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22/01/1997 | FRANCE | N°95-84514

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 janvier 1997, 95-84514


ACTION PUBLIQUE ETEINTE et REJET des pourvois formés par :
- X...,
- la société Y..., civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, du 11 mai 1995, qui, pour infraction à la législation relative au service des pompes funèbres, a condamné le premier à 20 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I. Sur l'action publique :
Attendu que, selon l'article 2 de la loi du 3 août 1995, sont amnistiés lorsque, comme en l'espèce, ils sont antéri

eurs au 18 mai 1995, les délits pour lesquels seule une peine d'amende est encourue ;...

ACTION PUBLIQUE ETEINTE et REJET des pourvois formés par :
- X...,
- la société Y..., civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, du 11 mai 1995, qui, pour infraction à la législation relative au service des pompes funèbres, a condamné le premier à 20 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I. Sur l'action publique :
Attendu que, selon l'article 2 de la loi du 3 août 1995, sont amnistiés lorsque, comme en l'espèce, ils sont antérieurs au 18 mai 1995, les délits pour lesquels seule une peine d'amende est encourue ; qu'ainsi l'action publique est éteinte ;
Attendu, cependant, qu'en vertu de l'article 21 de cette loi, la juridiction de jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;
II. Sur l'action civile :
Vu le mémoire ampliatif et le mémoire complémentaire produits ainsi que le mémoire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales, des articles 86 et 90 du traité de Rome, de l'article 28- I de la loi 93-23 du 8 janvier 1993, des articles 111-3 et 111-5 du Code pénal, et des articles 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a reconnu X... coupable de 6 infractions au monopole des régies communales de pompes funèbres, et l'a condamné à une peine de 20 000 francs d'amende ;
" aux motifs que le prévenu soutient que le monopole exercé dans le secteur des pompes funèbres par la ville de Z... serait contraire au droit communautaire, en raison du caractère non équitable des prix pratiqués ; qu'il appartient, en l'espèce, au prévenu d'apporter la preuve des allégations sur lesquelles il se fonde ; que, pour justifier du caractère inéquitable des prix pratiqués par la régie municipale de la ville de Z..., X... produit un rapport établi par la mission interministérielle chargée d'examiner, sur le plan national, l'organisation du service des pompes funèbres, lequel indique notamment : " si l'on prend pour base 100 la facturation moyenne du réseau Leclerc, celle des régies se situe à 108, et celle des PFG à 126... " ; que l'on ne saurait inférer de ce rapport, de caractère général, fondé sur une moyenne établie au niveau national, le caractère inéquitable des prix facturés par la régie de la ville de Z... ; que, de même, la comparaison effectuée par X..., en ce qui concerne les prix pratiqués respectivement par la ville de Z... et la société Pompes funèbres populaires est inopérante dans la mesure où il n'est pas justifié de la similitude entre les prestations ainsi confrontées ; qu'enfin les articles de presse invoqués par le prévenu au soutien de sa thèse n'ont pas, en eux-mêmes, de force probante ; que, dès lors, il n'est pas établi que la ville de Z... pratique des prix non équitables ; qu'en l'absence de cette circonstance le monopole exercé par la ville de Z..., dans le secteur des pompes funèbres, ne peut être considéré comme contrevenant à l'article 86 du traité de Rome (arrêt page 8) ;
" alors que, premièrement, il appartient au ministère public d'établir la culpabilité du prévenu ; qu'en décidant que Christian C... doit apporter la preuve du caractère inéquitable des prix pratiqués, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve ;
" alors que, deuxièmement, et en toute hypothèse, la cour d'appel a écarté des débats des éléments de preuve produits par Christian C..., en l'occurrence des articles de presse, sans les avoir examinés ; qu'ainsi l'arrêt est privé de motifs " ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 86, 90 et 177 a du traité de Rome, tels que modifiés par le traité de Maastricht, des lois des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructifor an III, de l'article 28- I de la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993, de l'article 111-5 du Code pénal, et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué n'a pas sursis à statuer ;
" alors que, premièrement, seule la Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour interpréter le traité de Rome ; qu'en ne saisissant pas cette Cour de la question préjudicielle relative à la compatibilité entre l'article 28- I de la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993, et l'article 90 du traité de Rome, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors que, deuxièmement, le juge pénal ne peut apprécier la légalité de la constitution d'une régie communale chargée du service extérieur des pompes funèbres ; qu'en se déclarant pourtant compétente pour apprécier la régularité de la régie municipale de Z..., la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Et sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 85, 86 et 90 du traité de Rome, de l'article 28 de la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a reconnu X... coupable de 6 infractions au monopole des régies communales de pompes funèbres, et l'a condamné à une peine de 20 000 francs d'amende ;
" aux motifs que le prévenu soutient que le maintien de droits exclusifs en faveur des régies communales préexistantes, prévu par l'article 28- I de la loi du 8 janvier 1993, serait contraire aux dispositions des articles 86 et 90 du traité de Rome, lesquels prohibent l'exploitation d'une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci, ainsi que l'octroi par les Etats membres de droits exclusifs méconnaissant les dispositions dudit traité ; que, dans un arrêt du 4 mai 1988, la Cour de justice des Communautés européennes a décidé que l'article 86 du traité de Rome est applicable à un ensemble de monopoles communaux concédés à un même groupe d'entreprises ayant pour objet le service extérieur des pompes funèbres, si 3 conditions cumulatives sont réunies ; que, dans le secteur des pompes funèbres, le maintien de droits exclusifs n'est pas en soi contraire aux dispositions du traité de Rome ; que seule une analyse concrète des conditions dans lesquelles chaque monopole est exploité dans les régies ou les délégataires de services publics, notamment une analyse des conséquences qui en résultent sur les échanges commerciaux communautaires, permet, au regard des conditions énoncées par la Cour de justice des Communautés européennes, de s'assurer du respect des dispositions des articles 86 et 90 du Traité de Rome ; que le moyen tiré de l'incompatibilité de l'article 28 de la loi du 8 janvier 1993 avec les articles 86 et 90 du Traité de Rome doit ainsi être rejeté, d'autant que les dispositions législatives critiquées n'ont pour objet que de maintenir, pour un temps limité, en faveur des régies et concessions existant à la date d'entrée en vigueur de la loi, les droits exclusifs dans le seul cas où le domicile de la personne décédée, le lieu de mise en bière et le lieu d'inhumation ou de crémation sont situés sur le territoire de la même commune ;
" alors que, premièrement, la cour d'appel était invitée à examiner la compatibilité entre l'article 28-1 de la loi du 8 janvier 1996 et de l'article 90 du traité de Rome ; que, faute d'avoir répondu à ce moyen, pour n'avoir examiné que les seules conditions d'exercice de la régie de Z... au regard de l'article 86 du Traité, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;
" alors que, deuxièmement, et en toute hypothèse, la cour d'appel n'a pas recherché si le monopole réservé par l'article 28- I de la loi du 8 janvier 1993 aux communes était compatible avec l'article 90 du traité de Rome ; qu'ainsi elle a privé sa décision de base légale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, sur le fondement de l'article 28 de la loi du 8 janvier 1993 relative à la législation dans le domaine funéraire, X... est poursuivi pour avoir en 1993 dirigé une entreprise fournissant des prestations de pompes funèbres en violation des droits d'exclusivité maintenus, en application des dispositions transitoires de cette loi, au profit de la régie communale de pompes funèbres de la ville de Z... ;
Attendu que le prévenu a excipé devant les juges du fond de l'incompatibilité de ce texte, et de l'exercice par la ville de Z... de son monopole, avec les articles 86 et 90 du traité des Communautés européennes prohibant tout abus de position dominante susceptible d'affecter le commerce entre les Etats membres ;
Attendu que, pour écarter ces exceptions, après s'être rapportés à la décision de la Cour de justice des Communautés européennes du 4 mai 1988 qui concerne seulement un ensemble de monopoles communaux concédés à un même groupe d'entreprises pour le service extérieur des pompes funèbres, les juges d'appel énoncent que la survie temporaire et facultative du monopole communal en la matière au profit des régies municipales existantes à la date de publication de la loi nouvelle n'est pas en soi contraire à l'article 86 du traité, alors de surcroît que le monopole ne couvre que le territoire strictement délimité de la commune ; qu'ils relèvent que seule une analyse concrète des conditions d'exercice par la régie de son monopole permet de s'assurer de la licéité de celui-ci au regard des règles communautaires protégeant la concurrence ; qu'ils retiennent que le prévenu ne justifie pas du caractère non équitable des prix fixés par la régie municipale de la ville de Z... ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs la cour d'appel, qui n'était pas tenue de saisir la Cour de justice des Communautés européennes et surseoir à statuer, a justifié sa décision sans encourir aucun des griefs allégués ;
Qu'en effet, le prévenu qui invoque une exception prise de l'incompatibilité au regard du droit communautaire d'un monopole institué par une réglementation interne doit en apporter la preuve ;
Attendu que, pour échapper aux poursuites, le prévenu a encore contesté l'existence de la régie communale de pompes funèbres de la ville de Z... et la " légalité " de sa constitution ; qu'il a, à titre subsidiaire, demandé le renvoi de cette question préjudicielle devant le tribunal administratif ;
Attendu qu'en ayant statué, pour l'écarter, sur cette exception, la cour d'appel n'a pas encouru le grief d'incompétence allégué dès lors que les juridictions correctionnelles chargées d'instruire ou de prononcer sur les crimes et délits doivent caractériser les éléments constitutifs de l'infraction dont elles sont saisies ;
D'où il suit que les moyens, qui pour le premier remet en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, de la valeur des preuves contradictoirement débattues, ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs :
I. Sur l'action publique :
La DECLARE ETEINTE ;
II. Sur l'action civile :
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-84514
Date de la décision : 22/01/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° POMPES FUNEBRES - Régie communale - Exercice du monopole - Loi du 8 janvier 1993 - Période transitoire - Droits d'exclusivité maintenus - Exception d'incompatibilité au regard du droit communautaire - Preuve - Charge.

1° COMMUNAUTES EUROPEENNES - Libre concurrence - Pompes funèbres - Régie communale - Exercice du monopole - Exception d'incompatibilité au regard du droit communautaire - Preuve - Charge 1° PREUVE - Charge - Communauté européenne - Exception d'incompatibilité d'un monopole institué par la réglementation interne.

1° Le prévenu qui invoque une exception prise de l'incompatibilité au regard du droit communautaire d'un monopole institué par une réglementation interne doit en apporter la preuve. Dans des poursuites exercées contre le dirigeant d'une entreprise ayant fourni des prestations de pompes funèbres en violation des droits d'exclusivité maintenus au profit d'une régie communale de pompes funèbres en application des dispositions transitoires de la loi du 8 janvier 1993, il appartient dès lors au prévenu, qui excipe de l'incompatibilité du texte, base des poursuites, avec les articles 86 et 90 du traité CE, de justifier de l'illicéité de l'exercice par la régie communale de son monopole au regard des règles communautaires protégeant la concurrence(1).

2° QUESTIONS PREJUDICIELLES - Contrat administratif - Régie communale - Appréciation de la régularité de sa constitution.

2° POMPES FUNEBRES - Régie communale - Exercice du monopole - Loi du 8 janvier 1993 - Période transitoire - Droits d'exclusivité maintenus - Régularité de la constitution de la régie - Appréciation - Compétence du juge pénal.

2° Les juridictions correctionnelles chargées d'instruire ou de prononcer sur les crimes et délits doivent caractériser les éléments constitutifs de l'infraction dont elles sont saisies. Est ainsi justifiée la décision du juge pénal qui, saisi du délit de fourniture de prestations de pompes funèbres en violation des droits d'exclusivité d'une régie communale de pompes funèbres, se prononce sur l'existence et la régularité de la constitution de la régie, contestée par le prévenu qui demandait le renvoi de cette question préjudicielle devant le tribunal administratif(2).


Références :

2° :
Loi 93-23 du 08 janvier 1993 art. 28
Traité de Rome du 25 mars 1957 art. 86, art. 90

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 mai 1995

CONFER : (1°). (1) A comparer: Chambre commerciale, 1992-01-14, Bulletin 1992, IV, n° 12, p. 9 (cassation)

arrêt cité. Chambre commerciale, 1994-01-04, Bulletin 1994, IV, n° 2, p. 1 (rejet). CONFER : (2°). (2) A comparer : Chambre criminelle, 1995-09-25, Bulletin criminel 1995, n° 279, p. 776 (action publique éteinte et rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 jan. 1997, pourvoi n°95-84514, Bull. crim. criminel 1997 N° 28 p. 70
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1997 N° 28 p. 70

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Blin, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Dintilhac.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Ferrari.
Avocat(s) : Avocats : MM. Foussard, Guinard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.84514
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