexte apparaître légitime (cf. p. 4 des conclusions) ; qu'en ne répondant pas davantage à ce moyen, la Cour viole de nouveau l'article du Code de procédure pénale cité au précédent élément de moyen ;
" et alors, enfin, que la Cour ne se prononce pas davantage sur le moyen faisant état de la circonstance qu'un témoignage aussi tardif que celui de Z... avait sa fragilité et ne pouvait à lui seul justifier une déclaration de culpabilité ; qu'ainsi la Cour viole de plus fort l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que, pour déclarer Louis A... coupable du délit poursuivi, non pas sur le fondement de l'article 225-2, 1, du Code pénal, visé à la prévention, mais par référence au 4 de ce même texte, qui réprime le fait de subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service à une condition fondée, notamment, sur l'état de santé, la cour d'appel relève que le prévenu, qui a vivement réagi à l'annonce de la maladie de Y..., a imposé aux preneurs, 48 heures avant la remise des clés et la prise de possession des lieux, des obligations supplémentaires dont la nature et le délai d'exécution exorbitants n'avaient d'autre justification que l'état de santé déficient de l'un d'eux ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant d'une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux conclusions qui lui étaient soumises, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le second moyen de cassation (subsidiaire par rapport au premier), pris de la violation des articles 225-1 et 225-2-1° et 4° du Code pénal, violation de l'article 593 du Code de procédure pénale et de l'article 1382 du Code civil :
" en ce que l'arrêt infirmatif sur ce point condamne le prévenu à verser à la partie civile la somme de 2 360 francs en restitution du montant de la caution, avec intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 1992 ;
" aux motifs qu'il est constant que la conservation par Louis A... de la caution de 2 360 francs n'a d'autre justification que la commission des faits dont il a été reconnu coupable ; que cette circonstance commande la restitution de cette somme entre les mains d'X..., et ce avec intérêts au taux légal, étant observé que la résiliation du bail est intervenue le 6 octobre 1992 ;
" alors que le prévenu, à titre subsidiaire, faisait valoir dans ses écritures d'appel que la somme de 2 360 francs avait été versée en vertu d'un contrat civil dont la validité en elle-même n'était pas contestée, en sorte que le paiement de cette somme était sans rapport avec l'infraction poursuivie (cf. p. 6 des conclusions) ; qu'en affirmant, cependant, qu'il était constant que la conservation par le bailleur de la somme précitée n'avait d'autre justification que la commission des faits dont il était reconnu coupable, la Cour méconnaît les termes du litige dont elle était saisie et ne justifie pas légalement son arrêt " ;
Attendu que, pour faire droit à la demande de restitution de la caution versée par les preneurs lors de la signature du bail, la juridiction du second degré retient que les agissements de Louis A... ont privé X... de l'accès à l'appartement dont il était co-locataire ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le préjudice subi par la partie civile est la conséquence directe de l'infraction dont le prévenu a été déclaré coupable, la cour d'appel a fait l'exacte application des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-85670
Date de la décision : 25/11/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° BAIL A LOYER - Bail d'habitation - Discrimination - Discrimination fondée sur l'état de santé ou sur les moeurs du preneur - Eléments constitutifs - Constatations suffisantes.

1° C'est à bon droit qu'une cour d'appel déclare le propriétaire de locaux à usage d'habitation coupable de discrimination, sur le fondement de l'article 225-2, 4° du Code pénal, après avoir relevé que celui-ci, ayant appris que l'un des preneurs était atteint du sida, a imposé à ses cocontractants, deux jours avant la remise des clés et la prise de possession des lieux, des obligations supplémentaires dont la nature et le délai d'exécution exorbitants n'avaient d'autre justification que l'état de santé déficient de l'un d'eux.

2° ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice direct - Définition - Bail d'habitation - Discrimination fondée sur l'état de santé ou sur les moeurs du preneur - Perte de l'accès au logement.

2° ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Conditions - Bail d'habitation - Discrimination fondée sur l'état de santé ou sur les moeurs du preneur - Perte de l'accès au logement - Restitution de la caution.

2° La partie civile que les agissements susvisés ont privé de l'accès au logement dont elle était co-locataire subit un préjudice direct lui ouvrant droit à la restitution de la caution versée lors de la signature du bail.


Références :

Code pénal 416
nouveau Code pénal 225-1, 225-2, 4°

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 04 juillet 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 nov. 1997, pourvoi n°96-85670, Bull. crim. criminel 1997 N° 399 p. 1329
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1997 N° 399 p. 1329

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Milleville, conseiller doyen faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Géronimi.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Batut.
Avocat(s) : Avocat : M. Blondel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:96.85670
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