REJET du pourvoi formé par :
- X... Charles, partie civile,
contre l'arrêt n° 221/96 de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 8 février 1996, qui a confirmé l'ordonnance de refus d'informer sur sa plainte, des chefs de subornation de témoins, violation du secret de l'instruction.
LA COUR,
Vu l'article 575, alinéa 2-1°, du Code de procédure pénale, en vertu duquel le pourvoi est recevable ;
Vu le mémoire ampliatif produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 6-1, 86, 485, 567, 593 du Code de procédure pénale, 112-2 du nouveau Code pénal, 6-8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que la chambre d'accusation confirme l'ordonnance de refus d'informer des chefs de subornation de témoins, violation du secret professionnel et violation du secret de l'instruction, déposée par Charles X... contre des gendarmes ;
" aux motifs que l'article 6-1 du Code de procédure pénale qui n'est pas contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où il ne prive pas la personne victime d'une violation de ses droits de tout recours effectif devant une juridiction et ne la prive pas davantage d'un procès impartial tenu dans un délai raisonnable, mais qui se contente de réglementer l'exercice d'un tel recours lorsque celui-ci implique la violation d'une disposition de procédure pénale qui doit, au préalable, avoir été constatée par la juridiction saisie de la poursuite judiciaire au cours de laquelle cette violation aurait été commise est une loi de procédure entrée en vigueur le 8 février 1995 et s'applique immédiatement à la procédure en cours à cette date, conformément aux dispositions de l'article 112-2.2° du Code pénal ; qu'à les supposer démontrés, les faits de subornation de témoins et de violation du secret de l'instruction, énoncés à la plainte, auraient été commis lors de perquisitions et d'auditions de témoins par des gendarmes agissant sur commission rogatoire d'un juge d'instruction ; qu'à ce jour le caractère illégal de ces actes n'a pas été définitivement constaté par la juridiction répressive saisie de cette poursuite judiciaire ; que les faits dénoncés ne peuvent donc en l'état légalement comporter une poursuite ;
" alors qu'en faisant application immédiate, à la plainte du 28 novembre 1994, des dispositions de l'article 6-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995, contraire aux principes fondamentaux du droit et à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'il limite les droits de la partie lésée par des faits constitutifs d'une infraction à la loi pénale, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Charles X... a porté plainte avec constitution de partie civile, le 28 novembre 1994, auprès du juge d'instruction au tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, contre personne non dénommée, des chefs de subornation de témoins, violation du secret de l'instruction, et " tous autres délits qui pourraient apparaître en cours d'instruction " ; que le plaignant a dénoncé divers actes effectués par des enquêteurs de la gendarmerie, dans les locaux du journal Le Dauphiné libéré, à Grenoble, en juin 1994, et auprès de clients de son cabinet d'avocat ; que sur les réquisitions du procureur de la République, le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à informer sur ces faits, en application de l'article 6-1 du code de procédure pénale, issu de la loi du 8 février 1995 ;
Attendu que pour confirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu d'informer des chefs de subornation de témoins, violation du secret professionnel, et violation du secret de l'instruction, la chambre d'accusation relève que les faits dénoncés auraient été commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire, par des gendarmes agissant sur commission rogatoire d'un juge d'instruction, dans une information initialement ouverte contre personne non dénommée, sur la plainte avec constitution de partie civile des consorts Y... ; que les juges ajoutent que ces faits impliqueraient la violation de dispositions de procédure pénale relatives aux perquisitions et aux auditions de témoins ; que pour constater l'absence de décision d'illégalité des actes incriminés, en application de l'article 6-1 du Code de procédure pénale, l'arrêt énonce que cette disposition, issue de la loi du 8 février 1995, est immédiatement applicable aux procédures en cours, conformément à l'article 112-2.2° du Code pénal ; que les juges précisent que cette disposition n'est pas contraire aux articles 6, paragraphe 1, et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où elle ne prive pas la personne victime d'une violation de ses droits de tout recours effectif devant une juridiction, et ne la prive pas d'un procès impartial tenu dans un délai raisonnable ;
Attendu que par ces énonciations, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, il résulte de la combinaison des articles 6-1 et 86 du Code de procédure pénale que, lorsqu'un crime ou un délit est dénoncé comme ayant été commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire et impliquerait la violation d'une disposition de procédure pénale, l'absence de décision définitive de la juridiction répressive constatant le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli met obstacle à l'exercice de l'action publique pour la répression dudit crime ou délit ;
Que les dispositions de l'article 6-1, issues de la loi du 8 février 1995, entrent dans la catégorie des lois fixant les modalités de la poursuite, dont l'article 112-2.2° du Code pénal impose l'application immédiate à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur ;
Que ces dispositions ne sont pas incompatibles avec celles des articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la personne concernée dispose d'un recours judiciaire préalable en annulation des actes argués d'illégalité ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme :
REJETTE le pourvoi.