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10/06/1997 | FRANCE | N°95-83892

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 juin 1997, 95-83892


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Guy,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, du 28 mars 1995, qui, pour atteinte à l'exercice régulier des fonctions d'un délégué du personnel, l'a condamné à 10 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 424-1 et L. 482-1 du Code du travail, des articles 384 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Guy X...,

président du directoire de la Société X..., coupable du délit d'entrave à l'exercice...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Guy,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, du 28 mars 1995, qui, pour atteinte à l'exercice régulier des fonctions d'un délégué du personnel, l'a condamné à 10 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 424-1 et L. 482-1 du Code du travail, des articles 384 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Guy X..., président du directoire de la Société X..., coupable du délit d'entrave à l'exercice régulier des fonctions de Luc Z..., délégué du personnel, à raison de la réduction ou de la suppression de primes ;
" aux motifs propres ou adoptés des premiers juges qu'il avait été demandé aux délégués du personnel de ne pas exercer leur activité dans le cadre des heures de délégation durant les périodes d'activité maximale de l'entreprise en mai, octobre, décembre et juin ; que Didier Y..., président du comité d'entreprise, avait indiqué à l'inspecteur du Travail que si Luc Z... revenait sur son attitude totalement revendicative et arrêtait de prendre ses heures de délégation pendant ces périodes, il était prêt à revenir sur une diminution de la prime de juin ; que, le 25 août 1992, il avait insisté une fois de plus sur le problème des heures de délégation qui n'étaient pas à prendre pendant que d'autres effectuaient des heures supplémentaires ; que le fait pour l'employeur d'insister pour que les délégués du personnel n'exercent pas leur mission dans le cadre des heures de délégation au prétexte que l'entreprise avait une activité plus forte, constituait le délit d'atteinte à l'exercice de cette fonction ; que l'intention de porter atteinte au libre exercice desdites fonctions se trouvait renforcée par la diminution corrélative des primes liées à l'emploi des heures de délégation pendant ces périodes ; que le surcroît d'activité qui motivait, selon le prévenu, l'octroi des primes était en réalité régulier, périodique et prévisible et que les conditions d'octroi des primes n'étaient pas définies ; qu'il était dans ces conditions indifférent pour caractériser le délit de rechercher si les primes présentaient un caractère de fixité suffisant pour estimer que leur octroi était " dû " ou non à Luc Z..., cette question appartenant aux seules juridictions civiles compétentes pour en juger ;
" alors, d'une part, que la cour d'appel a violé les textes précités pour avoir refusé expressément de rechercher si les primes litigieuses revêtaient le caractère de fixité, de constance et de généralité nécessaire pour que le salarié pût y prétendre ;
" alors, d'autre part, que la Cour a méconnu le principe de plénitude de juridiction qui conférait au juge répressif une compétence entière pour rechercher les caractères de la prime ;
" alors, en outre, que le caractère régulier, périodique et prévisible du surcroît d'activité qui motivait l'octroi des primes constitue une circonstance inopérante pour établir les caractères de celles-ci ;
" alors, de plus, que la Cour n'a pas tiré toutes les conséquences de la constatation suivant laquelle les conditions d'octroi n'étaient pas définies, d'où il résultait qu'elles ne présentaient pas les caractères requis pour la rendre obligatoire ;
" alors, enfin, que la Cour n'a pas répondu au chef des conclusions suivant lesquelles Didier Y..., président du comité d'entreprise, avait seulement voulu par ses propos rappeler que les primes litigieuses n'étaient attribuées qu'aux salariés qui participaient effectivement aux efforts requis par les travaux intensifs en certaines saisons et suggéré au délégué du personnel de participer aux travail de ces périodes s'il voulait les percevoir et que le chef d'entreprise avait donc été de bonne foi en refusant ces primes au salarié qui avait choisi de prendre son temps de délégation durant ces périodes " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, pour être incorporée au salaire dont les représentants du personnel doivent, selon l'article L. 424-1, alinéa 2, du Code du travail, percevoir l'intégralité pendant leurs heures de délégation, une prime doit réunir les caractères de généralité, constance et fixité ;
Attendu que, par ailleurs, il résulte de l'article 384 du Code de procédure pénale que les juges répressifs sont tenus de statuer sur toute question dont dépend l'application de la loi pénale ;
Attendu que, pour déclarer Guy X..., président du directoire de la société Groupe X..., coupable d'atteinte à l'exercice régulier des fonctions d'un délégué du personnel, la cour d'appel retient notamment que le prévenu a réduit, en juin, octobre et décembre 1992, le montant des primes accordées à l'intéressé aux mêmes mois les années précédentes et ajoute qu'il est indifférent de rechercher si les primes présentaient un caractère de fixité suffisant pour justifier leur versement aux travailleurs, cette question relevant de la seule compétence des juridictions civiles ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, pour caractériser ce chef d'entrave, il lui appartenait de déterminer si les primes litigieuses constituaient un complément de salaire dont le versement intégral s'imposait à l'employeur, ou si, dépendant de facteurs subjectifs et discrétionnaires, elles revêtaient le caractère de gratifications, la cour d'appel a méconnu les principes susénoncés ;
Que la cassation est, dès lors, encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Douai, en date du 28 mars 1995, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-83892
Date de la décision : 10/06/1997
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Salariés spécialement protégés - Délégués du personnel - Salaire - Prime - Non-versement de l'intégralité d'une prime - Délit d'atteinte - Constatations nécessaires.

TRAVAIL - Salariés spécialement protégés - Délégués du personnel - Prime - Paiement aux délégués du personnel - Obligation - Condition

TRAVAIL - Salaire - Définition - Prime - Caractère de fixité, de constance et de généralité - Défaut - Incorporation au salaire (non)

JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Exceptions - Exception préjudicielle - Travail - Salariés spécialement protégés - Délégués du personnel - Salaire - Prime - Non-versement de l'intégralité d'une prime - Caractères - Appréciation - Compétence de juge civil (non)

TRAVAIL - Salariés spécialement protégés - Délégués du personnel - Salaire - Primes - Non-versement de l'intégralité d'une prime - Caractères - Appréciation - Juridiction correctionnelle - Compétence du juge civil (non)

Pour être incorporée au salaire dont les représentants du personnel doivent, selon l'article L. 424-1, alinéa 2, du Code du travail, percevoir l'intégralité pendant leurs heures de délégation, une prime doit réunir les caractères de généralité, constance et fixité. Par ailleurs, il résulte de l'article 384 du Code de procédure pénale que les juges répressifs sont tenus de statuer sur toute question dont dépend l'application de la loi pénale. Dès lors, encourt la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui, pour déclarer constitué le délit d'atteinte à l'exercice régulier des fonctions d'un délégué du personnel, retient que l'employeur a réduit le montant des primes accordées à l'intéressé les années précédentes et énonce qu'il est indifférent de rechercher si ces primes présentaient un caractère de fixité suffisant pour imposer leur versement au travailleur, cette question relevant de la seule compétence des juridictions civiles, alors qu'il appartenait aux juges de déterminer si les primes litigieuses constituaient un complément de salaire ou si, dépendant de facteurs subjectifs et discrétionnaires, elles avaient le caractère de gratifications. (1)(2).


Références :

Code de procédure pénale 384
Code du travail L424-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 28 mars 1995

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1984-03-06, Bulletin criminel 1984, n° 95, p. 235 (rejet). CONFER : (1°). (2) A rapprocher : Chambre criminelle, 1994-02-15, Bulletin criminel 1994, n° 68 (1), p. 142 (rejet), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1996-02-27, Bulletin criminel 1996, n° 95, p. 281 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 jui. 1997, pourvoi n°95-83892, Bull. crim. criminel 1997 N° 231 p. 769
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1997 N° 231 p. 769

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Batut.
Avocat(s) : Avocat : M. Delvolvé.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.83892
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