Vu leur connexité, joint les pourvois nos 94-13.744 et 94-13.848 ;
Attendu que Jacqueline Y..., veuve de X... Chimay, décédée le 7 mai 1979 sans laisser d'héritier réservataire, a institué légataires universels, d'une part, pour 3/12 chacun, Mme de A... et Geoffroy Y..., enfants de son frère Patrick, décédé le 9 août 1979, d'autre part, pour 2/12 chacun, MM. Gilles et Gérald Y..., les deux fils de son autre frère, M. Kilian Y..., et, enfin, pour 1/12 chacune, deux enfants de la fille de Kilian, Mmes Jacqueline et Laetitia C... de B... ; qu'un administrateur provisoire a été désigné ; que, par ordonnances du président du tribunal de grande instance des 11 et 26 mai 1981, celui-ci a été autorisé à vendre des actions dépendantes de l'actif successoral afin de permettre à MM. Gilles et Gérald Y... et aux consorts de B... d'acquitter les droits de mutation avec les fonds détenus complétés par le produit de la vente et de rembourser à Mme de A... ceux qu'elle avait réglés ; que Geoffroy Y..., qui avait antérieurement payé les droits afférents à sa part successorale, s'est opposé à cette vente et, refusant qu'ils lui soient remboursés, a demandé que lui soit attribué, en nature, un nombre d'actions identiques correspondant ; qu'après son décès en 1984 sa veuve, Mme Z..., agissant en qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de son fils mineur Roch Y..., seul héritier de Geoffroy Y..., a demandé la liquidation et le partage de la succession et a, notamment, repris cette prétention ; que les autres parties ont soulevé la forclusion en se prévalant d'un accord intervenu le 26 juillet 1988 par lequel ils avaient, notamment, accepté de nantir des actions en garantie des prétendus droits à restitution en nature, cet acte énonçant que : " pour limiter les conséquences pouvant résulter de cette mesure de nantissement, il est formellement convenu entre les parties que l'instance projetée par le mineur devra être engagée, à moins qu'il n'y renonce, par la voie d'une procédure à jour fixe dans le délai d'un mois du présent protocole " ; que l'arrêt attaqué, rejetant cette fin de non-recevoir, a ordonné le partage et statué sur diverses difficultés ;
Sur le premier moyen du pourvoi formé par les consorts de B... :
Attendu que Mmes de B... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la forclusion qu'elles avaient soulevée, alors, selon le moyen, d'abord, que la signature du protocole avait été autorisée par le juge des tutelles et s'imposait à toutes les parties, de sorte qu'en retenant que l'action intentée, après l'expiration du délai imparti par cet acte, était cependant recevable, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 2052 du Code civil, ensemble l'article 467 du même Code ; alors, ensuite, qu'en estimant que la clause litigieuse avait pour effet de tenir en échec les dispositions de l'article 466 du Code civil, la cour d'appel a dénaturé les termes du protocole qui stipulait un délai, non pour l'action en partage elle-même, mais seulement pour " l'instance projetée par le mineur ", c'est-à -dire celle tendant à l'attribution d'actions ; alors, enfin, qu'en énonçant que l'obligation d'agir à jour fixe dans le délai prévu était irréalisable et qu'une autorisation d'assigner en partage avait été déposée avant même que le délai ait commencé à courir, sans rechercher si Mme Z... avait, dans le délai, fait les diligences nécessaires à l'introduction d'une action, non seulement en partage, mais aussi aux fins d'attribution en nature des actions, et sans s'expliquer sur le fait que l'action n'avait pas été engagée selon la procédure à jour fixe, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Mais attendu que la cour d'appel a, par motifs adoptés des premiers juges, retenu que le délai invoqué aurait pour effet de limiter les droits du mineur Roch Y... dans le partage à intervenir en lui interdisant de revendiquer l'attribution en nature des actions litigieuses, de sorte que seraient tenues en échec les dispositions de l'article 466 du Code civil qui imposent qu'en présence d'un mineur le partage soit fait en justice ; qu'elle en a exactement déduit que cette stipulation de l'acte du 26 juillet 1988 lui était inopposable ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, qui n'a pas dénaturé l'acte, n'encourt pas les critiques inopérantes des première et dernière branches du moyen ; que celui-ci ne peut donc être accueilli ;
Et sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en ses diverses branches :
Attendu que, pour rejeter la demande en annulation du " transfert " d'actions au profit de Patrick Y..., réalisé du vivant de Jacqueline de X... Chimay, la cour d'appel a, par motifs adoptés des premiers juges, retenu à bon droit que le rapport n'était pas dû par celui-ci qui, ayant été exhérédé par la défunte, ne venait pas au partage à intervenir, ce qui excluait, implicitement mais nécessairement, qu'il lui soit fait application des peines du recel successoral ; que, par ces seuls motifs, l'arrêt attaqué est légalement justifié de ce chef ; que, dès lors, les critiques du moyen sont inopérantes en ce qu'elles s'attaquent à des motifs surabondants ; qu'il ne peut donc être accueilli ;
Et encore, sur les trois branches du quatrième moyen de ce pourvoi :
Attendu qu'en ses première et deuxième branches, le moyen est irrecevable en raison de leur contrariété, la première reprochant à l'arrêt de ne pas avoir précisé les pièces sur lesquelles il se fondait, la deuxième de s'être fondé sur l'ordonnance de non-lieu intervenue ;
Qu'en sa troisième branche le moyen, sous couvert d'un grief, non fondé, de manque de base légale, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont estimé que les détournements de meubles successoraux, allégués par les consorts de B... à l'appui de leur demande d'application des sanctions du recel successoral dont se serait rendu coupable Geoffroy Y..., n'étaient pas établis, celui-ci ayant reçu les meubles en cause des exécuteurs testamentaires qui en avaient la saisine et qui en avaient assuré, sous leur responsabilité, la répartition ; que la cour d'appel a ainsi relevé l'absence de l'élément matériel du recel et légalement justifié sa décision rejetant cette demande ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses trois branches ;
Mais sur les premières branches réunies du troisième moyen, du pourvoi des consorts de B... et du premier moyen du pourvoi de MM. Gilles et Gérald Y... :
Vu l'article 826 du Code civil ;
Attendu que, pour décider que M. Roch Y... a droit à l'attribution en nature d'un nombre d'actions correspondant à ses droits successoraux calculé sur celles possédées par l'indivision successorale avant la vente à laquelle il a été procédé, les juges du fond ont retenu qu'il était autorisé par l'article 826 du Code civil à demander sa part en nature de ces titres et qu'en faisant procéder à cette vente, sans son accord, les co-légataires avaient rompu à leur profit l'égalité du partage ;
Attendu, cependant, que la cession de biens indivis autorisée en vertu de l'article 815-5, alinéa 1er, du Code civil, ne réalise pas un partage puisque le prix de vente se substitue dans l'indivision au bien vendu ; que dès lors en se fondant, pour statuer comme elle a fait, sur les règles de l'égalité du partage et de l'allotissement en nature, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs de chacun des pourvois :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que l'arrêt s'est prononcé sur l'attribution des actions litigieuses, l'arrêt rendu le 19 novembre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.