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19/12/1996 | FRANCE | N°96-84251

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 décembre 1996, 96-84251


CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Madjid,
- Y... Yazid,
contre l'arrêt de la 5e chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 2 août 1996, qui, dans l'information suivie contre eux notamment du chef d'infraction à la législation sur les stupéfiants, a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, présenté par Madjid X..., pris de la vi

olation des articles 706-32, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de ba...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Madjid,
- Y... Yazid,
contre l'arrêt de la 5e chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 2 août 1996, qui, dans l'information suivie contre eux notamment du chef d'infraction à la législation sur les stupéfiants, a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, présenté par Madjid X..., pris de la violation des articles 706-32, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure et a dit qu'il sera fait retour du dossier au juge d'instruction ;
" aux motifs qu'à l'issue d'une pénétration d'un réseau de vendeurs de drogue, par Jacques Z..., lieutenant de police, les nommés Yazid Y... et Madjid X... étaient interpellés le 30 janvier 1996 ; que la veille, le policier s'était fait remettre un échantillon, soit une plaquette de 250 grammes de cannabis et avait fait une commande de 70 kg de la même substance pour 721 000 francs ; que, le 30 janvier, le policier a apporté la somme et la transaction était conclue, mais les fournisseurs refusaient de transporter à Epinay-sur-Seine, lieu de l'accord, la drogue détenue dans un pavillon à Corbeilles-en-Parisis, où une perquisition amenait la découverte des 70 kg de résine de cannabis, la somme de 101 800 francs et un revolver Magnum 357 dérobé en 1985 ; que le 2 février 1986, les 2 suspects ont été mis en examen et l'information s'est poursuivie ; qu'ils demandent l'annulation de la procédure par application de l'article 706-32 du Code de procédure pénale ; que si la technique dit du " coup d'achat " est soumise aux conditions posées par l'article 706-32 susvisé, il convient d'une part, de noter que ces conditions ne sont pas imposées à peine de nullité, et qu'elles sont de nature seulement et éventuellement à fonder devant la juridiction de jugement, une discussion sur la force probante des opérations critiquées, d'autre part, s'agissant de la condition la plus importante, touchant à la loyauté même de la procédure, qu'il résulte suffisamment des éléments du dossier que l'infraction n'a pas été créée de toute pièce par l'action des fonctionnaires de police, non déterminante au sens du texte précité, des indices sérieux ayant été préalablement recueillis, notamment par l'intervention d'un certain A... et de nature faire présumer qu'une infraction ayant le caractère de trafic de stupéfiant était en train de se commettre ou se préparer à être commise ; que la procédure a été régulière ;
" alors que, premièrement, faute d'autorisation par le procureur de la République, M. Z... n'avait pas le pouvoir d'acheter une quelconque quantité de drogue ; qu'ayant agi spontanément les actes de M. Z... sont illicites ; qu'ainsi la perquisition susvisée est entachée de nullité, comme l'ensemble des actes de procédure subséquents ;
" alors que, deuxièmement, faute de préciser quels indices laissaient présumer qu'une infraction ayant le caractère de trafic de stupéfiant était en train de se commettre, la chambre d'accusation a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Sur le premier moyen de cassation, présenté par Yazid Y..., pris de la violation des articles 706-32, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que la chambre d'accusation a dit n'y avoir lieu à annulation de la procédure ;
" aux motifs que les dispositions de l'article 706-32 du Code de procédure pénale ne sauraient se confondre avec celles de la Convention de Vienne du 20 décembre 1988 supposant à tout le moins un franchissement de frontière et dès lors, s'agissant en réalité d'un classique " coup d'achat ", les opérations contestées ne peuvent être assimilées à une livraison surveillée telle que comprise par cette convention ; que s'il n'en demeure pas moins que si la technique dite " du coup d'achat " est soumise aux conditions posées par l'article 706-32 susvisé du Code de procédure pénale, ces conditions ne sont pas imposées à peine de nullité et seulement éventuellement de nature à fonder devant la juridiction de jugement une discussion sur la force probante des opérations critiquées ;
" alors que s'il résulte de l'article 706-32 du Code de procédure pénale que les officiers de police judiciaire peuvent, afin de constater les infractions prévues par les articles 222-34 à 222-38 du Code pénal et d'en identifier les auteurs et les complices, procéder à la surveillance et l'acheminement de produits stupéfiants ou de produits tirés de la commission desdites infractions après avoir informé le procureur de la République, l'autorisation de celui-ci ou d'un juge d'instruction est requise s'ils sont amenés à acquérir, détenir ou transporter ces stupéfiants ou à mettre à la disposition des personnes se livrant à de telles infractions des moyens de caractère juridique ou des moyens de transport, de dépôt, de stockage ou de communication, l'autorisation ne pouvant être donnée que pour des actes ne déterminant pas la commission des infractions ; que l'absence d'autorisation constitue une nullité d'ordre public dès lors qu'elle touche à la compétence et à l'organisation judiciaire ; qu'en l'espèce, ainsi que cela a été relevé tant dans la requête des demandeurs que dans le réquisitoire du procureur général près la cour d'appel, il résulte de la procédure que l'officier de police judiciaire Z..., non seulement avait pris l'initiative de passer commande d'une importante quantité d'héroïne, mais avait remis un véhicule administratif ainsi que les clés de contact du véhicule destiné à " la mise en place du shit " ; que l'opération en cause était incontestablement une livraison contrôlée au sens de l'article 706-32 du Code de procédure pénale, en tant que telle soumise à autorisation préalable et que la chambre d'accusation avait l'obligation de prononcer la nullité de la procédure, le procureur de la République n'ayant pas été informé et, a fortiori, n'ayant pas donné son autorisation ;
" alors qu'en application du même texte et comme l'y invitaient les demandeurs, dans leur requête, la chambre d'accusation avait l'obligation en tout état de cause de rechercher si, en agissant sans autorisation ni même information du procureur de la République et hors de son contrôle, l'officier de police judiciaire avait commis un excès de pouvoir et qu'en omettant de procéder à cette recherche, la chambre d'accusation n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de sa décision " ;
Sur le second moyen de cassation présenté par Yazid Y..., pris de la violation des articles 75, 429, 706-32 et 593 du Code de procédure pénale, de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation du principe de la loyauté des preuves, défaut et contradiction de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure ;
" aux motifs que s'agissant de la condition la plus importante, touchant à la loyauté même de la procédure, il résulte suffisamment des éléments du dossier, que l'infraction n'a pas été créée de toute pièce par l'action des fonctionnaires de police, non déterminante au sens de l'article 806-32 du Code de procédure pénale, des indices sérieux ayant été préalablement recueillis, notamment par l'intervention d'un certain A... et de nature à faire présumer qu'une infraction ayant le caractère de trafic de stupéfiants était en train de se commettre ou se préparait à être commise ;
" alors que, si la preuve est libre en matière pénale, c'est à la condition qu'elle ne soit pas administrée par des procédés déloyaux émanant de l'autorité judiciaire ou de ses délégués ; que constitue une provocation au délit de nature à entraîner la nullité de la procédure, le stratagème ourdi par un policier consistant, comme en l'espèce, sans autorisation ni même information du procureur de la République, à initier un trafic de stupéfiants et à en fournir les moyens, déterminant ainsi les agissements délictueux poursuivis ;
" alors que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte du dossier de l'information que l'officier de police est entré en contact avec le dénommé A... pour indiquer qu'il était acheteur potentiel d'une importante quantité de haschisch ; que c'est à la suite de sa proposition d'achat que le dénommé A... est entré en contact avec deux individus (D 9) ; que l'officier de police judiciaire s'est fait remettre un échantillon (D 12) et que c'est encore lui qui a fourni un véhicule ainsi que les clés de ce véhicule en précisant qu'il serait destiné à la mise en place des produits stupéfiants ; que, par conséquent, c'est bien l'officier de police judiciaire qui a déterminé la commission de l'infraction, aucun trafic n'ayant été révélé avant son intervention et que, dès lors, en statuant par le motif susénoncé, la chambre d'accusation a contredit les pièces de la procédure sur lesquelles elle a déclaré fonder sa décision en sorte que la cassation est encourue ;
" alors qu'en ne s'expliquant pas sur les éléments de fait qui auraient été " préalablement recueillis " avant la livraison contrôlée, initié par l'officier de police Z..., la chambre d'accusation n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la légalité de sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, lorsque la loi subordonne l'accomplissement de certains actes, destinés à la recherche et à la constatation des crimes et des délits, à l'autorisation formelle des autorités judiciaires, les officiers de police judiciaire ou les agents des administrations auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire ne peuvent, sans commettre un excès de pouvoir viciant la procédure, s'affranchir d'une telle autorisation ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure déférée à l'examen de la chambre d'accusation que le 28 janvier 1996, un policier du service départemental de police judiciaire de la Seine-Saint-Denis, se présentant, auprès d'un nommé A..., comme acquéreur éventuel de haschisch, lui a demandé à rencontrer un revendeur ; que le 29 janvier, il a été mis en contact avec Madjid X..., avec lequel, au vu d'un échantillon, il a convenu de l'acquisition de 70 kg de marchandise, pour le prix de 721 000 francs, à livrer à l'hôtel Ibis d'Epinay-sur-Seine ; que la filature de Madjid X..., auquel le policier avait remis un véhicule de police pour le transport et la livraison de la commande, a permis de localiser, à Montigny-les-Cormeilles l'endroit où la marchandise était entreposée ; que, le 30 janvier, Madjid X... a été interpellé par la police, à l'hôtel Ibis d'Epinay, en compagnie d'un nommé Yazid Y..., au moment où le policier lui remettait la somme convenue ;
Attendu qu'après sa mise en examen, Madjid X... a saisi la chambre d'accusation d'une requête aux fins d'annulation de la procédure, motif pris de ce que l'opération montée par la police, qui l'avait conduit à commettre l'infraction qui lui était reprochée, avait été réalisée sans l'autorisation du procureur de la République ;
Attendu que, pour refuser de faire droit à cette requête, la chambre d'accusation énonce qu'en proposant à Madjid X... de lui acheter des stupéfiants, l'enquêteur de police n'a pas généré ex nihilo l'infraction reprochée à l'inculpé, mais n'a fait que révéler le trafic auquel l'intéressé se livrait, et que, si une telle offre d'achat est soumise aux dispositions de l'article 706-32 du Code de procédure pénale, le manquement aux obligations prévues par ce texte, qui est seulement de nature à ouvrir devant la juridiction de jugement une discussion sur la valeur probante des opérations effectuées, n'entraîne pas la nullité de celles-ci ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'alinéa 2 de l'article 706-32 précité subordonnait l'acquisition de stupéfiants et la fourniture d'un véhicule de service à un trafiquant à l'autorisation expresse du procureur de la République, la chambre d'accusation a méconnu le texte susvisé ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, du 2 août 1996, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-84251
Date de la décision : 19/12/1996
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE - Pouvoirs - Infractions - Constatation - Stupéfiants - Livraison surveillée de produits stupéfiants - Mise en oeuvre sans autorisation judiciaire - Sanctions.

SUBSTANCES VENENEUSES - Stupéfiants - Infractions à la législation - Constatation - Pouvoirs - Officier de police judiciaire - Livraison surveillée - Mise en oeuvre sans autorisation judiciaire - Sanctions

Lorsque la loi subordonne l'accomplissement de certains actes, destinés à la recherche et à la constatation des crimes et des délits, à l'autorisation formelle des autorités judiciaires, les officiers de police judiciaire ou les agents des Administrations auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire ne peuvent, sans commettre un excès de pouvoir viciant la procédure, s'affranchir d'une telle autorisation. (1). Il résulte de l'article L. 627-7 du Code de la santé publique (devenu l'article 706-32 du Code de procédure pénale) que les officiers de police judiciaire peuvent, afin de constater certaines infractions à la législation sur les stupéfiants et en identifier les auteurs, après en avoir informé le procureur de la République ou le juge d'instruction compétents et sans plus de formalité, procéder à la surveillance de l'acheminement de produits stupéfiants. Il en va autrement, toutefois, lorsque, aux mêmes fins, ils sont amenés à faire l'acquisition de stupéfiants et à fournir un véhicule de service à un trafiquant. En ce cas, ces agents ne peuvent, sans commettre un excès de pouvoir viciant la procédure, procéder à de tels actes qu'avec l'autorisation formelle des autorités judiciaires(2).


Références :

Code de la santé publique L627-7
Code de procédure pénale 706-32

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre d'accusation), 02 août 1996

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1989-06-19, Bulletin criminel 1989, n° 261, p. 648 (cassation), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1991-10-28, Bulletin criminel 1991, n° 381, p. 952 (rejet)

arrêt cité ;

Chambre criminelle, 1994-01-24, Bulletin criminel 1994, n° 32, p. 61 (rejet). CONFER : (1°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1995-09-26, Bulletin criminel 1995, n° 283, p. 785 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 déc. 1996, pourvoi n°96-84251, Bull. crim. criminel 1996 N° 481 p. 1398
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 481 p. 1398

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Culié, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Cotte.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. de Mordant de Massiac.
Avocat(s) : Avocats : M. Foussard, la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:96.84251
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