REJET du pourvoi formé par :
- l'administration des Douanes, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 16 février 1995, qui, dans les poursuites exercées contre Jean X..., et autres, a relaxé les prévenus et l'a déboutée de ses demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 399, 414, 426 § 4 et 5, 435, 437, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus des fins de la poursuite ;
" aux motifs que s'il est exact que les divers déclarants en douane ont remis à l'appui de leurs déclarations les connaissements qui leur avaient été fournis par les importateurs poursuivis, on ne saurait soutenir de façon péremptoire que ces documents sont des faux manifestes ; qu'on ne peut considérer que les sociétés importatrices ont produit des connaissements faussement datés du 12 octobre 1982 afin d'établir que les navires avaient quitté Izmir avant le 14 octobre 1982 ; qu'un document émanant des autorités turques révèle que la marchandise n'avait pu quitter le territoire turc à la date figurant sur les connaissements ; qu'il n'a pas été celé que les raisins avaient quitté le port d'Izmir après le 14 octobre 1982 ; que le délit n'est pas établi, faute d'élément matériel caractérisé, la preuve n'étant pas rapportée que les prévenus aient donné au commissionnaire en douane des instructions en vue de les faire indûment bénéficier de l'exemption de taxe ;
" alors que toute importation de raisins secs après le 14 octobre 1982 donnait lieu au paiement d'une taxe compensatoire ; que la cour d'appel a déclaré, d'une part, que les prévenus n'avaient pas produit des connaissements faussement datés du 12 octobre 1982 afin d'établir que les navires avaient quitté Izmir avant le 14 octobre 1982 et qu'il était établi par des documents que les marchandises n'avaient pu quitter le territoire turc à la date figurant sur les connaissements et que les raisins secs avaient quitté Izmir après le 14 octobre 1982 ; qu'en statuant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors qu'il était reproché aux prévenus d'avoir procédé à des importations de raisins secs turcs en utilisant de faux documents (date mensongère portée sur les connaissements) dans le but d'éluder le paiement de la taxe compensatoire ; que la cour d'appel a déclaré qu'au vu des documents établis par les autorités turques les marchandises n'avaient pu "à l'évidence" quitter le territoire turc à la date figurant sur les connaissements (12 octobre 1982) et qu'il n'avait donc pas été celé à la demanderesse que les raisins avaient quitté la Turquie après le 14 octobre 1982 ; que la remise de ces documents à la demanderesse avec les connaissements était inopérante pour faire échapper les prévenus à leur culpabilité, établie d'ailleurs par ces documents ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par un motif inopérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 369-4, 377 bis du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la cour d'appel a débouté l'administration des Douanes de sa demande en paiement des droits et taxes éludés ;
" aux motifs que le délit reproché n'étant pas caractérisé c'est en vain que l'administration des Douanes sollicite la condamnation des prévenus au paiement des droits et taxes éludés en visant l'article 369-4 du Code des douanes, lequel ne peut recevoir application que lorsque les éléments constitutifs du délit sont réunis ;
" alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 369-4 et 377 bis du Code des douanes que la juridiction répressive, lorsqu'elle est saisie d'une demande de l'administration des Douanes, ne peut, même en cas de relaxe, dispenser le redevable du paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues ; qu'en déboutant la demanderesse de sa demande en paiement des droits éludés aux motifs que les prévenus étaient relaxés la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que 11 sociétés et leurs dirigeants respectifs, à l'origine de la mise sur le marché national de raisins secs importés au moment de l'entrée en vigueur du règlement CEE/2742/82 du 13 octobre 1982 instituant une taxe compensatoire sur ces produits, sont poursuivis par l'administration des Douanes, sur le fondement de l'article 426.4° du Code des douanes, pour avoir fait, entre le 20 et le 29 octobre 1982, de fausses déclarations en douane ou s'être livrés à des manoeuvres frauduleuses en vue de bénéficier des mesures transitoires d'exonération prévues à l'article 8 du règlement précité pour les cargaisons ayant quitté le pays d'exportation avant le 14 octobre 1982 ;
Attendu que, pour relaxer les prévenus et débouter l'Administration de ses demandes, les juges du fond observent que la marchandise a fait l'objet, aux époques indiquées, de déclarations de mise à la consommation C1, laissant apparaître le prix d'achat effectif de la marchandise, et qu'à ces déclarations étaient joints des connaissements maritimes indiquant que la marchandise avait été présentée à l'embarquement le 12 octobre 1982 et des certificats d'origine préférentielle ATR 1, établis par les autorités douanières turques, attestant que celle-ci avait été exportée entre le 15 et le 22 octobre ; qu'ils relèvent que les indications portées sur ces documents n'étaient ni inexactes ni ambiguës et qu'à aucun moment il n'avait été dissimulé à l'Administration que les cargaisons avaient quitté Izmir après le 14 octobre ; qu'ils énoncent encore que rien ne permet dans le dossier d'établir une concertation entre les expéditeurs et les importateurs en vue de bénéficier d'une détaxe dont ces derniers n'ont eu connaissance, compte tenu de la date de publication des mesures de restriction à l'importation, que postérieurement à l'embarquement de la marchandise ;
Que, pour refuser d'ordonner le paiement des droits compensatoires dus - qu'ils avaient acquittés, à la demande de l'Administration, en 1983, qui leur avaient été remboursés, à la suite de l'invalidation le 11 février 1988, par la Cour de justice des Communautés européennes, du règlement CEE/2742/82, et qui leur étaient à nouveau demandés en application du règlement CEE/994/88 du 15 avril 1988 -, les juges retiennent qu'en l'absence de fraude établie il appartient à l'Administration d'engager devant la juridiction civile compétente une action tendant à la récupération de ces droits ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'à la suite de l'invalidation par la Cour de justice des Communautés européennes, le 11 février 1988, des dispositions du règlement CEE/2742/82 précité il n'existait pas, à la date visée à la prévention, de dette douanière permettant d'asseoir des poursuites pénales sur le fondement de l'article 426.4° du Code des douanes et, par voie de conséquence, l'action en recouvrement visée à l'article 377 bis de ce Code, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer de la légalité de la décision critiquée ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.