Attendu que M. Henri X... a souscrit un emprunt d'un montant de 200 000 francs auprès de la Société lyonnaise de banque (SLB) en vue duquel celle-ci a adressé au notaire chargé d'établir le contrat, M. Y..., le 1er juin 1988, un projet d'acte portant référence à une assurance couvrant les risques décès-invalidité et dont les conditions devaient être exposées dans un document dénommé " bon de consentement " annexé à l'acte principal ; que l'acte authentique de prêt avec garantie hypothécaire a été signé le 7 décembre 1988, la SLB ayant donné pouvoir à M. Y... de la représenter ; qu'Henri X... étant décédé le 3 mars 1989 il est apparu que l'assurance qui devait garantir les obligations de l'emprunteur auprès de la banque n'avait pas été souscrite ; que les héritiers du défunt ont agi en responsabilité contre la SLB, laquelle a appelé M. Y... en garantie ; que l'arrêt attaqué, retenant la reponsabilité de l'établissement de crédit, l'a condamné à une indemnisation égale au montant de la créance revendiquée par la banque, soit une somme de 302 501,56 francs, et a condamné M. Y... à le garantir à hauteur de la moitié de cette condamnation ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi condamné la SLB et de l'avoir condamné lui-même à garantir celle-ci alors que, d'une part, en affirmant qu'il appartenait à un établissement de crédit prêteur de provoquer l'adhésion de l'emprunteur à l'assurance groupe accessoire au contrat de prêt ou d'enregistrer son refus, la cour d'appel aurait violé les articles R. 140-1 et suivants du Code des assurances, par fausse interprétation ; et alors que, d'autre part, en se bornant à affirmer, par des motifs abstraits et généraux, que la garantie litigieuse était de nature à justifier le consentement ou le refus de consentement de l'emprunteur, sans rechercher si, informé de l'absence d'une telle garantie, l'emprunteur aurait demandé et obtenu qu'une telle convention d'assurance soit souscrite, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que la SLB avait adressé au notaire un projet d'acte mentionnant l'existence d'une assurance sans effectuer préalablement les démarches qui s'imposaient bien qu'il lui incombât de mettre en oeuvre ce contrat d'assurance de groupe, la cour d'appel a pu considérer que la banque avait ainsi commis une faute ; qu'ensuite, après avoir relevé que la garantie apportée par une telle assurance au remboursement du prêt est un élément déterminant du consentement au contrat de prêt souscrit par l'emprunteur, elle a constaté que la SLB ne produisait aucune pièce de nature à établir que l'emprunteur n'était pas susceptible de bénéficier d'une telle assurance au mois de décembre 1988 ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision, sans avoir à faire la recherche invoquée par le moyen, qui n'est donc fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir indemnisé les consorts X... comme il a fait, alors que, en octroyant aux demandeurs à l'action en responsabilité, au titre de la réparation d'une perte de chance, une indemnité équivalente au montant des sommes dues à la SLB, la cour d'appel aurait violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que, ayant relevé que les fautes commises par la SLB avaient entraîné pour les héritiers X... un dommage certain consistant dans l'obligation de payer les sommes dues à la banque sans pouvoir prétendre à une prise en charge du règlement par une compagnie d'assurances, la cour d'appel a caractérisé un dommage qui n'était pas constitutif d'une perte de chance ; que le moyen qui critique une énonciation surabondante de l'arrêt est inopérant ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que M. Y... reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamné à garantir la SLB alors que, en affirmant que le notaire avait l'obligation de vérifier la véracité des affirmations de la banque selon laquelle une assurance garantissant le remboursement du prêt avait été souscrite, et d'attirer son attention sur leur apparente fausseté, la cour d'appel aurait violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant, sans affirmer qu'un notaire soit tenu de garantir une banque des affirmations erronées qu'elle fait en tant que professionnel du crédit, relevé, d'abord, que l'officier public avait fait signer un contrat de prêt auquel n'était pas joint le document relatif à l'assurance bien que la jonction de celui-ci audit contrat fût expressément mentionnée dans l'acte établi par lui et que pour autant il n'avait pas attiré l'attention de l'établissement de crédit sur l'apparente absence de régularisation du contrat d'assurance décès-invalidité, et ensuite que les fautes qu'il avait commises dans l'exécution du mandat qui lui avait été confié par la SLB étaient en relation directe de causalité avec le préjudice subi par elle, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que M. Y... était tenu à garantie vis-à-vis de cette banque ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour fixer le montant de l'indemnisation due aux consorts X..., la cour d'appel a énoncé que les fautes commises par la SLB ont entraîné pour les héritiers X... un dommage certain et estimable qui consiste en l'obligation de payer les sommes dues à la banque sans pouvoir prétendre à une prise en charge du règlement par une compagnie d'assurances et qu'en l'absence de toute contestation quant au montant des sommes dues cette perte de chance doit être réparée à concurrence de la créance revendiquée par la SLB ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Y... qui faisaient valoir devant elle que le Tribunal ne pouvait retenir le montant total du découvert du compte de M. Henri X... comme constituant le préjudice, d'autant que le prêt litigieux d'un montant de 200 000 francs seulement n'aurait évidemment pas totalement comblé le découvert qui se montait à 302 501,56 francs, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé l'indemnisation des consorts X... au montant de la créance revendiquée par la banque, l'arrêt rendu le 28 juin 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.