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25/02/1997 | FRANCE | N°94-19321

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 25 février 1997, 94-19321


Attendu que Abdallah Y..., né en 1917 à Mironstsy (Anjouan), est décédé le 16 septembre 1975 à Mayotte ; que, le 16 décembre 1991, le Cadi de Dzaoudzi a dressé un acte de partage des immeubles dépendant de sa succession ; que cet acte a été contesté par B..., Ahmed, Attoumani et Amina X... (les consorts B...
X...) qui, bien que se prétendant enfants du défunt, avaient été exclus du partage ; que, par jugement du 28 novembre 1992, le tribunal du Grand Cadi de Mayotte a décidé qu'en l'absence de preuve de l'existence d'autres mariages que ceux dont sont issues les parties à

l'acte de partage, celui-ci doit rester en l'état, mais que les cons...

Attendu que Abdallah Y..., né en 1917 à Mironstsy (Anjouan), est décédé le 16 septembre 1975 à Mayotte ; que, le 16 décembre 1991, le Cadi de Dzaoudzi a dressé un acte de partage des immeubles dépendant de sa succession ; que cet acte a été contesté par B..., Ahmed, Attoumani et Amina X... (les consorts B...
X...) qui, bien que se prétendant enfants du défunt, avaient été exclus du partage ; que, par jugement du 28 novembre 1992, le tribunal du Grand Cadi de Mayotte a décidé qu'en l'absence de preuve de l'existence d'autres mariages que ceux dont sont issues les parties à l'acte de partage, celui-ci doit rester en l'état, mais que les consorts B...
X... sont codonataires de la propriété dite " Réhémani la ferme " laquelle, par acte du 29 décembre 1971, avait été constituée en " Waqf " par le défunt ; que, sur les pourvois formés, le tribunal supérieur d'appel, statuant en chambre d'annulation musulmane, s'est déclaré incompétent au motif que le litige portait sur des biens immobiliers d'une valeur supérieure à 2 000 francs, et a renvoyé l'affaire devant le tribunal supérieur d'appel statuant en formation ordinaire ; que cette juridiction a décidé que les consorts B...
X... sont les enfants d'Abdallah Y..., qu'ils doivent être appelés à sa succession, et que la donation-partage du 29 décembre 1971, intitulée " acte de Waqf ", est valable ;

Sur la première branche du premier moyen :

Vu l'article 75 de la Constitution ;

Attendu qu'aux termes de ce texte les citoyens de la République qui n'ont pas le statut civil de droit commun conservent leur statut personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé ;

Attendu que, pour statuer comme il a fait, le Tribunal, après avoir constaté que les extraits d'actes de naissance de B..., d'Ahmed, et d'Attoumani indiquent qu'ils sont fils d'Abdallah Y..., a retenu qu'ils avaient la possession d'état d'enfant légitime conformément aux articles 311-1 et 311-2 du Code civil et à l'article 320 du même Code ; qu'il a aussi retenu que la possession d'état d'enfant légitime d'Amina résultait du mariage d'Abdallah Y... avec Augustine A... ;

Attendu, cependant, qu'en se fondant sur les dispositions du droit civil pour établir la filiation des consorts B... Abdallah Z..., qui n'avait pas constaté que les intéressés avaient renoncé à leur statut personnel, a violé les dispositions du texte susvisé ;

Et sur les troisième et quatrième branches du deuxième moyen :

Vu l'article 75 de la Constitution et les règles du statut civil de droit local applicable en la cause ;

Attendu que, pour décider que les consorts B...
X... avaient la même vocation successorale que les héritiers figurant à l'acte de partage de 1991, le Tribunal a retenu qu'il importait peu de savoir, compte tenu de la polygamie autorisée en droit musulman, si la filiation des consorts B...
X... était légitime ou naturelle puisque cette qualité n'avait aucune influence sur les droits successoraux ;

Attendu, cependant, que le droit musulman connaissant uniquement la filiation légitime, la qualité d'héritier d'Abdallah Y... dépendait de l'établissement de cette filiation à son égard ; qu'en se fondant sur la légalité de la polygamie, en droit musulman, pour en déduire que tous les enfants nés de ses oeuvres avaient qualité pour lui succéder, sans vérifier, comme il était invité à le faire, si les consorts B...
X... étaient nés des mariages réguliers de leur père, le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur la première branche du troisième moyen :

Vu l'article 75 de la Constitution et les règles du statut civil de droit local applicable en la cause ;

Attendu que, pour décider que la donation-partage du 29 décembre 1971, intitulée " acte de Waqf ", est valable et doit produire tous ses effets, l'arrêt attaqué, après avoir relevé que l'acte n'était pas signé, énonce que les témoins en avaient confirmé la réalité et que le donateur s'était ouvert auprès d'eux de sa volonté de doter tous ses enfants ;

Attendu qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme il y était invité, si était rapportée la preuve de ce que le constituant s'était, de son vivant, effectivement dessaisi, le Tribunal a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mars 1994, entre les parties, par le tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou (Mayotte) ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou (Mayotte), autrement composé.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 94-19321
Date de la décision : 25/02/1997
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° CONFLIT DE LOIS - Statut personnel - Filiation - Etablissement - Loi applicable - Citoyens de la République n'ayant pas renoncé à leur statut personnel - Application des dispositions du droit civil (non).

1° DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER (y compris les collectivités territoriales) - Territoires - Mayotte - Filiation - Etablissement - Loi applicable - Citoyens de la République n'ayant pas renoncé à leur statut personnel - Dispositions du droit civil - Application (non).

1° Aux termes de l'article 75 de la Constitution, les citoyens de la République qui n'ont pas le statut civil de droit commun conservent leur statut personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé. Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui se fonde sur les dispositions du droit civil pour établir la filiation de personnes de statut personnel sans constater que les intéressés avaient renoncé à celui-ci.

2° DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER (y compris les collectivités territoriales) - Territoires - Mayotte - Statut personnel - Mariage - Polygamie - Légalité en droit musulman - Effets - Enfants nés d'un père polygame - Qualité d'héritier à son égard - Conditions - Caractère régulier du mariage de leur père.

2° SUCCESSION - Enfant naturel - Vocation successorale - Mayotte - Exclusion par le droit musulman applicable 2° DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER (y compris les collectivités territoriales) - Territoires - Mayotte - Statut personnel - Succession - Enfant naturel - Vocation successorale (non).

2° Ne donne pas de base légale à sa décision le Tribunal qui se fonde sur la légalité de la polygamie, en droit musulman, pour en déduire que tous les enfants nés des oeuvres d'une personne soumise au statut civil de droit local de Mayotte avaient qualité pour succéder à celle-ci, sans vérifier, comme il était invité à le faire, si les enfants étaient nés des mariages réguliers de leur père.

3° DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER (y compris les collectivités territoriales) - Territoires - Mayotte - Statut personnel - Donation-partage - Acte de Waqf - Validité - Dessaisissement du donateur de son vivant - Recherche nécessaire.

3° Prive sa décision de base légale au regard des règles du statut civil de droit local de Mayotte, applicable en la cause, le Tribunal qui décide qu'une donation-partage intitulée " acte de Waqf " est valable, sans rechercher, comme il y était invité, si était rapportée la preuve de ce que le constituant s'était, de son vivant, effectivement dessaisi.


Références :

1° :
Constitution du 04 octobre 1958 art. 75

Décision attaquée : Tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou Mayotte, 29 mars 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 25 fév. 1997, pourvoi n°94-19321, Bull. civ. 1997 I N° 67 p. 43
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 I N° 67 p. 43

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey .
Avocat général : Avocat général : M. Roehrich.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Savatier.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Delaporte et Briard, M. Blondel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:94.19321
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