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10/07/1997 | FRANCE | N°96-83507

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 juillet 1997, 96-83507


REJET sur le pourvoi formé par :
- X... André,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 29 mars 1996, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 12 mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamen

tales, 510, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des d...

REJET sur le pourvoi formé par :
- X... André,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 29 mars 1996, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 12 mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 510, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que le tribunal correctionnel et la cour d'appel étaient respectivement composés de M. Hayat, président, et de Mmes Pelletier et Degrelle-Croissant, assesseurs, et de M. Dubreuil, président, et de M. Limoujour et Mme Delafollie, assesseurs ;
" alors que ces magistrats ne pouvaient légalement faire partie des juridictions appelées à se prononcer sur le délit de fraude fiscale, ayant le même jour pour le tribunal et vingt-huit jours auparavant pour la Cour, participé à une décision sur le fond relative à la culpabilité du prévenu pour des faits de recel d'escroquerie, objet de la fraude fiscale reprochée ; qu'en effet ces magistrats avaient rendu, le 28 septembre 1995 et le 1er mars 1996, un jugement puis un arrêt condamnant André X... à une peine d'emprisonnement pour avoir versé, en connaissance de cause, sur un compte personnel ouvert au Crédit agricole des sommes provenant d'une prétendue escroquerie, affaire comparable à celle qui leur était à nouveau déférée puisque les sommes litigieuses retenues au titre du recel d'escroquerie étaient celles appréhendées par l'administration fiscale comme revenus d'origine indéterminée ; qu'ainsi ces magistrats ayant nécessairement pris parti sur la culpabilité d'André X... au regard des faits de la cause, le tribunal et la cour d'appel ainsi composés ne se présentaient plus objectivement comme un tribunal impartial " ;
Attendu que le prévenu a soutenu devant la cour d'appel qu'ayant déjà eu à connaître, un mois auparavant, d'une procédure parallèle d'escroqueries et de banqueroute, cette juridiction ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article 6. 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, juger les faits connexes de fraude fiscale visés à la prévention ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation d'André X..., la cour d'appel énonce que, même si elles présentent certaines analogies, les procédures visées ne concernent ni la même cause ni les mêmes parties et que, n'ayant pas eu, à ce jour, à apprécier la culpabilité du prévenu pour le délit de fraude fiscale, elle pouvait, sans porter atteinte aux dispositions conventionnelles précitées, connaître de l'appel formé, par ce dernier, contre le jugement du tribunal correctionnel le condamnant de ce chef ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la cour d'appel a, sans encourir les griefs allégués, justifié sa décision ;
Qu'en effet aucune disposition légale ou conventionnelle n'interdit à des magistrats, ayant antérieurement eu à connaître de procédures concernant un prévenu, de faire partie de la juridiction appelée à juger cette personne pour des faits nouveaux, seraient-ils connexes, ces magistrats demeurant libres de se former, en toute objectivité, une opinion sur l'affaire soumise à leur examen ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 228 et L. 230 du Livre des procédures fiscales, 1741 A du Code général des impôts, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité de la procédure tirée de l'absence de mention relative à la date de l'avis favorable émis par la Commission des infractions fiscales sur le jugement de première instance ;
" aux motifs que cette omission ne peut entraîner la nullité de la procédure dans la mesure où l'avis figure au dossier de la procédure, que le prévenu a été informé de celui-ci par lettre recommandée et que seule l'absence d'avis peut entraîner la nullité de la procédure, la mention de la date dudit avis permettant de pallier les insuffisances du jugement ;
" alors que seule la mention de la date de l'avis favorable émis par la Commission des infractions fiscales figurant sur le jugement rendu sur le délit de fraude fiscale permet de s'assurer qu'il a été satisfait aux prescriptions des articles L. 228 du Livre des procédures fiscales et L. 230 du même Code qui réglementent la suspension de l'action publique pendant la durée maximum de six mois comprise entre la date de la saisine de la Commission et la date à laquelle elle émet son avis ; qu'en l'espèce aucune des mentions du jugement ne précisait à quelle date avait été émis un avis favorable de ladite Commission, de sorte qu'en refusant d'annuler le jugement susvisé la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que, pour écarter les conclusions du prévenu faisant grief au jugement de ne pas avoir mentionné l'avis rendu par la Commission des infractions fiscales (CIF), la cour d'appel énonce qu'en l'absence de contestation sur la régularité de l'engagement des poursuites l'absence d'un tel visa est sans incidence sur la régularité de la décision prononcée et, a fortiori, sur la régularité de la procédure antérieure ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet aucune disposition de la loi n'impose, à peine de nullité du jugement ou de l'arrêt statuant en matière de fraude fiscale, la référence à l'avis rendu par la CIF autorisant la plainte de l'Administration ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 47 du Livre des procédures fiscales, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de constater le non-respect du principe du contradictoire et les garanties du procès équitable pour la procédure administrative antérieure à l'avis de la Commission des infractions fiscales se déroulant devant cette Commission ;
" aux motifs que tant la nature du " compte dit d'attente de LEDA " que les divers mouvements qui l'ont affecté sont deux questions qui ont été discutées tout au long de la procédure administrative, alors que le prévenu était en permanence assisté de son avocat ; qu'il apparaît que les exigences de garanties de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, compte tenu du caractère, de la nature et de l'objet indépendants des procédures administrative et pénale-fiscale, doivent être considérées comme s'appliquant au long de chacune des procédures et, s'agissant de la procédure pénale-fiscale, en toutes les phases de la procédure marquant le débat juridictionnel parmi lesquelles la première, consistant en l'avis favorable de la Commission des infractions fiscales ; que l'applicabilité de l'article 6 à la procédure antérieure à cet avis et en tout cas des garanties obligatoires qu'il instaure, dès lors que la partie concernée n'a pas eu accès à tous les documents ayant permis le déclenchement des poursuites pénales pour fraude fiscale, ne sont d'ailleurs pas écartées par le juge pénal qui veille à préserver toutes les conditions de mise en oeuvre des droits de la défense dès le stade de la vérification de comptabilité ; que les interprétations actuelles de la Commission et de la Cour européenne ne signifient pas qu'il soit nécessaire de modifier la nature même de l'intervention de la Commission des infractions fiscales pour en faire une juridiction, ce qui serait le cas s'il y avait nécessité d'un débat oral ; que la Commission des infractions fiscales devant laquelle la procédure est écrite connaît, d'une part, le rapport écrit de l'Administration et les observations écrites du contribuable, ce qui préserve la contradiction et l'égalité des armes pour les deux parties ; qu'enfin, la Commission susvisée ne juge pas, ne qualifie pas, ne sanctionne pas et qu'il est donc établi que André X... a pu se défendre loyalement ;
" 1o alors que les garanties d'un procès équitable et le principe du contradictoire prévus par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'appliquent à la procédure suivie devant la Commission des infractions fiscales antérieure à l'avis émis par ladite Commission de sorte que les tribunaux judiciaires doivent statuer sur les irrégularités de la procédure dénoncées par les parties ;
" 2o alors que, si le juge pénal doit s'assurer que la partie concernée à eu accès à tous les documents ayant permis le déclenchement des poursuites ayant abouti à une citation directe, il est également compétent pour statuer sur les autres formes du non-respect des principes du contradictoire parmi lesquelles figure l'absence d'audition du contribuable lors de la procédure de consultation de la Commission des infractions fiscales au cours de laquelle la Commission est interrogée sur l'opportunité du dépôt d'une plainte de l'administration fiscale et émet un avis favorable suivi d'une citation directe devant la juridiction de jugement ; qu'en l'espèce le refus de la Commission des infractions fiscales d'entendre les observations orales d'André X... utiles à sa défense, suivi d'un avis favorable pour le dépôt d'une plainte qui a conduit à la citation du prévenu devant la juridiction correctionnelle, a méconnu les prescriptions essentielles de l'article 6 susvisé de sorte qu'en refusant de prononcer la nullité de la procédure antérieure à l'avis du 24 mars 1993 et par suite de toute la procédure subséquente, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief des motifs par lesquels la cour d'appel a écarté l'exception de nullité soulevée, tirée de l'absence de débat contradictoire devant la CIF, dès lors que le principe du contradictoire reconnu par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut s'appliquer devant cette commission qui n'est qu'un organisme consultatif destiné à donner un avis au ministre chargé des finances sur l'opportunité des poursuites, non un premier degré de juridiction, et que l'intéressé conserve la possibilité de connaître et de discuter ultérieurement, devant un tribunal indépendant et impartial, les charges retenues contre lui ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1741 du Code général des impôts, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du principe de la présomption d'innocence, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable de fraude fiscale et, en répression, l'a condamné à la peine de douze mois d'emprisonnement avec sursis et à l'affichage de la décision ;
" aux motifs que le compte du Crédit agricole n° ... ouvert au nom d'André X... ne peut être considéré comme professionnel pour devoir enregistrer des opérations personnelles, de sorte que, compte tenu de cette nature, l'origine et la cause des apports de fonds litigieux à hauteur de 3 800 000 francs versés sur ledit compte devaient être justifiés par le prévenu ; que la nature professionnelle des sommes créditées sur ce compte n'a pas été entièrement démontrée de sorte que, compte tenu des dissimulations supérieures à 1 000 francs et de l'intention frauduleuse de l'intéressé, le délit de fraude fiscale est caractérisé ;
" alors que le principe de la présomption d'innocence et le droit de tout justiciable à un procès équitable s'opposent à ce que le juge répressif statue en matière de fraude fiscale lorsque le recours diligenté devant les juridictions administratives statuant sur le redressement envisagé par l'administration fiscale sur les faits, objet de la prévention, n'a pas encore été examiné ; qu'en l'espèce le recours envisagé devant les juridictions administratives n'a pas encore été définitivement examiné, de sorte que la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les principes susvisés, se prononcer sur le délit de fraude fiscale " ;
Attendu que le demandeur ne saurait tirer argument de ce que la cour d'appel ait pu statuer sur la fraude fiscale visée à la prévention, avant que le juge administratif ne se soit prononcé sur le bien-fondé des griefs retenus par l'Administration, dès lors qu'il n'apparaît ni de l'arrêt attaqué, ni du jugement, ni d'aucune conclusion, que l'intéressé ait excipé de ce que la juridiction administrative ait été saisie ;
Qu'un tel moyen, pour être présenté pour la première fois devant la Cour de Cassation, est irrecevable ;
Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, 121-3 du Code pénal, du principe de la présomption d'innocence, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de dissimulation volontaire de sommes sujettes à l'impôt et d'omission de passation d'écritures ;
" aux motifs que le compte litigieux n° ... était personnel à André X..., qu'il a enregistré des dépenses personnelles et ne peut ainsi être considéré comme compte professionnel ; que celles des opérations qualifiées de professionnelles doivent être prouvées comme étant professionnelles hors de toute référence à la nature du compte ; que, dès lors, André X... se devait de justifier de la nature, de l'origine et de la cause des apports de fonds considérés comme litigieux pour 3 800 000 francs ; que s'agissant de prêts consentis par des personnes privées à M. Y... personnellement, il n'existe aucune justification que les remises de fonds auraient été des apports de M. Y... ; que le prêt de M. Z... à M. Y... n'est pas contestable, mais le versement de cette somme sur le compte d'André X..., en l'absence de tout débit, de tout remboursement et de tout lien contractuel entre M. Y... et M. X..., ne permet pas de remettre en cause la nature de ce crédit, non professionnel, resté au titre des ressources d'André X... ;
" alors que le délit de fraude fiscale prévu à l'article 1741 du Code général des impôts suppose l'existence d'une intention dont la preuve doit être rapportée par l'administration fiscale ; qu'en déclarant le prévenu coupable de dissimulation de sommes sujettes à l'impôt sur le revenu parce qu'il n'avait pas pu produire l'existence d'un contrat de prêt ou un commencement de preuve par écrit attestant l'existence de tels prêts, de sorte que les sommes ainsi créditées ont été assimilées à des revenus d'origine indéterminée, les juges d'appel ont renversé la charge de la preuve " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'André X... est poursuivi pour avoir déclaré, au titre des exercices 1988 et 1989, des revenus de l'ordre de 700 000 francs, alors que 3 000 000 à 4 000 000 francs apparaissaient au crédit de ses comptes bancaires pendant la même période ; que l'intéressé a excipé de ce que lesdites sommes, provenant de prêts, n'avaient pas un caractère taxable ;
Attendu que, pour le déclarer coupable des faits visés à la prévention, les juges du second degré énoncent que, faute par ce dernier d'en justifier l'origine, ces fonds, dont le prévenu a eu la disposition, doivent être regardés comme des revenus que l'intéressé ne pouvait s'abstenir de déclarer ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'il appartient à celui qui soulève une exception d'en prouver le bien-fondé, la cour d'appel a, sans inverser la charge de la preuve, justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-83507
Date de la décision : 10/07/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6.1 - Tribunal indépendant et impartial - Cour d'appel - Composition - Magistrats ayant connu d'une autre poursuite contre le même prévenu - Compatibilité.

Aucune disposition légale ou conventionnelle n'interdit à des magistrats, ayant antérieurement eu à connaître de procédures concernant un prévenu, de faire partie de la juridiction appelée à juger cette personne pour des faits nouveaux, seraient-ils connexes, ces magistrats demeurant libres de se former, en toute objectivité, une opinion sur l'affaire soumise à leur examen. (1).


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6 paragraphe 1

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 29 mars 1996

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1994-03-15, Bulletin criminel 1994, n° 97, p. 214 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 jui. 1997, pourvoi n°96-83507, Bull. crim. criminel 1997 N° 271 p. 925
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1997 N° 271 p. 925

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Culié, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Cotte.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. de Mordant de Massiac.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Piwnica et Molinié, M. Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:96.83507
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