REJET des pourvois formés par :
- X... Claude,
- Y... Nelly,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, du 14 février 1996, qui les a condamnés, le premier, pour infraction au Code de la construction et de l'habitation et usage de faux, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 40 000 francs d'amende, la seconde, pour infraction au Code de la construction et de l'habitation, à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 18 000 francs d'amende, et qui a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Claude X... et sur le premier moyen proposé, dans les mêmes termes, pour Nelly Y... : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Claude X... : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Nelly Y..., pris de la violation des articles 112-1 et 121-3 du Code pénal, L. 423-11 du Code de la construction et de l'habitation, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Nelly Y... coupable d'infraction à l'article L. 423-11 du Code de la construction et de l'habitation ;
" aux motifs qu'embauchée fin 1971 par l'office public d'habitations à loyer modéré (OPHLM) d'Epinal, en qualité d'agent de bureau, Nelly Y... a passé avec succès le concours de rédacteur au début des années 1980 ; qu'elle était secrétaire du directeur de l'office depuis 1979 et assurait le secrétariat de séance des réunions du conseil d'administration, ainsi que celui de nombreuses autres réunions ; que, divorcée depuis 1983, elle est devenue la maîtresse de Claude X..., de qui elle a eu une fille née en 1987 ; que Nelly Y... a nié les faits qui lui étaient reprochés mais a été mise en cause par Claude X... dans les termes qui viennent d'être rappelés ; qu'il résulte du dossier et des débats qu'elle a bénéficié de réductions sur devis, travaux non facturés, factures non réclamées pour la somme de 39 476, 01 francs de la part de l'entreprise Z..., pour 11 500 francs de l'entreprise Bove, pour 5 000 francs de l'entreprise Hadol Carrelages, pour 134 000 francs de l'entreprise Grégoire et Denkel, et qu'elle a obtenu des appareils de " démonstration " neufs pour une valeur de 10 000 francs de l'entreprise SPIS et pour la même valeur de l'entreprise Bauche, ces entreprises ayant exécuté des travaux pour le compte de l'OPHLM d'Epinal ;
" alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 121-3 du Code pénal et L. 423-11 du Code de la construction et de l'habitation que, s'il est interdit à toute personne employée par les organismes à loyer modéré de recevoir directement ou indirectement, et sous quelque forme que ce soit, un avantage quelconque de la part des architectes et des entrepreneurs qui exécutent des travaux pour le compte de ces organismes, c'est à la condition que cet avantage soit perçu en connaissance de cause, c'est-à-dire, en premier lieu, que l'agent sache que l'entreprise effectue des travaux pour l'OPHLM et que, dès lors, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que Nelly Y... ait eu une telle connaissance, que ni ses fonctions ni ses relations personnelles avec le directeur de l'office n'impliquent nécessairement, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors que la violation en connaissance de cause de l'interdiction édictée par l'article L. 423-11 du Code de la construction et de l'habitation implique, en second lieu, la conscience chez l'agent de l'avantage qui est consenti et que ni les réductions sur devis, ni les travaux non facturés, ni les factures non réclamées n'impliquent en eux-mêmes une telle conscience, en sorte que, faute par l'arrêt de s'être expliqué sur cet élément essentiel du délit, la cassation est encourue ;
" alors que, dans ses conclusions régulièrement déposées devant la Cour, Nelly Y... faisait valoir notamment que l'entreprise Z... n'avait effectué aucuns travaux chez elle, puisque le gros oeuvre avait été réalisé par l'entreprise Grégoire et Denkel ; qu'elle était en procès pour cette raison avec M. Z... et que, la réclamation de celui-ci étant litigieuse, elle ne pouvait constituer un élément de l'infraction à l'article L. 423-11 du Code de la construction et de l'habitation ; que c'était par négligence qu'elle avait omis de régler la facture du 2 décembre 1988 de l'entreprise Bove, d'un montant de 11 500 francs ; que les appareils sanitaires qui lui avaient été fournis gratuitement l'avaient été par l'entreprise Porcher à Nancy, entreprise qui n'avait pas traité avec l'OPHLM d'Epinal, et non par la société SPIS ; qu'en ne répondant pas à ces chefs péremptoires des conclusions de la demanderesse la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Claude X..., pris de la violation des articles 112-1 et 121-3 du Code pénal, L. 423-11 du Code de la construction et de l'habitation, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Claude X... coupable d'infraction à l'article L. 423-11 du Code de la construction et de l'habitation ;
" alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 121-3 du Code pénal et L. 423-11 du Code de la construction et de l'habitation que, s'il est interdit à toute personne employée par des organismes d'habitations à loyer modéré de recevoir directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, un avantage quelconque de la part des architectes et des entrepreneurs qui exécutent des travaux pour le compte de ces organismes ou de leurs clients, c'est à la condition que cet avantage soit perçu en connaissance de cause, c'est-à-dire tout à la fois que l'agent ait su que l'entreprise avait effectué des travaux pour l'OPHLM et qu'il ait eu conscience de l'avantage qui lui était consenti, et que l'arrêt attaqué qui n'a caractérisé aucune des deux composantes de cet élément intentionnel à l'encontre de Claude X... n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer Claude X..., directeur de l'office public d'HLM d'Epinal, et Nelly Y..., sa secrétaire, coupables d'infraction à l'article L. 423-11 du Code de la construction et de l'habitation, les juges du second degré relèvent que celui-ci " n'a pas contesté avoir bénéficié d'un certain nombre d'avantages de la part des entreprises parce qu'il était directeur de l'office, reconnaissant que la plupart des entreprises qui lui avaient accordé des conditions travaillaient pour l'office ", et que, " vivant à l'époque avec Nelly Y... ", il ajoutait que " les bonnes conditions qui avaient été consenties à cette dernière par les entreprises, lors de la construction de sa maison, l'avaient été grâce à lui " ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, caractérisant l'élément moral de l'infraction reprochée, la cour d'appel, qui a répondu sans insuffisance aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Nelly Y... et le cinquième moyen de cassation proposé, dans les mêmes termes, pour Claude X..., pris de la violation des articles L. 423-11 du Code de la construction et de l'habitation, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement Claude X... et Nelly Y... à payer à titre de dommages-intérêts à l'OPHLM d'Epinal la somme de 493 447, 43 francs ;
" alors que seul un dommage certain découlant directement de l'infraction peut donner lieu à indemnisation devant les juridictions correctionnelles ; qu'en outre le dommage résultant d'une infraction doit être réparé sans perte ni profit pour chacune des parties et qu'en se référant à la considération générale abstraite et hypothétique selon laquelle l'office aurait " par le mécanisme même du marché négocié payé les avantages obtenus à titre personnel par son directeur et sa secrétaire " et en chiffrant arbitrairement le préjudice ainsi déterminé à 493 447, 43 francs, sans s'expliquer sur les bases de calcul qui avaient permis d'aboutir à cette évaluation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'en allouant à l'office public d'HLM d'Epinal une indemnité correspondant aux avantages de toute nature que Claude X... et Nelly Y... se faisaient consentir par les entreprises ayant passé des marchés négociés avec cet office la cour d'appel a justifié sa décision au regard des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale et n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions dont elle était saisie, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;
Qu'ainsi les moyens doivent être écartés ;
Sur le sixième moyen de cassation proposé pour Claude X..., pris de la violation des articles L. 423-11 du Code de la construction et de l'habitation et 2 et 3 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Claude X... à payer, au titre d'atteinte à la notoriété de l'OPHLM, la somme de 30 000 francs ;
" alors que l'atteinte à la notoriété ne découle pas directement du délit de corruption, en sorte que la cour d'appel a violé par fausse application les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ainsi que l'article L. 423-11 du Code de la construction et de l'habitation " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, faisant droit à la demande de l'office public d'HLM d'Epinal qui réclamait réparation de l'atteinte à la notoriété qu'il prétendait avoir subi du fait des agissements de Claude X..., la cour d'appel a condamné celui-ci à payer 30 000 francs à la partie civile ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que ce chef de réparation est justifié par l'infraction à l'article L. 423-11 du Code de la construction et de l'habitation commise par le prévenu au détriment de la partie civile, laquelle subissait de ce fait un préjudice moral personnel distinct du préjudice social résultant de la commission de l'infraction, l'arrêt attaqué n'encourt pas le grief allégué ;
Et attendu que la peine prononcée contre Claude X... et les réparations civiles mises à sa charge étant justifiées par la déclaration de culpabilité du chef de l'article L. 423-11 du Code de la construction et de l'habitation, il n'y a pas lieu d'examiner le quatrième moyen présenté par l'intéressé, contestant la déclaration de culpabilité du chef d'usage de faux ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.