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14/10/1997 | FRANCE | N°95-81185

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 octobre 1997, 95-81185


ACTION PUBLIQUE ETEINTE, rejet de l'ACTION CIVILE ET REJET sur le pourvoi formé par :
- X..., Y..., Z..., civilement responsables,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 3 février 1995, qui, pour diffamation publique envers un fonctionnaire public, a condamné les prévenus à 5 000 francs d'amende chacun, et a prononcé sur les intérêts civils ;
1o Sur l'action publique :
Attendu que selon l'article 2, alinéa 2, 5, de la loi du 3 août 1995, sont amnistiés, lorsque, comme en l'espèce, ils sont antérieurs au 18 mai 1995, les délits prévu

s par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; qu'ainsi l'ac...

ACTION PUBLIQUE ETEINTE, rejet de l'ACTION CIVILE ET REJET sur le pourvoi formé par :
- X..., Y..., Z..., civilement responsables,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 3 février 1995, qui, pour diffamation publique envers un fonctionnaire public, a condamné les prévenus à 5 000 francs d'amende chacun, et a prononcé sur les intérêts civils ;
1o Sur l'action publique :
Attendu que selon l'article 2, alinéa 2, 5, de la loi du 3 août 1995, sont amnistiés, lorsque, comme en l'espèce, ils sont antérieurs au 18 mai 1995, les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; qu'ainsi l'action publique est éteinte à l'égard du prévenu ;
Attendu cependant que selon l'article 21 de la loi d'amnistie précitée, la juridiction de jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;
2o Sur l'action civile :
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 19 du Pacte de New York relatif aux droits civils et politiques, 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, 485 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la Cour a déclaré les prévenus coupables de diffamation publique envers un citoyen chargé de service ou de mandat public et a prononcé sur les intérêts civils ;
" aux motifs que l'article "Racket sur le troisième âge !" accuse le directeur de la piscine de A... de percevoir indûment et abusivement des sommes d'argent auprès des retraités et des personnes âgées de la commune ; qu'il suggère un comportement malhonnête et l'idée de l'exploitation de la situation de faiblesse des personnes âgées, que le titre et le contenu de l'article contiennent des imputations portant atteinte à l'honneur et à la considération de B... qui est visé personnellement et qualifié de " directeur de piscine peu scrupuleux " ; que les prévenus qui n'ont pas fait l'offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires dans les formes prévues par l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 sont déchus du droit de faire cette preuve devant la Cour ; que les attestations de témoins ne peuvent donc être prises en considération ; que B... a été nommé maître-nageur par arrêté du maire de A... le 29 août 1979 et, en juillet 1993, exerçait les fonctions de chef de bassin et directeur de la piscine municipale ; qu'en cette qualité, il était investi d'une parcelle de l'autorité publique et d'une mission de service public, que les éléments constitutifs du délit de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public sont réunis, que l'infraction est entièrement caractérisée ;
" alors que la diffamation envers un dépositaire de l'autorité publique ou un citoyen chargé d'un service public n'est caractérisée que si ces fonctions sont exercées lors de la réalisation des faits à l'origine de l'action en diffamation, que la Cour a retenu qu'en juillet 1993, B... exerçait les fonctions de chef de bassin et directeur de la piscine municipale ; qu'en n'établissant pas que ces fonctions étaient exercées lors de la parution de l'article litigieux, la cour d'appel a entaché sa décision d'une violation des textes visés au moyen ;
" 2o alors qu'un chef de bassin, un directeur d'une piscine municipale et un maître-nageur ne sont pas investis d'une portion de l'autorité publique ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 3o alors que l'exercice de la liberté d'expression peut être soumis à des restrictions lorsque celles-ci constituent des mesures nécessaires, notamment, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, que les prévenus avaient produit des attestations pour établir la vérité des faits mentionnés dans l'article à l'origine de l'action en diffamation, que la cour d'appel a refusé de tenir compte de ces attestations en retenant que les prévenus n'avaient pas respecté l'obligation de prouver les faits diffamatoires en respectant le délai de 10 jours et les formalités prévues par l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 ; que les procédures prévues par ce texte ne permettent pas de protéger les droits de tiers ; qu'en se fondant dès lors sur ces dispositions pour limiter le droit des prévenus d'établir la vérité des faits, la cour d'appel a porté une atteinte injustifiée au principe de la liberté d'expression, en violation des textes susvisés ;
" 4o alors que l'irrecevabilité de la preuve de la vérité des faits diffamatoires n'interdit pas au prévenu d'apporter la preuve de faits justificatifs permettant d'établir sa bonne foi ; qu'en refusant de prendre en considération les attestations versées aux débats par les prévenus sans rechercher si elles permettaient d'établir la bonne foi de ceux-ci, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que dans le " Bulletin d'information de l'opposition municipale agissante " dénommé " C... " a été publié un article intitulé " Racket sur le 3e âge ", signé par Y..., imputant au directeur de la piscine municipale de faire payer la perception indue d'un droit d'entrée aux personnes du 3e âge ; que B..., en qualité de fonctionnaire territorial, chef de bassin et directeur de la piscine, a fait citer directement devant le tribunal correctionnel X..., directeur de la publication de " C... ", Y..., conseiller municipal, et l'association éditrice, du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l'autorité publique, un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public, en visant l'article 31, alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Sur les deux premières branches du moyen :
Attendu que, pour retenir la diffamation à la charge des prévenus, l'arrêt attaqué se prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état des ces constatations et énonciations, desquelles il résulte que B... appartenait à la fonction publique territoriale, et que les faits diffamatoires étaient en relation directe et étroite avec sa qualité et ses fonctions de chef de bassin, directeur de la piscine municipale, la cour d'appel, qui a exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Sur les autres branches du moyen :
Attendu qu'après avoir mentionné que les prévenus et l'association " soutiennent oralement que les faits dénoncés dans l'article incriminé sont exacts ", l'arrêt énonce qu'en l'absence d'offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires signifiée dans les formes prévues par l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881, les prévenus sont déchus du droit de faire cette preuve, et que les attestations de témoins qu'ils versent aux débats ne peuvent être prises en considération ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel n'a encouru aucun des griefs allégués ;
Que d'une part, les prévenus n'ayant pas excipé de leur bonne foi, les juges ne pouvaient les en faire bénéficier ;
Que d'autre part, si l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales reconnaît en son premier paragraphe à toute personne le droit à la liberté d'expression, ce texte prévoit en son second paragraphe que l'exercice de cette liberté comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent, dans une société démocratique, des mesures nécessaires notamment à la protection de la réputation et des droits d'autrui ; que tel est l'objet des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 qui incriminent la diffamation et qui imposent au prévenu de diffamation d'apporter la preuve des faits justificatifs qu'il invoque dans les formes et délais prévus à l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs,
I. Sur l'action publique :
La DECLARE éteinte ;
II. Sur l'action civile :
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-81185
Date de la décision : 14/10/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PRESSE - Diffamation - Personnes et corps protégés - Fonctionnaire public - Faits imputés liés à la fonction.

1° Le chef de bassin, directeur d'une piscine municipale, appartient à la fonction publique territoriale et les faits diffamatoires en relation directe avec ses activités entrent dans les prévisions de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881(1).

2° PRESSE - Diffamation - Preuve de la vérité des faits diffamatoires - Moyens - Absence de signification dans les formes prévues par l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 - Effets.

2° En l'absence d'offre de preuve de la vérité du fait diffamatoire signifiée dans les formes prévues par l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881, les prévenus sont déchus du droit de faire cette preuve et les attestations des témoins qu'ils versent aux débats ne peuvent être prises en considération(2).

3° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 10 - 2 - Liberté d'expression - Presse - Conditions de l'exercice de cette liberté - Dispositions de l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881.

3° Les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 qui incriminent la diffamation et qui imposent au prévenu d'apporter la preuve des faits justificatifs qu'il invoque dans les formes et délais prévus à l'article 55 de ladite loi est conforme à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme(3).


Références :

1° :
2° :
3° :
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 article 10
Loi sur la presse du 29 juillet 1881 article 31
Loi sur la presse du 29 juillet 1881 article 55

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 03 février 1995

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1991-12-10, Bulletin criminel 1991, n° 468, p. 1199 (cassation partielle). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1983-07-12, Bulletin criminel 1983, n° 221, p. 563 (rejet). CONFER : (3°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1996-03-19, Bulletin criminel 1996, n° 117, p. 340 (action publique éteinte et rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 oct. 1997, pourvoi n°95-81185, Bull. crim. criminel 1997 N° 333 p. 1106
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1997 N° 333 p. 1106

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Milleville, conseiller doyen faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Amiel.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Chanet.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Boré et Xavier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.81185
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