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25/11/1997 | FRANCE | N°95-21021

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 novembre 1997, 95-21021


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Elite precision machinery (le chargeur) a expédié à la société Adapt une machine qui a été embarquée au port de Hong Kong sur le navire " Fen He " appartenant à la société China ocean shipping company (société COSCO) qui a émis le connaissement ; que des avaries ayant été constatées à l'arrivée à Marseille la société destinataire a été indemnisée par ses assureurs, les sociétés Insurance Company of North America et Cigna France, aux droits desquelles se trouve la société Cigna insurance company of Europe (les assur

eurs) ; qu'ainsi subrogés dans ses droits les assureurs ont assigné devant le tr...

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Elite precision machinery (le chargeur) a expédié à la société Adapt une machine qui a été embarquée au port de Hong Kong sur le navire " Fen He " appartenant à la société China ocean shipping company (société COSCO) qui a émis le connaissement ; que des avaries ayant été constatées à l'arrivée à Marseille la société destinataire a été indemnisée par ses assureurs, les sociétés Insurance Company of North America et Cigna France, aux droits desquelles se trouve la société Cigna insurance company of Europe (les assureurs) ; qu'ainsi subrogés dans ses droits les assureurs ont assigné devant le tribunal de commerce de Marseille la société COSCO en réparation de leur préjudice ; que le transporteur maritime, tout en appelant en garantie l'entreprise de manutention Intramar, a décliné la compétence du tribunal saisi en se fondant sur la clause du connaissement attribuant compétence aux juridictions chinoises ; que, statuant sur contredit, la cour d'appel a confirmé l'incompétence des tribunaux français et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, et sur le troisième moyen, réunis :

Attendu que les assureurs reprochent d'abord à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Cosco et valable la clause attributive de compétence invoquée par elle alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de l'article 75 du nouveau Code de procédure civile, c'est dans le déclinatoire de compétence et non ultérieurement, notamment dans ses conclusions, que la partie qui soulève l'exception d'incompétence doit, à peine d'irrecevabilité, faire connaître avec précision devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'incompétence déposées en première instance, la société Cosco se bornait à déclarer, avant de soulever l'irrecevabilité des demandes dirigées à son encontre et de défendre au fond, que " la concluante est en effet fondée à soulever la clause de ses conditions générales qui prévoit que les litiges seront de la seule compétence des juridictions chinoises, la clause n° 3 faisant, par ailleurs, expressément référence à l'application de la convention de Bruxelles de 1924 pour traiter de la responsabilité du transporteur " ; que dans le dispositif de ses conclusions, elle demandait au tribunal de " se déclarer incompétent en application des conditions générales du contrat de transport " ; qu'ainsi, le déclinatoire de compétence de la société Cosco ne désignait pas la juridiction dont la compétence était revendiquée, comme l'exige, à peine d'irrecevabilité, l'article 75 du nouveau Code de procédure civile ; que ce défaut d'indication, dans le déclinatoire, de la juridiction prétendument compétente en raison du lieu, rendait l'exception irrecevable ; qu'en relevant que " devant les premiers juges, la compagnie Cosco avait soutenu que les cours maritimes créées en Chine sont compétentes pour connaître des litiges relatifs aux transports maritimes et que le connaissement mentionne le nom des villes où elle a ses principaux centres d'affaires dans lesquels se trouvent ces cours maritimes ", pour apprécier la recevabilité de l'exception d'incompétence, la cour d'appel s'est fondée sur les conclusions en réplique déposées par la société Cosco postérieurement au déclinatoire de compétence, et donc postérieurement aux fins de non-recevoir et moyens de fond soulevés par cette société ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 75 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que l'obligation imposée par ce texte à la partie qui soulève l'exception d'incompétence de faire connaître devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée n'est remplie que lorsque cette partie donne dans ses écritures des précisions suffisamment claires pour que la désignation de la juridiction soit certaine ; que dans ses conclusions en réplique, pour tenter de démontrer la validité de la clause attributive de compétence figurant au connaissement, la société Cosco se bornait à affirmer que " les cours maritimes créées en Chine sont compétentes pour connaître des litiges relatifs aux transports maritimes ", précisant simplement que " le connaissement mentionne le nom des villes où la compagnie Cosco a ses principaux centres d'affaires dans lesquels se trouvent ces cours maritimes " et invitant les compagnies d'assurance à mieux se pourvoir sans désigner la juridiction de telle ville chinoise déterminée ;

que les écritures de la société Cosco ne satisfaisaient donc nullement aux exigences de l'article 75 du nouveau Code de procédure civile, faute de donner des précisions suffisamment claires pour que la désignation de la juridiction soit certaine ; que la cour d'appel n'a donc pu retenir que l'exception d'incompétence était recevable après avoir rapproché les énonciations des conclusions en réplique de la société Cosco, en elles-mêmes insuffisantes pour identifier la juridiction désignée, des indications du Lloyd's Register, sollicitées par les juges du fond, concernant l'appartenance du navire litigieux " à la Cosco Guangzhou (Canton) ", sans violer l'article 75 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que la désignation générale des juridictions d'un Etat pour une clause attributive de compétence en matière internationale n'est licite que dans la mesure où le droit interne de cet Etat permet de déterminer le Tribunal spécialement compétent ; qu'en l'espèce, à supposer que le droit chinois donne effectivement compétence pour les litiges relatifs aux transports maritimes aux cours maritimes, au nombre de six pour tout le pays, prévoit qu'en matière de transport maritime la juridiction compétente est celle du port de chargement, du port de destination ou de la résidence du défendeur, et que, s'agissant d'un transport maritime entre deux ports non chinois, la juridiction chinoise compétente ne puisse être que celle de la résidence du défendeur, ces indications ne permettaient pas de déterminer le Tribunal spécialement compétent ; qu'en effet la résidence de la société Cosco, défenderesse, était indéterminée, le connaissement indiquant six noms de villes chinoises où la société Cosco avait des établissements ; qu'ainsi, en retenant que la clause attributive de compétence permettait de connaître le Tribunal compétent, la cour d'appel a violé l'article 48 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, dans l'ordre international, la désignation générale des juridictions d'un Etat étranger par une clause attributive de compétence est licite si le droit interne de cet Etat permet de déterminer le Tribunal spécialement compétent ; qu'il en résulte que satisfait aux exigences de l'article 75 du nouveau Code de procédure civile la partie qui, soulevant une exception d'incompétence internationale en vertu d'une telle clause, fait connaître, dans son déclinatoire, que l'affaire doit être portée devant les juridictions de cet Etat ; que la recevabilité de l'exception n'est, dès lors, pas subordonnée à l'indication, dans le déclinatoire, de la juridiction étrangère devant être précisément saisie ni de celle des règles étrangères permettant sa désignation ;

Attendu qu'ayant relevé qu'avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir la société Cosco, en se fondant sur la clause de prorogation de compétence internationale insérée au connaissement, avait demandé que l'affaire soit portée devant les juridictions chinoises puis retenu, par une interprétation souveraine de la loi étrangère de procédure, que, dans la République populaire de Chine, les litiges relatifs aux transports maritimes ressortissent à la compétence de six cours maritimes, dont une siégeant à Canton, port où la société Cosco a un établissement auquel se rattache le navire " Fen He ", et que la cour maritime de Canton était spécialement compétente en raison de cette résidence du transporteur maritime, dès lors que le transport avait eu lieu entre deux ports non chinois, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de déclarer valable la clause attributive de compétence et recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Cosco ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que pour accueillir l'exception d'incompétence sur la base de la clause d'élection de for figurant au connaissement, l'arrêt retient qu'elle " a été acceptée par le chargeur et, par là, lie le destinataire de la marchandise ainsi que ses assureurs " ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'acceptation par le chargeur de la clause ne suffisait pas à la rendre opposable au destinataire, qui ne l'avait pas lui-même acceptée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 septembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-21021
Date de la décision : 25/11/1997
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Connaissement - Indications - Clause attributive de compétence - Clause attribuant compétence à une juridiction étrangère - Validité - Condition.

1° COMPETENCE - Clause attributive - Clause attributive à une juridiction étrangère - Insertion dans un connaissement - Validité - Condition 1° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale des juridictions françaises - Compétence territoriale - Clause attributive - Juridictions d'un Etat - Validité - Conditions - Possibilité de déterminer le Tribunal compétent.

1° Dans l'ordre international, la désignation générale des juridictions d'un Etat étranger par une clause attributive de compétence est licite si le droit interne de cet Etat permet de déterminer le Tribunal spécialement compétent. Il en résulte que satisfait aux exigences de l'article 75 du nouveau Code de procédure civile la partie qui, soulevant une exception d'incompétence internationale en vertu d'une telle clause, fait connaître, dans son déclinatoire, que l'affaire doit être portée devant les juridictions de cet Etat, sans que la recevabilité de l'exception soit, dès lors, subordonnée à l'indication, dans le déclinatoire, de la juridiction étrangère devant être précisément saisie ni de celle des règles étrangères permettant sa désignation.

2° TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Connaissement - Indications - Clause attributive de compétence - Opposabilité au destinataire - Condition.

2° COMPETENCE - Clause attributive - Conditions de validité - Acceptation - Clause insérée dans un connaissement - Acceptation par le destinataire.

2° L'acceptation par le chargeur d'une clause attributive de compétence figurant dans un connaissement ne suffit pas à la rendre opposable au destinataire qui ne l'a pas lui-même acceptée.


Références :

Code civil 1134
nouveau Code de procédure civile 75

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 07 septembre 1995

A RAPPROCHER : (1°). Chambre commerciale, 1991-03-19, Bulletin 1991, IV, n° 115, p. 80 (cassation sans renvoi). A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1997-05-27, Bulletin 1997, IV, n° 160, p. 144 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 nov. 1997, pourvoi n°95-21021, Bull. civ. 1997 IV N° 310 p. 266
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 IV N° 310 p. 266

Composition du Tribunal
Président : Président : Mme Pasturel, conseiller le plus ancien faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Rémery.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Delaporte et Briard, M. Le Prado.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.21021
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