La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/01/1997 | FRANCE | N°96-80729

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 janvier 1997, 96-80729


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Micheline, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 12e chambre, en date du 20 novembre 1995, qui, l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Maryse Y..., épouse Z..., du chef d'escroquerie et d'abus de confiance.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 405 du Code pénal, tel qu'il était applicable à l'époque des faits, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défau

t de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a décidé que Maryse Z... n'est pas ...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Micheline, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 12e chambre, en date du 20 novembre 1995, qui, l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Maryse Y..., épouse Z..., du chef d'escroquerie et d'abus de confiance.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 405 du Code pénal, tel qu'il était applicable à l'époque des faits, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a décidé que Maryse Z... n'est pas coupable d'escroquerie et a rejeté l'action civile de Micheline X... ;
" aux motifs que Micheline X... était propriétaire d'un appartement à Créteil et avait demandé à l'agence immobilière Z... d'assurer la gestion de cet appartement ; que l'agence percevait les loyers de Mme A..., locataire ; que Micheline X... a donné mandat au cabinet Z... de vendre ce bien ; que Maryse Z... a proposé l'appartement à la locataire au prix de 650 000 francs, et que cette personne n'a pas donné suite à cette proposition ; que Maryse Z... a proposé à Micheline X... de lui acheter l'appartement au prix de 340 000 francs, déclarant ne pas pouvoir en obtenir un prix supérieur ; que, le 7 mai 1992, Micheline X... vendait l'appartement à Maryse Z... pour le prix de 340 000 francs, mais qu'elle constatait le 18 mai 1992 que ce bien était remis en vente à un prix supérieur à 595 000 francs ; que Micheline X... a déposé plainte pour abus de confiance, escroquerie et complicité ; que ce n'est qu'indirectement que l'escroquerie peut porter sur un immeuble, soit que la remise concerne son prix dont la valeur a été surestimée en raison de manoeuvres frauduleuses, soit qu'elle porte sur les titres de propriété ou de constitution de droits réels s'y rapportant ; que de simples allégations mensongères ne sauraient en elles-mêmes, et en l'absence de toute autre circonstance, constituer des manoeuvres frauduleuses ; qu'en l'espèce, il convient d'écarter le faux nom, la fausse entreprise, le pouvoir et le crédit imaginaire, l'espérance ou la crainte d'un succès, d'un accident ou de tout autre événement chimérique ; que l'abus de qualité vraie pourrait constituer un élément de l'escroquerie, dans la mesure où elle serait de nature à imprimer à des allégations mensongères l'apparence de la sincérité et à commander la confiance de la victime ; qu'il n'y a eu ni remise ou délivrance de fonds, meubles, obligations, dispositions, billets, promesses, quittances ou décharges ; que le fait, par un agent immobilier, d'annoncer un prix d'un immeuble inférieur au prix du marché, à supposer ce fait établi, ne saurait constituer une manoeuvre frauduleuse commise par abus de qualité vraie, en ce que le cocontractant est en mesure de vérifier ces allégations, qui ne seraient en l'occurrence que simplement mensongères, par tout moyen, de même qu'il était possible, pour le propriétaire de l'appartement, de vérifier si le locataire était toujours présent dans les lieux ou non, cette présence ou cette absence pouvant avoir une incidence sur le prix de vente du bien ; que Maryse Z... n'a usé d'aucune manoeuvre, au sens de l'article 405 du Code pénal, en achetant à Micheline X... l'appartement, objet du litige ; que la vente a été régulièrement enregistrée par un notaire qui, en sa qualité d'officier public et ministériel, n'aurait pas manqué de relever tout élément pouvant constituer une infraction à la loi pénale ; que le litige, de nature purement civile, porte sur une contestation du prix de vente d'un bien immobilier, fait qui est exclu du champ d'application de l'article 405 du Code pénal ; que les faits dénoncés par Micheline X..., qui seraient, à ses yeux, constitutifs d'une escroquerie, se sont révélés postérieurs à la vente contestée et ne sauraient être appréciés comme ayant vicié son consentement à la vente, les manoeuvres devant être antérieures pour pouvoir éventuellement être examinées comme élément de nature à envisager une escroquerie ; que le préjudice de Micheline X... ne serait constitué que par un manque à gagner du fait d'une opération immobilière mal conduite, et non par le résultat d'une infraction dont elle aurait été la victime ;
" 1° alors que, premièrement, la remise, au sens de l'article 405 du Code pénal, s'entend d'un acte créateur ou destructeur de liens de droit ; que Maryse Z... a poussé Micheline X... à lui consentir une promesse de vente portant sur un immeuble ; que cette promesse a été consentie à des conditions particulièrement défavorables à Micheline X... ; qu'en décidant néanmoins que la remise n'était pas caractérisée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
" 2° alors que, deuxièmement, l'abus d'une qualité vraie, tendant à faire naître la crainte d'un événement chimérique, caractérise une manoeuvre frauduleuse, quelle que soit sa complexité, constitutive de l'escroquerie ; que la cour d'appel a relevé que Maryse Z..., en sa qualité d'agent immobilier chargé de la gestion des biens de Micheline X..., avait faussement affirmé que l'immeuble litigieux était occupé et que, faute d'acheteur, sa valeur ne pouvait être supérieure à 340 000 francs ; qu'en décidant qu'il ne s'agissait que de simples mensonges que Micheline X... aurait pu déjouer, la cour d'appel a écarté à tort la qualification d'escroquerie ;
" 3° alors que, troisièmement, la cour d'appel a considéré que les manoeuvres frauduleuses imputées à Maryse Z... seraient postérieures à la remise, pour la seule raison que ces faits auraient été révélés après la vente ; qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a encore violé l'article 405 du Code pénal ;
" 4° alors que, quatrièmement, l'intervention d'un tiers, fût-il officier ministériel, est de nature à favoriser la machination de l'escroc ; qu'en décidant que Micheline X... n'a pu être l'objet d'une machination, puisque la vente litigieuse a été enregistrée par un notaire, qui n'aurait pas manqué de relever tout élément pouvant constituer une infraction à la loi pénale, la cour d'appel a violé l'article 405 du Code pénal " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 313-1 nouveau du Code pénal ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte du jugement et de l'arrêt que Micheline X..., qui avait confié la gestion d'un appartement à Maryse Z..., lui a donné mandat de le vendre au prix de 650 000 francs ; que la prévenue lui a indiqué que le locataire refusait d'acheter, tout en faisant notifier à ce dernier le 14 novembre 1991 un congé prenant effet le 14 mai 1992, sous prétexte que la propriétaire désirait reprendre le logement pour son usage personnel ;
Qu'ayant fait valoir l'impossibilité de vendre l'immeuble au prix demandé la prévenue, après avoir fait signer par la propriétaire un compromis le 28 décembre 1991, a obtenu, le 7 mai 1992, à son profit personnel, la signature d'un acte authentique de vente au prix de 340 000 francs spécifiant que l'appartement était occupé et qu'en cet état la jouissance aurait lieu par la seule perception des loyers ;
Que, par acte sous seing privé du 14 mai 1992, réitéré devant notaire le 3 juin 1992, Maryse Z... a revendu l'appartement à une tierce personne, pour un prix de 620 000 francs ; qu'à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par Micheline X..., elle a été renvoyée devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'escroquerie et d'abus de confiance ;
Que le tribunal correctionnel l'en a déclarée coupable et l'a condamnée notamment à des réparations civiles ;
Attendu que, pour renvoyer la prévenue des fins de la poursuite et débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt attaqué relève " que Maryse Z... n'a usé d'aucune manoeuvre frauduleuse, au sens de l'article 405 du Code pénal alors applicable, en achetant à Micheline X... l'appartement objet du litige ; que la vente a été régulièrement enregistrée par un notaire ; qu'il n'y a eu ni remise ni délivrance de fonds, meubles, obligations, dispositions, billets, quittances ou décharges ; que le litige, de nature purement civile, porte sur une contestation du prix de vente d'un bien immobilier, fait qui est exclu du champ d'application de l'article 405 du Code pénal ; que les faits dénoncés par Micheline X... se sont révélés postérieurs à la vente contestée et ne sauraient être appréciés comme ayant vicié son consentement à la vente " ;
Que les juges ajoutent qu'il ne résulte des éléments de l'espèce aucun détournement ou dissipation caractérisant un abus de confiance ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, et alors que le délit d'escroquerie prévu par l'article 405 ancien du Code pénal peut avoir pour objet la remise de dispositions ou obligations, telles que l'acte de transfert de la propriété d'un immeuble, la cour d'appel, qui ne pouvait, sans se contredire, après avoir fait état du " congé fallacieux " donné par la prévenue au locataire et des fausses indications fournies par la prévenue quant à l'occupation de l'appartement, auxquelles donnait force et crédit l'intervention du notaire, énoncer que les manoeuvres invoquées par la partie civile sont postérieures à la vente litigieuse, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 20 novembre 1995, en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et, pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Reims.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-80729
Date de la décision : 23/01/1997
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ESCROQUERIE - Remise de l'objet ou de fonds - Définition - Remise d'un acte de transfert de la propriété d'un immeuble.

1° Si l'article 405 ancien du Code pénal n'est pas applicable lorsque les manoeuvres frauduleuses ont pour seul objet la remise d'un immeuble, caractérisent, en revanche, le délit prévu par ce texte les manoeuvres par lesquelles l'auteur obtient la remise d'un acte de transfert de la propriété d'un appartement(1).

2° ESCROQUERIE - Manoeuvres frauduleuses - Définition - Intervention d'un tiers - Notaire - Fausses déclarations dans un acte notarié - Intervention du notaire donnant force et crédit aux fausses déclarations.

2° Constituent des manoeuvres frauduleuses les fausses déclarations, auxquelles donne force et crédit l'intervention du notaire, faites par l'une des parties pour déterminer la signature de l'acte authentique par son cocontractant(2). Encourt, dès lors, la cassation l'arrêt qui, après avoir fait état du congé fallacieux donné par le prévenu au locataire de l'appartement qu'il se proposait d'acheter et des fausses indications fournies par lui quant à l'occupation de l'appartement en vue d'obtenir la signature de l'acte de vente par le propriétaire, énonce que les manoeuvres invoquées par la partie civile sont postérieures à la vente litigieuse et qu'en l'absence de remise de fonds, meubles, obligations, dispositions, billets, quittances ou décharges, le litige, portant sur le prix de vente d'un bien immobilier, est de nature purement civile.


Références :

2° :
Code pénal 405

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 novembre 1995

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1864-11-12, Bulletin criminel 1864, n° 257, p. 448 (rejet)et7601A comparer: Chambre criminelle, 1992-06-15, Bulletin criminel 1992, n° 235, p. 647 (cassation). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1874-09-03, Bulletin criminel 1874, n° 253, p. 471 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1986-06-02, Bulletin criminel 1986, n° 186, p. 478 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 jan. 1997, pourvoi n°96-80729, Bull. crim. criminel 1997 N° 34 p. 99
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1997 N° 34 p. 99

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Culié, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Dintilhac.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Roman.
Avocat(s) : Avocats : MM. Choucroy, Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:96.80729
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award