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29/05/1997 | FRANCE | N°95-85759

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 mai 1997, 95-85759


CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Jean,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, 6e chambre, en date du 19 octobre 1995, qui l'a condamné, pour achats sans facture, à une amende de 3 000 francs et, pour importations sans déclaration de marchandise non prohibée, à une amende de 5 000 francs, au paiement d'une somme de 240 000 francs pour tenir lieu de confiscation, et au paiement de 37 500 francs de TVA éludée.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur les faits :
Attendu que Jean X..., qui exploite un c

ommerce de vêtements, a été renvoyé devant la juridiction correctionnelle, s...

CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Jean,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, 6e chambre, en date du 19 octobre 1995, qui l'a condamné, pour achats sans facture, à une amende de 3 000 francs et, pour importations sans déclaration de marchandise non prohibée, à une amende de 5 000 francs, au paiement d'une somme de 240 000 francs pour tenir lieu de confiscation, et au paiement de 37 500 francs de TVA éludée.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur les faits :
Attendu que Jean X..., qui exploite un commerce de vêtements, a été renvoyé devant la juridiction correctionnelle, sur le fondement des articles 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 412 du Code des douanes, pour s'être approvisionné en 1989 et 1990 auprès d'un fournisseur belge, sans effectuer de déclarations à l'importation et sans réclamer de factures ;
Qu'il a été condamné, de ces chefs, à une amende de 3 000 francs pour le délit de droit commun ainsi qu'à une amende de 5 000 francs, au paiement d'une somme de 150 000 francs pour tenir lieu de confiscation et au paiement d'une somme de 37 500 francs au titre de la TVA éludée, pour la contravention douanière ;
Que, sur appels de l'administration des Douanes, du ministère public et de Jean X..., la cour d'appel a confirmé le jugement entrepris, mais a porté le montant de la somme tenant lieu de confiscation à 240 000 francs ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 392, 407, 412, 414, 417, 418, 420, 426 du Code des douanes, 121-1, 121-4 du Code pénal, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement qui aurait déclaré le prévenu coupable du délit douanier d'importation sans déclaration de marchandise prohibée à Paris et sur le territoire national (arrêt p. 4 in fine et p. 23) ;
" aux motifs que, lors de la perquisition, le prévenu avait été trouvé détenteur de marchandises d'origine hollandaise, anglaise, tchèque, africaine et autrichienne ;
" alors, d'une part, que le tribunal n'a pas déclaré le prévenu coupable du délit douanier d'importation de marchandise prohibée, mais de la contravention douanière d'importation de marchandises non prohibée ou fortement taxée ; que cette contradiction prive l'arrêt attaqué de base légale ;
" alors, d'autre part, que, aux termes de l'article 414 du Code des douanes qui définit un délit douanier de première classe, sont passibles des sanctions édictées par ce texte tout fait de contrebande ou d'importation sans déclaration lorsque ces infractions se rapportent à des marchandises de la catégorie de celles qui sont prohibées ou fortement taxées au sens du présent Code ; qu'en revanche l'article 412 qui définit une contravention douanière de troisième classe, sont passibles des sanctions édictées par ce texte tout fait de contrebande ou d'importation se rapportant à des marchandises qui ne sont ni prohibées ni fortement taxées ; qu'il résulte de la prévention qui visait l'article 412 du Code des douanes qu'il était reproché au demandeur d'avoir importé des marchandises ni prohibées, ni fortement taxées, en l'espèce des coupons de tissus ; qu'en déclarant le prévenu coupable d'importation de marchandises prohibées, la cour d'appel a prononcé une condamnation illégale ;
" alors, enfin, qu'en déclarant le prévenu coupable du délit douanier d'importation sans déclaration de marchandise prohibée réprimée par l'article 414 du Code des douanes cependant que la prévention ne lui reprochait qu'une contravention d'importation sans déclaration de marchandise non prohibée ni fortement taxée réprimée par l'article 412 du même Code, la cour d'appel a excédé les limites de sa saisine et prononcé une déclaration de culpabilité illégale " ;
Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que, après avoir indiqué, par erreur, qu'il avait été condamné par le tribunal correctionnel pour le délit d'importations sans déclaration de marchandise prohibée, les juges du second degré aient confirmé le jugement entrepris le condamnant du chef d'une contravention douanière, dès lors que les sanctions prononcées en première instance et confirmées en appel entraient dans les limites des peines prévues, par l'article 412 du Code des douanes, pour la répression de la contravention d'importations sans déclaration de marchandises non prohibées dont il a été reconnu coupable ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 392, 407, 412, 417 du Code des douanes, 6. 3. a de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 388, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement qui aurait déclaré le prévenu coupable du délit douanier d'importation sans déclaration de marchandise prohibée à Paris et sur le territoire national ;
" aux seuls motifs que l'article 392 du Code des douanes disposait que le détenteur de marchandises de fraude était réputé responsable de la fraude et que l'article 407 prescrivait que le propriétaire des marchandises de fraude, ceux qui se sont chargés de les importer ou de les exporter, les intéressés à la fraude, les complices et adhérents étaient tous solidaires et contraignables par corps pour le paiement de l'amende et des sommes tenant lieu de confiscation et des dépens ;
" alors, d'une part, que la prévention, en ce qui concerne Jean X..., lui reprochait d'avoir importé sans déclaration des marchandises non prohibées et reposait exclusivement sur l'article 412 du Code des douanes qui réprime les contraventions douanières de troisième classe résultant des importations sans déclaration de marchandises non prohibées, ni fortement taxées ; qu'elle ne visait ni l'article 392 du Code des douanes qui fait du détenteur des marchandises de fraude le responsable de la fraude, ni l'article 407 du même Code ; qu'en entrant en voie de condamnation sur le fondement de ces textes à l'encontre de Jean X..., contre lequel aucun fait de détention n'avait été retenu par l'ordonnance de renvoi, la cour d'appel a excédé sa saisine et prononcé une condamnation illégale ;
" alors, d'autre part, que, aux termes de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tout accusé doit être informé de manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; qu'en l'espèce il est constant que la prévention n'a jamais visé les articles 392 et 407 du Code des douanes ; qu'ainsi la Cour ne pouvait, sans violer les droits de la défense, se fonder sur ces textes pour prononcer contre lui les pénalités douanières ;
" alors, enfin, et en tout état de cause, que, dans ses conclusions, le prévenu faisait valoir que, en vertu de l'article 399 du Code des douanes, la détention de marchandises de fraude ne peut être sanctionnée, lorsqu'elles ont été achetées sciemment, que si les marchandises proviennent d'un délit douanier, à l'exclusion de la contravention douanière ; que le seul texte qui aurait pu lui être appliqué était l'article 400 du Code des douanes qui renvoyait, pour les sanctions à ses manquements, à l'article 413 du Code des douanes qui avait été abrogé par la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen péremptoire des conclusions la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Attendu que, pour solliciter sa relaxe, le prévenu a fait valoir devant la cour d'appel que, n'ayant pas personnellement importé la marchandise visée à la prévention, mais s'étant borné à en faire l'acquisition à Paris auprès d'un tiers, seules les dispositions de l'article 400 du Code des douanes, dépourvues de sanctions, lui étaient applicables, à l'exclusion de toutes autres et notamment celles de la complicité ou de l'intéressement à la fraude qui supposaient l'existence, non d'une contravention, mais d'un délit ;
Attendu que, pour écarter les conclusions du prévenu et le déclarer coupable de la contravention d'importation de marchandises non prohibées, les juges du fond relèvent que le fournisseur belge a reconnu avoir négocié directement avec ses clients situés en France dont Jean X... la livraison régulière de lots de tissus et que les personnes qui s'étaient chargées de l'acheminement de la marchandise n'étaient que des convoyeurs ;
Que la cour d'appel en conclut que Jean X... en qualité de détenteur de la marchandise devait être tenu pour responsable de la fraude ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, nonobstant tous autres erronés mais surabondants, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, en application de l'arrêté ministériel du 24 décembre 1966 pris pour l'application des articles 86 et 392 du Code des douanes et du règlement 3632/ 85/ CEE du 12 décembre 1985, les détenteurs s'entendent des personnes qui, procédant à l'importation d'une marchandise, doivent effectuer la déclaration en détail de la marchandise ; qu'en vertu de l'article 4 de ce texte, les expéditeurs ou destinataires réels de la marchandise sont réputés détenteurs decelle-ci ;
Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 412, 414, 434 et 435 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu, conjointement avec Y..., à payer à l'administration des Douanes la somme de 240 000 francs pour tenir lieu de confiscation de la marchandise de fraude, sans ordonner la restitution des marchandises saisies ;
" alors, d'une part, que, aux termes de l'article 435 du Code des douanes, lorsque les objets ont été saisis, mais que l'administration des Douanes en fait la demande, le tribunal peut prononcer la condamnation au paiement d'une somme égale à la valeur représentée par les objets saisis d'après le cours du marché à la date à laquelle l'infraction a été commise ; qu'en fixant à 240 000 francs la somme que le prévenu serait tenu de payer à titre de confiscation sans s'expliquer sur la valeur des coupons de tissu saisis à la date à laquelle l'infraction aurait été commise, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, et en tout état de cause, que, dès lors qu'ils condamnent le prévenu à payer une somme pour tenir lieu de confiscation, les juges sont tenus d'ordonner la restitution de la marchandise saisie ; qu'en condamnant le prévenu à payer la somme de 240 000 francs pour tenir lieu de confiscation sans ordonner la restitution des coupons de tissu saisis, la cour d'appel a prononcé une condamnation illégale " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les juges répressifs ne peuvent prononcer, à raison de l'infraction dont ils sont saisis, qu'une seule fois les sanctions prévues par la loi ;
Attendu que, pour refuser de faire droit aux conclusions du prévenu qui sollicitait la restitution des mille coupons de tissus saisis lors de l'enquête et dont les premiers juges avaient ordonné la confiscation en valeur, la cour d'appel énonce que l'article 435 du Code des douanes permettait de prononcer, lorsque l'administration des Douanes en faisait la demande, la confiscation en valeur d'une marchandise, même lorsque celle-ci avait été préalablement saisie ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la condamnation au paiement d'une somme pour tenir lieu de confiscation de la marchandise, prévue à titre de sanction par l'article 412 du Code des douanes, implique, lorsque celle-ci a été préalablement saisie, la mainlevée de cette mesure et la restitution de la marchandise, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé et privé sa décision de base légale ;
Que, dès lors, la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, en date du 19 octobre 1995, mais en ses seules dispositions ayant refusé d'ordonner la mainlevée de la saisie effectuée sur mille coupons de tissus ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire,
ORDONNE la mainlevée de la saisie effectuée sur les mille coupons de tissus (objet du scellé 2 B) ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-85759
Date de la décision : 29/05/1997
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° DOUANES - Responsabilité pénale - Détenteur - Définition - Destinataire réel de la marchandise.

1° COMMUNAUTES EUROPEENNES - Règlements - Règlement n° 3632/85 du 12 décembre 1985 - Douanes - Responsabilité pénale - Détenteur - Définition - Destinataire réel de la marchandise.

1° Selon les dispositions combinées des articles 86 et 392 du Code des douanes, de l'arrêté ministériel du 24 décembre 1966 et du règlement 3632/85/CEE du 12 décembre 1985, la notion de " détenteur " de la marchandise englobe non seulement celui qui détient physiquement la marchandise, mais aussi les personnes qui, procédant à l'exportation ou à l'importation de la marchandise, doivent effectuer la déclaration en détail de celle-ci, et notamment les expéditeurs et destinataires réels de la marchandise.

2° DOUANES - Peines - Confiscation - Confiscation par équivalence - Prononcé - Condition - Mainlevée et restitution concomitante de la marchandise saisie.

2° CONFISCATION - Confiscation par équivalence - Douanes - Prononcé - Condition - Mainlevée et restitution concomitantes de la marchandise saisie.

2° La condamnation au paiement d'une somme pour tenir lieu de confiscation de la marchandise, prévue à titre de sanction par les articles 412 et 414 du Code des douanes, implique, lorsque celle-ci a été préalablement saisie, la mainlevée de cette mesure et la restitution de la marchandise(1).


Références :

1° :
2° :
Code des douanes 412, 414
Code des douanes 86, 392 Arrêté ministériel du 24 décembre 1966 Règlement CE 3632/85 1985-11-12

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 19 octobre 1995

CONFER : (2°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1996-03-21, Bulletin criminel 1996, n° 127, p. 369 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 mai. 1997, pourvoi n°95-85759, Bull. crim. criminel 1997 N° 214 p. 699
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1997 N° 214 p. 699

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. de Mordant de Massiac.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Boré et Xavier, la SCP Lesourd.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.85759
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