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10/06/1997 | FRANCE | N°94-18085

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 juin 1997, 94-18085


Attendu, selon le jugement déféré, que, par actes enregistrés les 15 décembre 1983 et 9 mars 1984, Mme Marie-Thérèse X..., veuve Y..., a donné à son neveu, Joël X..., et à ses petits-neveux, Sandrine, Olivier et Sébastien X... (les consorts X...) la nue-propriété de terres louées par bail à long terme, enregistré le 14 juin 1982, à son frère Jean X..., alors âgé de 75 ans, et à l'épouse de ce dernier ; que ces donations ont été placées sous le régime fiscal d'exemption partielle prévu par l'article 793.2.3o du Code général des impôts en sa rédaction alors en vig

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Attendu, selon le jugement déféré, que, par actes enregistrés les 15 décembre 1983 et 9 mars 1984, Mme Marie-Thérèse X..., veuve Y..., a donné à son neveu, Joël X..., et à ses petits-neveux, Sandrine, Olivier et Sébastien X... (les consorts X...) la nue-propriété de terres louées par bail à long terme, enregistré le 14 juin 1982, à son frère Jean X..., alors âgé de 75 ans, et à l'épouse de ce dernier ; que ces donations ont été placées sous le régime fiscal d'exemption partielle prévu par l'article 793.2.3o du Code général des impôts en sa rédaction alors en vigueur ; que, la donatrice étant décédée le 26 juin 1985, le bail a été résilié à compter du 1er novembre suivant et un nouveau bail de 18 ans immédiatement consenti à un tiers ; que l'administration des Impôts a procédé à un premier redressement en 1987, fondé sur l'abus de droit, redressement abandonné puis repris en 1991 et fondé cette fois sur l'âge des époux X..., trop élevé pour qu'ils puissent se voir consentir un bail à long terme, ce qui excluait l'une des conditions à l'application du texte fiscal invoqué ; que les consorts X... ont fait opposition aux avis de mise en recouvrement des droits complémentaires résultant de ce redressement et que le Tribunal a rejeté leur demande ;

Sur le troisième moyen, qui est préalable : (sans intérêt) ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que les consorts X... reprochent au jugement d'avoir écarté leur fin de non-recevoir tiré de la prescription du droit de reprise de l'administration fiscale, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'acte de donation litigieux mentionnait les références de l'enregistrement du bail à long terme consenti à M. et Mme Jean X..., enregistrement qui avait été effectué au même bureau et à une date proche de celle de l'acte de donation ; qu'il en résultait que l'Administration était en mesure d'apprécier la portée de ces actes sans effectuer de démarches ultérieures et qu'en décidant le contraire le Tribunal a violé l'article L. 180 du Livre des procédures fiscales ; alors, d'autre part, que dans sa notification de redressement en date du 5 juin 1987 l'Administration avait reconnu formellement que la prescription abrégée était applicable ; que les déboutant néanmoins de cette fin de non-recevoir, le Tribunal a violé l'article L. 80 B du même Code ; et alors, enfin, que les juges du fond ont relevé qu'une première notification de redressement, laquelle remettait en cause la validité du bail rural à long terme, avait été adressée par l'administration fiscale le 5 juin 1987 ; qu'en refusant de déclarer prescrite la procédure engagée après la fin de la troisième année suivant celle de cette première notification de redressement, soit le 26 avril 1991, dès lors que la prescription abrégée est applicable lorsque l'Administration, par un de ses actes propres, a manifesté sa connaissance de l'exigibilité des droits, le Tribunal a violé l'article L. 180 du même Code ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que, si les actes de donation de 1983 et 1984 portaient effectivement la référence du bail enregistré en 1982, dont l'existence conditionnait le régime fiscal applicable, ces actes ne donnaient aucune précision sur l'âge des preneurs ou l'insertion éventuelle de clauses dérogatoires au statut des baux à fermage de longue durée, le jugement a pu en déduire que l'exigibilité des droits à percevoir n'avait pas été suffisamment révélée par les documents enregistrés et sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures, de sorte que la prescription abrégée n'était pas applicable à l'espèce ;

Attendu, d'autre part, que le moyen tiré d'un côté d'une prétendue reconnaissance de la part de l'Administration de la prescription abrégée et, de l'autre, des effets du premier redressement, ultérieurement abandonné, sur la durée de cette prescription, n'ont pas été présentés par les consorts X... devant les juges du fond ; qu'ils sont donc nouveaux et, mélangés de fait et de droit, irrecevables ;

Attendu, enfin, que l'acte de procédure, en vertu duquel l'Administration relève le manquement, ne constitue pas l'acte révélateur, au sens de l'article L. 180 du Livre des procédures fiscales, faisant courir la prescription abrégée ; que, par ce motif de pur droit, le jugement se trouve justifié au regard de la troisième branche du moyen ;

Que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais, sur le deuxième moyen :

Vu l'article 793.2.3° du Code général des impôts, en sa rédaction applicable à la cause ;

Attendu qu'aux termes de ce texte sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit les successions et donations entre vifs de biens donnés à bail à long terme dans les conditions prévues aux articles L. 416-1 à L. 416-6, L. 416-8 et L. 416-9 du Code rural ;

Attendu que, pour refuser d'accueillir la demande d'annulation des avis de mise en recouvrement de droits de mutation résultant d'un redressement fondé sur l'inapplicabilité de l'exemption légale des droits, en raison de l'âge du fermier, le jugement retient qu'il est de fait qu'à la date de la conclusion du bail litigieux, les preneurs, respectivement âgés de 72 et 75 ans, avaient " largement " dépassé l'âge de la retraite ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'application du régime fiscal prévu par l'article 793.2.3° du Code général des impôts n'est pas subordonnée par la loi à pareille condition d'âge, le Tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 5 mai 1994, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Péronne ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance d'Amiens.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 94-18085
Date de la décision : 10/06/1997
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Prescription - Prescription abrégée - Conditions - Révélation suffisante de l'exigibilité des droits - Donation - Bail à long terme antérieur - Age du preneur ou clause dérogatoire au statut.

1° Ayant relevé que, si les actes de donation de 1983 et 1984 portaient effectivement la référence du bail enregistré en 1982, dont l'existence conditionnait le régime fiscal applicable, ces actes ne donnaient aucune précision sur l'âge des preneurs ou l'insertion éventuelle de clauses dérogatoires au statut des baux à fermage de longue durée, un tribunal a pu en déduire que l'exigibilité des droits à percevoir n'avait pas été suffisamment révélée par les documents enregistrés et sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures, de sorte que la prescription abrégée n'était pas applicable.

2° IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Prescription - Prescription abrégée - Acte révélateur - Acte relevant le manquement (non).

2° L'acte de procédure en vertu duquel l'Administration relève le manquement ne constitue pas l'acte révélateur, au sens de l'article L. 180 du Livre des procédures fiscales, faisant courir la prescription abrégée.

3° IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Droits de mutation - Mutation à titre gratuit - Exonération - Domaine rural - Domaine ayant fait l'objet d'un bail de longue durée - Preneur - Age de la retraite dépassé.

3° Aux termes de l'article 793.2.3° du Code général des impôts, dans sa rédaction applicable en la cause, sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit les successions et donations entre vifs de biens donnés à bail à long terme dans les conditions prévues aux articles L. 416-1 à L. 416-6, L. 416-8 et L. 416-9 du Code rural. Viole dès lors ce texte un tribunal qui, pour refuser d'accueillir la demande d'annulation des avis de mise en recouvrement de droits de mutation résultant d'un redressement fondé sur l'inapplicabilité de l'exemption légale des droits, en raison de l'âge du fermier, retient qu'il est de fait qu'à la date de la conclusion du bail litigieux, les preneurs, respectivement âgés de 72 et 75 ans, avaient " largement " dépassé l'âge de la retraite, alors que l'application du régime fiscal prévu par l'article 793.2.3° du Code général des impôts n'est pas subordonnée par la loi à pareille condition d'âge.


Références :

3° :
CGI 793-2-3
Code rural L416-1 à L416-6, L416-8, L416-9

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Péronne, 05 mai 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 jui. 1997, pourvoi n°94-18085, Bull. civ. 1997 IV N° 181 p. 159
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 IV N° 181 p. 159

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Nicot, conseiller doyen faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Vigneron.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, M. Goutet.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:94.18085
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