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13/03/1997 | FRANCE | N°95-85034

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 mars 1997, 95-85034


ACTION PUBLIQUE ETEINTE et CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 15 juin 1995, qui l'a condamné à une amende de 3 000 francs et à la confiscation de l'objet de fraude, pour détournement d'un navire de plaisance de sa destination privilégiée, à une amende de 300 000 francs, pour défaut d'acquittement du droit de passeport, a ordonné le paiement des sommes de 318 174 francs et de 352 638 francs représentatives de la TVA et des droits de passeports

éludés.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défens...

ACTION PUBLIQUE ETEINTE et CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 15 juin 1995, qui l'a condamné à une amende de 3 000 francs et à la confiscation de l'objet de fraude, pour détournement d'un navire de plaisance de sa destination privilégiée, à une amende de 300 000 francs, pour défaut d'acquittement du droit de passeport, a ordonné le paiement des sommes de 318 174 francs et de 352 638 francs représentatives de la TVA et des droits de passeports éludés.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur l'action pour l'application des sanctions fiscales :
Attendu qu'il appert d'un extrait des registres de l'état civil de la commune de Mougins, régulièrement produit, que X... est décédé le 16 janvier 1997 ;
Qu'il y a lieu, de ce fait, en application de l'article 6 du Code de procédure pénale, de constater l'extinction de l'action pour l'application des sanctions fiscales exercées contre lui et ayant conduit au prononcé de 2 amendes de 3 000 et 300 000 francs ;
Sur l'action en recouvrement des droits fraudés et sur la confiscation :
Attendu que l'intéressé a été condamné, sur le fondement de l'article 377 bis du Code des douanes, au paiement de 318 174 francs de TVA et de 352 638 francs de droits de passeport, sommes qui, n'ayant pas le caractère d'une pénalité, peuvent être mises à la charge des ayants droit du contrevenant ;
Qu'il a, en outre, été condamné à la confiscation de son navire de plaisance, mesure qui peut être également, en application de l'article 344 du Code des douanes, mise à la charge de la succession ;
Qu'en conséquence, il échet de statuer de ces chefs sur le pourvoi ;
Sur les faits :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt, du jugement et des procès-verbaux, bases des poursuites, que X..., résident belge, a acquis en 1976 un navire de plaisance qu'il a mis à l'ancre dans le port de La Napoule, en sollicitant le bénéfice du régime de l'importation en franchise temporaire, prévu par l'article 196 bis du Code des douanes et l'arrêté ministériel du 21 novembre 1963, en faveur des objets destinés à l'usage personnel des non-résidents qui viennent séjourner temporairement dans le territoire douanier national ;
Qu'il a maintenu le navire sous ce régime de 1976 à 1992 ;
Qu'ayant constaté, en 1992, à l'issue d'un contrôle a posteriori, que l'intéressé aurait dû procéder, dès 1985, à l'importation définitive de ce navire, en raison de son transfert de résidence de Belgique en France, l'administration des Douanes l'a cité devant le tribunal de police, sur le fondement des articles 411 et 412 du Code des douanes, pour avoir, de 1985 à 1992, " abusé du régime de l'importation en franchise temporaire " et pour n'avoir pas acquitté, de 1990 à 1993, le droit annuel de passeport auquel le navire était assujetti ;
Que le tribunal de police a condamné X..., pour détournement de destination privilégiée, à 3 000 francs d'amende et au paiement de 318 174 francs de TVA et, pour défaut de paiement du droit de passeport, à 300 000 francs d'amende et au paiement de 352 638 francs de droits éludés ;
Que, sur appels de l'Administration et du prévenu, les juges du second degré ont confirmé le jugement entrepris et ont prononcé la confiscation du navire ;
En cet état:
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 369 du Code des douanes et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la cour d'appel s'est abstenue de répondre au chef péremptoire de défense que le prévenu tirait de sa bonne foi en faisant valoir notamment qu'il croyait avoir la qualité de résident belge, que lui avait reconnue l'administration fiscale quelques années auparavant, et qu'il possédait en Belgique " ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de la directive communautaire 83/182 du 28 mars 1983, des articles 196 bis, 238 et 412.5° du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, et défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que X... a été déclaré coupable des contraventions de non-paiement des droits de passeport et détournement de destination privilégiée ;
" aux motifs que les auditions des divers témoins par le premier juge, lors du supplément d'information, devaient corroborer les éléments recueillis par les agents des Douanes, à savoir que la résidence principale de X... était bien située à Mougins depuis de nombreuses années et notamment depuis 1988 ; que c'est donc à juste titre que X... a été considéré comme résident français au sens douanier du terme, quand bien même aurait-il été considéré (de 1980 à 1983 ainsi qu'il résulte du seul document produit à cet égard) par l'administration fiscale, dont les critères d'appréciation sont différents, résident belge ;
" alors que la résidence normale correspond au centre permanent des intérêts de la personne concernée ; qu'en déterminant le lieu de résidence de X..., de nationalité belge, en fonction des durées respectives de ses séjours en France et en Belgique, sans examiner les éléments propres à faire apparaître où était situé le centre de ses intérêts, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que le prévenu a fait valoir devant les juges du fond que, l'administration fiscale française lui ayant reconnu ce statut pour les années 1980 à 1983, il avait cru de bonne foi être résident belge ;
Attendu que, pour écarter ce chef de conclusions et faire application au prévenu de la réglementation visée à la prévention, les juges du fond énoncent que la qualité de non-résident ne lui a été reconnue que pour une période où, travaillant à Bruxelles pendant plus de la moitié de l'année, il ne possédait en France qu'une résidence secondaire ; qu'ils ajoutent qu'ainsi X... n'a pu se méprendre sur ses obligations après 1985, date à laquelle il a, en prenant sa retraite à Mougins, transféré le centre de ses intérêts économiques et personnels ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, caractérisant le lieu où le prévenu avait sa résidence habituelle au sens des réglementations nationale et communautaire, la cour d'appel, qui a ainsi implicitement mais nécessairement écarté l'excuse de bonne foi avancée par l'intéressé, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation de l'article 95 du Traité des Communautés européennes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que X... a été déclaré coupable de la contravention de non-paiement du droit de passeport ;
" aux motifs que X... est mal fondé à soutenir que le droit de passeport qui lui est réclamé constitue une taxe discriminatoire contraire au droit communautaire au motif qu'il n'est supporté que par les seuls navires étrangers ; qu'en effet le droit de passeport, qui représente en réalité le pendant du droit de francisation supporté par les bateaux qui naviguent sous pavillon français (articles 217 et 223 du Code des douanes), est d'ailleurs calculé selon les mêmes modalités (article 238 du Code des douanes) ;
" alors qu'en statuant ainsi sans rechercher comme elle y était invitée si le droit de passeport ne constituait pas une taxe discriminatoire prohibée du fait que, calculé comme le droit de francisation, il n'ouvre pas le bénéfice des avantages attachés à celui-ci suivant les dispositions des articles 217 et suivants du Code des douanes, la cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa décision " ;
Attendu que X... a également soutenu que le droit de passeport, dont l'Administration exigeait le paiement, était discriminatoire, en ce qu'il était exclusivement imposé aux propriétaires de navires étrangers, et, comme tel, contraire à l'article 95 du Traité des Communautés européennes ;
Attendu que, pour écarter les conclusions du prévenu et le déclarer coupable de non-paiement du droit de passeport, la cour d'appel énonce qu'étant appliquée et calculée selon les mêmes modalités que le droit de francisation exigé des navires français, ladite taxe n'est en rien discriminatoire et que, l'intéressé ayant établi sa résidence en France, il aurait dû s'en acquitter chaque année ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'elle n'avait pas à répondre mieux qu'elle ne l'a fait aux conclusions dont elle était saisie, l'intéressé ne démontrant pas en quoi l'assujettissement au droit de passeport était plus défavorable que l'imposition au droit de francisation, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 351, 354 et 412.5° du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la cour d'appel a déclaré X... coupable de la contravention de détournement de destination privilégiée, l'a condamné à une amende de 3 000 francs ainsi qu'au paiement de la somme de 318 174 francs au titre de la TVA éludée, et a prononcé la confiscation du navire ;
" aux motifs que la résidence normale de X... depuis l'année 1985 est la France ; que l'abus au régime de l'importation en franchise temporaire du navire Jupiter est une infraction continue qui se manifeste par la réitération des déclarations de X... et de ses demandes de maintien au bénéfice du régime de l'importation temporaire par souscription de titres de séjour les 14 septembre 1987, 7 septembre 1988, 13 octobre 1989, 12 octobre 1990 et 29 juillet 1991 ; que le point de départ de la prescription se situe au jour où cesse l'activité délictueuse, soit le 29 juillet 1991 ;
" alors que la contravention de détournement de destination privilégiée et l'action en paiement des droits éludés se prescrivent à compter de la date de l'événement ou de l'apparition de la situation qui ont rendu le contrevenant redevable des droits éludés ; que, dès lors, la cour d'appel, qui constatait que X... avait sa résidence normale en France depuis 1985 de sorte qu'il était débiteur depuis cette date de la TVA afférente à son navire introduit en France sous le régime de la franchise temporaire, a violé les textes mentionnés ci-dessus " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que le détournement de marchandises de leur destination privilégiée, au sens des articles 412.5° ou 427.5° du Code des douanes, ne s'entend que de l'utilisation de ces marchandises à des fins autres que celles pour lesquelles leur importation a été autorisée ;
Attendu que, prévenu d'avoir " abusé du régime de l'importation en franchise temporaire ", X... a fait valoir que cette qualification pénale n'était prévue par aucun texte et que l'importation sans déclaration, qui pouvait résulter de la méconnaissance de la réglementation qui lui était applicable par suite de son changement de résidence, à la supposer établie, était prescrite, en 1992, au moment de sa constatation ;
Attendu que, pour écarter les conclusions du prévenu et le condamner notamment à la confiscation du navire et au paiement de la TVA due sur la valeur résiduelle du navire à la date de son importation, les juges énoncent que le fait d'avoir maintenu son navire sous le régime de l'importation en franchise temporaire, après 1985, date à laquelle il aurait dû procéder à la déclaration de son importation définitive, constitue en réalité un détournement de destination privilégiée ;
Qu'ils ajoutent que cette contravention est une infraction continue qui se manifeste par la réitération de demandes de maintien sous ce régime et prend fin au jour où cesse " l'activité délictueuse " ;
Mais attendu qu'en requalifiant ainsi les faits, alors que le prévenu s'était vu reconnaître, en application des articles 196 bis du Code des douanes et 11 de l'arrêté ministériel du 21 novembre 1963 pris pour l'application de ce texte, le droit d'introduire son navire dans les eaux territoriales à la condition de s'en réserver l'usage personnel, sans le louer ni le vendre, et alors qu'il n'était reproché à l'intéressé aucune utilisation de son navire à d'autres fins que celles autorisées, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Et attendu qu'il ne reste plus rien à juger, les faits constatés caractérisant une importation sans déclaration de marchandise non prohibée, couverte par la prescription pour avoir été commise plus de 3 ans au jour de sa constatation ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les quatrième et sixième moyens proposés :
DECLARE l'action publique ÉTEINTE en ce qui concerne les amendes fiscales prononcées ;
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 15 juin 1995, en ses seules dispositions condamnant X..., pour détournement d'une marchandise de sa destination privilégiée, à la confiscation de son navire de plaisance et au paiement de 318 174 francs de TVA, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-85034
Date de la décision : 13/03/1997
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° DOUANES - Procédure - Pourvoi en cassation - Décès du prévenu - Action publique - Extinction - Effet.

1° DOUANES - Procédure - Action publique - Extinction - Décès du prévenu - Effet 1° CASSATION - Pourvoi - Décès du prévenu - Effet - Action publique - Extinction - Dérogation - Amende fiscale - Droits éludés - Mise à la charge des ayants droit.

1° Le principe de la personnalité des peines interdisant de poursuivre le délinquant après son décès ou de suivre la procédure contre ses héritiers, la chambre criminelle doit constater l'extinction de l'action publique en cas de décès du prévenu en cours d'instance de cassation(1). Toutefois, s'il reste des intérêts civils en cause lesquels peuvent être mis à charge des héritiers , la Cour de Cassation demeure compétente pour prononcer à leur égard(2). En conséquence, s'il éteint, en matière douanière, les actions pour l'application des peines et des sanctions fiscales prévues à l'article 343 du Code des douanes, le décès du prévenu en cours d'instance ne dispense pas les juges de statuer sur l'action en recouvrement des droits et taxes éludés, visée à l'article 377 bis de ce Code, ces droits pouvant être mis à charge de la succession(3)(3).

2° DOUANES - Importation sans déclaration - Marchandises - Détournement de leur destination privilégiée - Admission sous franchise temporaire - Utilisation d'une marchandise à des fins autres que celles par lesquelles leur importation a été autorisée.

2° Le détournement de marchandises de leur destination privilégiée, au sens des articles 412.5° et 427.5° du Code des douanes, ne s'entend que de l'utilisation de ces marchandises à des fins autres que celles pour lesquelles leur importation a été autorisée dans le cadre des opérations privilégiées visées au titre VII du Code des douanes(4). Le fait de maintenir un navire de plaisance sous le régime de l'importation en franchise temporaire réservé, par l'article 196 bis du Code des douanes, aux objets destinés à l'usage personnel des voyageurs séjournant temporairement sur le territoire douanier, lorsque les conditions de durée de séjour requises pour l'octroi d'un tel régime ne sont plus remplies, constitue, non un détournement d'une marchandise de sa destination privilégiée, mais l'infraction d'importation sans déclaration.


Références :

1° :
2° :
Code des douanes 343, 377
Code des douanes 412.5°, 427.5°, 196 bis

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 15 juin 1995

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1969-01-21, Bulletin criminel 1969, n° 37, p. 85 (rétractation d'arrêt), et les arrêts cités. CONFER : (1°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1978-05-29, Bulletin criminel 1978, n° 169, p. 430 (cassation partielle). CONFER : (1°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1972-10-04, Bulletin criminel 1972, n° 267, p. 694 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1972-12-07, Bulletin criminel 1972, n° 383, p. 962 (cassation partielle). CONFER : (1°). (3) A rapprocher : Chambre criminelle, 1990-10-08, Bulletin criminel 1990, n° 334, p. 842 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1991-10-21, Bulletin criminel 1991, n° 360, p. 898 (non-lieu à statuer)

arrêt cité. CONFER : (2°). (4) Cf. Chambre criminelle, 1964-05-22, Bulletin criminel 1964, n° 167, p. 365 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1965-12-02, Bulletin criminel 1965, n° 262, p. 591 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1970-11-25, Bulletin criminel 1970, n° 310, p. 756 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 mar. 1997, pourvoi n°95-85034, Bull. crim. criminel 1997 N° 104 p. 342
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1997 N° 104 p. 342

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Culié, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Cotte.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. de Mordant de Massiac.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Boré et Xavier, la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.85034
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