La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/1996 | FRANCE | N°95-81978

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 novembre 1996, 95-81978


REJET du pourvoi formé par :
- la société Méditerranéenne de transit (Medtrans),
contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, 3e chambre, en date du 2 mars 1995, qui, sur renvoi de cassation, après relaxe de Jean-Pierre X..., Alain Y... et Jean-Jacques Z... du chef d'importation sans déclaration de marchandises prohibées, l'a condamnée au paiement des droits et taxes éludés.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'au cours des années 1982 et 1983 du miel provenant de la Jamaïque a été import

é en France à destination de divers pays de la CEE par la société Elha Trading, rep...

REJET du pourvoi formé par :
- la société Méditerranéenne de transit (Medtrans),
contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, 3e chambre, en date du 2 mars 1995, qui, sur renvoi de cassation, après relaxe de Jean-Pierre X..., Alain Y... et Jean-Jacques Z... du chef d'importation sans déclaration de marchandises prohibées, l'a condamnée au paiement des droits et taxes éludés.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'au cours des années 1982 et 1983 du miel provenant de la Jamaïque a été importé en France à destination de divers pays de la CEE par la société Elha Trading, représentée par la Société méditerranéenne de transit (Medtrans), commissionnaire en douane agréé, qui a procédé à la mise en libre pratique de cette marchandise grâce à des certificats d'origine EUR 1 ; qu'il est apparu que ces certificats n'étaient pas applicables à la marchandise, qui n'était pas d'origine de la Jamaïque, et que les autorités de ce pays ont annulé ces documents ;
Attendu que Jean-Pierre X..., Alain Y... et Jean-Jacques Z..., dirigeants de la société Medtrans, ont été poursuivis du chef de délit réputé importation sans déclaration de marchandises prohibées au moyen de faux documents permettant d'obtenir indûment le bénéfice d'un régime préférentiel prévu par un accord international, en l'espèce, la Convention CEE-ACP de Lomé du 31 octobre 1979, infraction réprimée par l'article 426.5° du Code des douanes ; que la société Medtrans a été citée en qualité de solidairement responsable de ses dirigeants ;
Que les prévenus ont été relaxés par jugement du tribunal correctionnel de Nîmes du 11 septembre 1990 et que l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Nîmes du 29 octobre 1992 a été partiellement cassé par arrêt de la Cour de Cassation du 28 mars 1994 au motif que, selon les articles 369-4 et 377 bis du Code des douanes, la juridiction répressive, lorsqu'elle est saisie d'une demande de l'administration des Douanes ne peut, même en cas de relaxe, dispenser le redevable du paiement des sommes qu'elle reconnaît fraudées ; que la cause a été renvoyée devant la cour d'appel de Toulouse dont l'arrêt fait l'objet du présent pourvoi ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 369.4o, 426.3° et 426.5°, 395, 396, 414, 437 et 399 du Code des douanes, 1350, 1382 et 1384 du Code civil, 388 du Code de procédure pénale et 6, § 3 a, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de réponses aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné la société Medtrans à payer à l'administration des Douanes la somme de 2 700 765 francs au titre des droits et taxes éludés ;
" aux motifs que la relaxe des prévenus est intervenue au motif que ceux-ci font la preuve de leur absolue bonne foi sans que la cour de Nîmes ait reconnu la validité, la régularité et l'authenticité des certificats EUR 1, alors que, par ailleurs, cette Cour a retenu que les autorités jamaïcaines dénoncèrent les autorisations accordées en les qualifiant de faux ;
" que le contrôle a posteriori des certificats EUR 1 effectué à la Jamaïque, à la suite de doutes fondés, non sur l'authenticité de ces certificats, mais quant à l'exactitude des "renseignements relatifs à l'origine réelle de la marchandise" a révélé que le miel n'était pas d'origine jamaïcaine ; que c'est pour cette raison que les certificats EUR 1 ont été invalidés ;
" que dès lors les attestations en date du 2 octobre 1984 et du 5 janvier 1985, la première n'étant pas de surcroît établie par le "Collector of customs" et étant antérieure au contrôle a posteriori, produites par les prévenus, ne peuvent être retenues ;
" que l'invalidation des certificats EUR 1 susvisés entraîne l'inapplicabilité de l'exemption des droits de douane au miel importé auquel ils se rapportaient et les droits éludés s'établissent à 2 700 765 francs ;
" que toutefois la responsabilité pénale des prévenus n'a pas été retenue et aucun d'entre eux n'est le signataire ni le déposant des déclarations d'importation ; qu'ils ne sauraient donc être personnellement tenus au paiement des droits et taxes dus ;
" que par contre les déclarations douanières litigieuses ont été faites par la société Medtrans, commissionnaire en douane agréé, qui, par application de l'article 396 du Code des douanes, est responsable des opérations en douane effectuées par ses soins et sera condamnée à payer la somme de 2 700 765 francs ;
" alors que, d'une part, la cour de Nîmes dont les motifs qui sont le soutien nécessaire de sa décision de relaxe prononcée au profit des prévenus sont passés en force de chose jugée eu égard au caractère limité de la cassation intervenue, ayant constaté qu'un notaire avait authentifié les certificats EUR 1 pour en déduire que les prévenus avaient fait la preuve de leur absolue bonne foi et ayant au surplus adopté les motifs des premiers juges qui avaient également relevé que les autorités jamaïcaines avaient reconnu les certificats comme parfaitement valables et que l'administration des Douanes les avait reconnus authentiques, la cour de renvoi a violé l'autorité de la chose jugée qui s'attache à une décision en prétendant, contre toute évidence, que la cour de Nîmes n'aurait pas reconnu la régularité et l'authenticité des certificats EUR 1 pour refuser d'admettre que la preuve de cette authenticité était rapportée par les prévenus et le civilement responsable tout en constatant pourtant et contradictoirement que cette authenticité n'avait pas été contestée ;
" alors que, d'autre part, la société Medtrans ayant été citée directement par les Douanes le 28 mai 1990 devant la juridiction correctionnelle pour l'audience du 12 juin 1990 en qualité de civilement et solidairement responsable de ses dirigeants et préposés, prévenus d'infractions douanières qui ont bénéficié d'une décision de relaxe devenue définitive, et ont été déchargé de toute condamnation au paiement des droits éludés par l'arrêt attaqué, la Cour a outrepassé les limites de sa saisine et violé l'article 388 du Code de procédure pénale ainsi que les droits de la défense en entrant en voie de condamnation à l'encontre de cette seule personne morale ;
" qu'en outre, s'agissant d'un commissionnaire en douane agréé qui a effectué sur le territoire français des opérations de mise en libre pratique de marchandises en provenance de la Jamaïque accompagnées de certificats EUR 1 émis par les autorités de ce pays et dont l'authenticité n'a jamais été contestée par elles, la cour de renvoi a violé l'article 396 du Code des douanes en invoquant ce texte pour condamner ledit commissionnaire en douane au paiement des droits et taxes éludés du fait de cette importation sous prétexte que les certificats EUR 1 avaient été ultérieurement invalidés parce que l'origine de la marchandise qui y figurait était inexacte ; qu'en effet ces circonstances ne font apparaître l'existence d'aucune faute ni pénale ni civile ni même d'aucun manquement à ses obligations, qui aurait été commis par le commissionnaire en douane dans l'exécution de sa mission et qui serait de nature à entraîner sa responsabilité ;
" et qu'enfin, s'il résulte de la combinaison des articles 377 bis et 369-4 du Code des douanes que le redevable des droits et taxes doit être condamné au paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues, ces textes ne sauraient justifier la condamnation d'un commissionnaire en Douane dont il n'a jamais été prétendu qu'il ait pris part à la fraude commise dans le pays exportateur de la marchandise et qui a amené les autorités douanières de ce pays à établir des certificats EUR 1 inapplicables ; qu'en effet le redevable des sommes fraudées ou indûment obtenues n'est pas le commissionnaire en douane, qui s'est borné à effectuer des opérations de mise en libre pratique régulières au vu de documents authentiques, mais l'exportateur ou l'importateur de la marchandise " ;
Sur le moyen pris en sa première branche :
Attendu que la demanderesse ne saurait prétendre que l'arrêt attaqué aurait méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, en ses dispositions non censurées ayant reconnu la validité et l'authenticité des certificats EUR 1, dès lors que la cour d'appel de Toulouse relève qu'au contraire, la première cour d'appel a constaté que les autorités jamaïcaines ont dénoncé les autorisations accordées, qualifiées par elles de faux, et qu'elle a relaxé les prévenus en se fondant exclusivement sur leur bonne foi ;
Sur le moyen pris en ses autres branches :
Attendu que la juridiction de renvoi, après avoir constaté que le miel importé ne pouvait bénéficier d'aucune préférence tarifaire et que les droits éludés s'élevaient à la somme de 2 700 765 francs, énonce que les dirigeants de la société Medtrans, qui n'ont été ni les signataires ni les déposants des déclarations d'importation, ne sauraient être tenus personnellement des droits et taxes dus ; qu'elle relève, en revanche, que les déclarations douanières ont été faites par la société Medtrans et que, celle-ci étant responsable des opérations effectuées par ses soins, elle l'a condamnée, en la personne de son représentant légal, au paiement des droits éludés, par application de l'article 396 du Code des douanes ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'en sa qualité de commissionnaire en douane agréé, la société Medtrans était redevable des sommes fraudées au sens de l'article 369.4° du Code précité, la cour d'appel, qui n'a pas excédé les limites de sa saisine, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen, qui n'est fondé en aucune de ses branches, ne peut être admis ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 25 du titre II de la Convention de Lomé en date du 31 octobre 1979 :
" en ce que l'arrêt attaqué était saisi du moyen mettant en cause l'irrégularité de la procédure diligentée par l'Administration en raison de l'absence de demande de garantie adressée à l'importateur dans le cadre du contrôle a posteriori ;
" aux motifs qu'aucune disposition de la Convention de Lomé ne limite le moment où les autorités du pays d'importation procèdent aux formalités de dédouanement ;
" alors que, d'une part, la Cour n'a pas répondu aux conclusions faisant état de l'obligation pour la Douane de libérer la marchandise moyennant garantie ;
" alors, d'autre part, que la Cour a méconnu l'article 25 du titre II de la Convention de Lomé en ne vérifiant pas si la Douane n'avait pas commis d'irrégularité de procédure en n'exigeant aucune garantie à l'arrivée de la marchandise à Marseille " ;
Attendu que, pour rejeter les conclusions de la société Medtrans, qui soutenait que la procédure prévue par l'article 25 du titre II de la Convention de Lomé, en date du 31 octobre 1979, n'avait pas été respectée, les juges énoncent qu'aucun élément du dossier ne laisse apparaître que l'invalidation des certificats EUR 1 soit intervenue en méconnaissance des dispositions de cette convention ; qu'ils relèvent notamment que les résultats du contrôle ont été portés à la connaissance des autorités de la CEE dans le délai de 3 mois prévu par ce texte et qu'aucune disposition ne limite le moment où les autorités du pays d'importation peuvent demander un contrôle a posteriori sur les conditions de délivrance des documents ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que, selon l'article 25 de la Convention précitée, dans tous les cas, le règlement des litiges entre l'importateur et les autorités douanières de l'Etat d'importation reste soumis à la législation de celui-ci, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-81978
Date de la décision : 28/11/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DOUANES - Importation sans déclaration - Marchandises - Etablissement de faux documents - Obtention indue du bénéfice d'un régime préférentiel - Relaxe des prévenus - Condamnation au paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues.

DOUANES - Peines - Paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues - Condamnation - Condition

Il résulte des dispositions combinées des articles 369-4 et 377 bis du Code des douanes que la juridiction répressive, lorsqu'elle est saisie d'une demande de l'administration des Douanes, ne peut, même en cas de relaxe, dispenser le redevable du paiement des sommes qu'elle reconnaît fraudées ou indûment obtenues. Le commissionnaire en douane agréé, qui a effectué les déclarations douanières et qui est responsable des opérations faites par ses soins, est redevable des droits éludés au sens de l'article 369-4 du Code des douanes. (1).


Références :

Code des douanes 369.4, 377 bis

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 02 mars 1995

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1994-03-28, Bulletin criminel 1994, n° 116, p. 255 (assation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 nov. 1996, pourvoi n°95-81978, Bull. crim. criminel 1996 N° 439 p. 1286
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 439 p. 1286

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Culié, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Schumacher.
Avocat(s) : Avocats : M. Choucroy, la SCP Boré et Xavier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:95.81978
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award