Attendu que M. X..., qui avait perdu la vision de son oeil droit, a été opéré d'une cataracte à l'oeil gauche par M. Y..., chirurgien, après une anesthésie locale pratiquée par Mme Z..., anesthésiste ; que le globe oculaire ayant été perforé par l'aiguille de l'anesthésiste, M. X... n'a recouvré, après l'opération, qu'une acuité visuelle réduite et un champ de vision extrêmement rétréci ; qu'il a assigné M. Y... et Mme Z... en réparation de son préjudice ; que la cour d'appel a retenu la responsabilité des deux praticiens, chacun pour moitié ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de M. Y... :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la responsabilité de l'accident opératoire dont M. X... a été victime lui incombe pour moitié et pour moitié à Mme Z..., alors, selon le moyen, qu'il revient au seul anesthésiste, qui a le libre choix du mode d'anesthésie, de rechercher les informations qui lui sont nécessaires pour exercer ce choix ; qu'en revanche, il n'appartient pas au chirurgien de délivrer spontanément ces informations à l'anesthésiste, dès lors qu'il ne peut connaître les informations qui sont nécessaires à celui-ci pour exercer son choix ; qu'en décidant néanmoins que M. Y... avait commis une faute en n'informant pas Mme Z... du fait que le globe oculaire de M. X... était allongé, ce qui rendait préférable le recours à une anesthésie générale ou à l'utilisation d'une aiguille à biseau court, plutôt que celle d'une aiguille à biseau long, utilisée par Mme Z..., alors qu'il incombait à celle-ci de s'informer de l'état du globe oculaire de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a pu décider que les obligations de M. Y... ne pouvaient se limiter aux seuls gestes chirurgicaux dès lors que, suivant depuis plusieurs années M. X... dont le globe oculaire était plus allongé du fait d'une grande myopie, il se devait d'aviser le médecin anesthésiste des risques que comportait une anesthésie locale par injection rétrobulbaire ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi principal de M. X... :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que, pour fixer à 45 % le taux d'incapacité permanente partielle dont se trouve atteint M. X... par suite de l'opération, l'arrêt attaqué énonce que le taux d'incapacité de celui-ci peut être évalué à 70 % mais que, compte tenu de la cécité de l'oeil droit et de la grande myopie de l'oeil gauche, le taux d'incapacité résultant directement de l'accident opératoire devait être diminué ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'accident n'a pas eu seulement pour effet d'aggraver une incapacité antérieure mais a transformé radicalement la nature de l'invalidité de sorte que la victime qui, malgré son état antérieur, exerçait régulièrement une activité professionnelle, se trouve atteinte d'une incapacité totale de travail et doit recourir à l'assistance d'une tierce personne à mi-temps, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale du préjudice et violé ainsi l'article susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne le taux d'incapacité permanente partielle alloué à M. X..., l'arrêt rendu le 3 mai 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.