REJET du pourvoi formé par :
- X... Roger,
contre l'arrêt de la cour d'assises de Paris, du 11 avril 1995, qui l'a condamné, pour usage de faux en écriture publique, à 5 ans d'emprisonnement dont 1 an avec sursis, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 112-2 et 441-4 du Code pénal, des articles 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 2 du protocole n° 7 additionnel à cette Convention, ensemble violation du principe d'égalité :
" en ce que la cour d'assises a retenu sa compétence pour connaître du délit reproché à Roger X... ;
" alors que la compétence de la cour d'assises avait été fixée par l'arrêt de renvoi rendu à une date à laquelle les faits reprochés à l'intéressé étaient qualifiés crimes par la loi ; que, cette infraction revêtant, depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, une qualification délictuelle, la cour d'assises qui a cependant retenu sa compétence a violé les textes susvisés " ;
Attendu que, selon l'article 231 du Code de procédure pénale, la cour d'assises a plénitude de juridiction et qu'elle est, dès lors, compétente pour connaître de toutes les infractions dont elle est régulièrement saisie, même si celles-ci, par l'effet d'une loi nouvelle, entrée en vigueur postérieurement à l'arrêt de renvoi, ne sont plus constitutives de crimes mais de délits au moment où elle est appelée à statuer ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 310 et 327 du Code de procédure pénale, de l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du principe de l'oralité des débats ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que le procès-verbal des débats mentionne : " M. le président a invité l'accusé à écouter avec attention la lecture de l'arrêt de renvoi et s'est conformé aux dispositions de l'article 327 du Code de procédure pénale " ; " le greffier a lu à haute et intelligible voix l'arrêt de renvoi ainsi que l'arrêt de la Cour de Cassation du 16 décembre 1992 et l'arrêt de la chambre d'accusation de Versailles du 26 mai 1993 " ;
" alors qu'à l'occasion de la formalité obligatoire de la lecture de l'arrêt de renvoi, préliminaire essentiel aux débats devant la cour d'assises, il ne doit être lu aucune autre pièce de la procédure ; qu'il résulte du dossier soumis à la Cour de Cassation qu'il existe un seul arrêt de renvoi, celui du 8 octobre 1991 rendu par la chambre d'accusation de la cour de Paris ; que l'arrêt de la chambre criminelle en date du 16 décembre 1992 statue uniquement sur les pourvois de Cécile Y..., veuve Z..., de Margaret Z..., épouse A..., et de Lionel Z..., parties civiles contre les dispositions de l'arrêt de renvoi déclarant irrecevable leur constitution de parties civiles et que l'arrêt de la cour de Versailles en date du 26 mai 1993 statue exclusivement dans les limites de la cassation intervenue ensuite de ces pourvois ; qu'en cet état le président ne pouvait, sans méconnaître l'étendue de son pouvoir discrétionnaire, laisser le greffier lire des actes de la procédure étrangers à l'arrêt de renvoi ;
" alors que la lecture prématurée à l'occasion de l'arrêt de renvoi de pièces de la procédure qui lui sont étrangères est incompatible avec le respect du principe de l'oralité des débats essentiel au procès devant la cour d'assises ;
" alors que la lecture surabondante au début de l'audience, avant tout débat, de décisions judiciaires rendues dans le seul intérêt des parties civiles n'a pu que porter atteinte aux intérêts de l'accusé et méconnaître le principe de l'égalité des armes et par conséquent les dispositions de l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ;
Attendu que le procès-verbal des débats constate que " le greffier a lu l'arrêt de renvoi ainsi que l'arrêt de la Cour de Cassation du 16 décembre 1992 et l'arrêt de la chambre d'accusation de Versailles du 26 mai 1993 " ;
Attendu que, si ces 2 derniers arrêts ne concernaient que la recevabilité des constitutions de partie civile, leur lecture s'imposait dès lors qu'ils modifiaient certaines dispositions de l'arrêt de renvoi devant la cour d'assises ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et suivants du Code de procédure pénale, des articles 112-2, 131-3, 131-4, 441-4, alinéa 1 et alinéa 2, du nouveau Code pénal, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que la cour d'assises a déclaré Roger X... coupable d'usage de faux en écriture publique et authentique en application de l'article 441-4, alinéa 1 et 2, du nouveau Code pénal, faits commis le 20 janvier 1978, de nature criminelle sous l'empire de l'ancien Code pénal et correctionnelle par le nouveau Code pénal ;
" alors, d'une part, que l'exception de prescription est d'ordre public ; qu'aux termes de l'article 112-2. 4° du nouveau Code pénal sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur, lorsque les prescriptions ne sont pas acquises, les lois relatives à la prescription de l'action publique et à la prescription des peines, sauf quand elles auraient pour résultat d'aggraver la situation de l'intéressé ; qu'il se déduit de ce texte que, lorsque des faits sont qualifiés crimes par un arrêt de renvoi sous l'empire de la loi ancienne, le président doit d'office poser à la cour d'assises la question relative à la prescription des faits qui lui sont déférés, question qui résulte nécessairement des débats en raison de la lecture de l'arrêt de renvoi, formalité essentielle du procès d'assises ;
" alors, d'autre part, que le demandeur est recevable à soulever pour la première fois l'exception de prescription de l'action publique devant la Cour de Cassation dès lors que celle-ci est en mesure de s'assurer, par l'examen de l'arrêt de renvoi dont le texte lu à l'audience publique fait corps avec l'arrêt pénal rendu par la cour d'assises, que le fait d'usage de faux en écriture publique ou authentique en date du 19 janvier 1978, objet de l'accusation, dès lors qu'il dégénérait en délit était prescrit dans la même mesure que le délit d'escroquerie en date du 30 mai 1980 également imputé à Roger X... en sorte que la cassation est encourue " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt de renvoi rendu par la chambre d'accusation que la prescription de l'action publique, relative au crime d'usage de faux en écritures publiques commis le 20 janvier 1978 et reproché à Roger X..., n'était pas acquise le 8 octobre 1991, date du prononcé de cet arrêt, lui-même interruptif de la prescription décennale ;
Que, par ailleurs, l'article 441-4 nouveau du Code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, qui punit de peines correctionnelles le fait poursuivi, s'il a substitué, à compter de cette date, le délai de prescription de 3 ans à celui de 10 ans, n'a pas eu pour effet de remettre en cause les actes interruptifs accomplis sous l'empire de la loi ancienne, notamment celui du 8 octobre 1991 ;
Que, dès lors, le demandeur ayant comparu devant la cour d'assises moins de 3 ans après le 1er mars 1994 et dans un délai total de moins de 10 ans depuis l'arrêt de mise en accusation, l'exception de prescription de l'action publique invoquée au moyen ne peut qu'être rejetée ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-2 et 441-4 du nouveau Code pénal, des articles 147, 148 et 153 de l'ancien Code pénal, de l'article 594 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a, sur le fondement de l'article 441-4 du nouveau Code pénal réprimant le faux et l'usage de faux en écritures publiques ou authentiques, condamné Roger X... à 5 années d'emprisonnement, dont une avec sursis, pour avoir, le 20 janvier 1978, sciemment fait usage, sachant qu'il était faux, d'un état hypothécaire, document émanant d'une administration publique et attestant des inscriptions figurant sur un registre de cette Administration, contrefait par apposition d'une signature au lieu et place de celle du conservateur des hypothèques et faisant faussement état d'une absence d'inscription d'hypothèque sur un immeuble ;
" alors que la compétence de la cour d'assises est fixée par l'arrêt de renvoi dont les dispositions sont définitives ; que, cependant, s'il y a contradiction dans le dispositif de l'arrêt de renvoi entre l'énoncé des faits de l'accusation et le visa des textes qui y figurent, la cour d'assises doit déterminer sa saisine à partir de l'énoncé des faits de la poursuite et rectifier le visa des textes dans son arrêt ; qu'en l'espèce Roger X... était renvoyé devant la cour d'assises sous l'accusation d'usage de faux commis dans un état hypothécaire, document délivré par une Administration aux fins de constater un droit ; que cependant, la chambre d'accusation avait visé les articles 147 et 148 de l'ancien Code pénal ; que ce visa était manifestement incompatible avec l'énoncé des faits qui ne pouvaient qu'être qualifiés de faux commis dans un document visé par une Administration conformément à l'article 153 de l'ancien Code pénal dont les dispositions ont été reprises par l'article 441-2 du nouveau Code pénal et que, dès lors, en fondant expressément sa condamnation sur l'article 441-4 du nouveau Code pénal visant les infractions de faux et usage de faux commis dans une écriture publique ou authentique réprimées par une peine plus sévère, la cour d'assises a violé les textes susvisés et méconnu sa saisine ;
" alors qu'importe peu que la peine prononcée à l'encontre de l'accusé n'excède pas le maximum applicable conformément à l'article 441-2 du nouveau Code pénal dès lors qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la Cour et le jury se sont déterminés par référence aux peines prévues par l'article 441-4 et que cette circonstance n'a pu qu'avoir une influence défavorable sur la décision relative à la peine prononcée à l'encontre de l'accusé " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt de la chambre d'accusation que Roger X... a été renvoyé devant la cour d'assises pour avoir fait usage d'un état hypothécaire falsifié, crime alors puni par l'article 148 ancien du Code pénal ;
Qu'en conséquence c'est à bon droit qu'après les réponses affirmatives de la Cour et du jury aux 2 questions qui leur étaient posées, l'une sur l'existence des faits, l'autre sur la nature d'écriture publique de l'état hypothécaire, il a été fait application des dispositions moins sévères de l'article 441-4 nouveau du Code pénal, réprimant les faits en cause de peines correctionnelles ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 362 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que la feuille des questions mentionne que la Cour et le jury ont délibéré sur la peine " ensemble sans désemparer conformément à la loi " sans mentionner que le président ait donné lecture aux jurés des dispositions des articles 132-18 et 132-24 du nouveau Code pénal et sans même indiquer que la Cour et le jury ont délibéré dans les conditions prévues à l'article 362 du Code de procédure pénale, ce qui ne permet pas à la Cour de Cassation de s'assurer que la délibération se soit déroulée selon les dispositions légales, la lecture des articles du nouveau Code pénal précité étant substantielle aux droits de la défense tant au regard des règles de droit interne que de l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu surtout de la suppression de la question relative à l'existence des circonstances atténuantes " ;
Attendu que la mention, dans la feuille de questions, que la Cour et le jury réunis ont délibéré conformément à la loi implique que leur délibération s'est déroulée selon les dispositions de l'article 362 du Code de procédure pénale prescrivant, en cas de réponse affirmative sur la culpabilité, la lecture aux jurés, par le président, des articles 132-18 et 132-24 du Code pénal, lesdits textes étant au demeurant visés dans l'arrêt de condamnation ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 107 du Code de procédure pénale :
" en ce que la question n° 3 comporte un renvoi qui n'a pas fait l'objet d'une approbation conjointe résultant de l'apposition des paraphes tant du président que du premier juré " ;
Attendu que la rédaction des questions étant l'oeuvre du seul président, l'approbation d'un renvoi les concernant nécessite son seul paraphe ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le septième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19 du Code pénal, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation du principe d'égalité :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé une peine correctionnelle qui n'est pas motivée " ;
Attendu que les dispositions de l'article 132-19, alinéa 2, du Code pénal ne sont pas applicables aux délibérations de la cour d'assises, lesquelles sont régies par l'article 362 du Code de procédure pénale ;
Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil et que la procédure est régulière ;
REJETTE le pourvoi.