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27/11/1996 | FRANCE | N°95-83483

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 novembre 1996, 95-83483


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 23 mai 1995, qui, dans la procédure suivie contre Hervé X... pour exercice illégal de la pharmacie, l'a débouté de sa demande après avoir relaxé le prévenu.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de la directive 65 / 65 / CEE, des articles L. 511, L. 512 et L. 517 du Code de la santé publique, 593 du Code de procédur

e pénale, manque de base légale, défaut et contradiction de motifs :
" en c...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 23 mai 1995, qui, dans la procédure suivie contre Hervé X... pour exercice illégal de la pharmacie, l'a débouté de sa demande après avoir relaxé le prévenu.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de la directive 65 / 65 / CEE, des articles L. 511, L. 512 et L. 517 du Code de la santé publique, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut et contradiction de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Hervé X... des fins de la poursuite pour exercice illégal de la pharmacie et a en conséquence débouté la partie civile de ses demandes ;
" aux motifs, d'une part, que, sur la notion de médication (sic) par présentation, il a été estimé à juste raison en première instance que le produit en cause, déclaré par son fabricant comme conçu par " le spécialiste des compléments alimentaires de la forme " ne constitue pas un médicament par présentation ; que, pour se déterminer ainsi, le tribunal, après avoir relevé que le produit " Juvamine vitamine C " est présenté en sachet de poudre comme " énergie à boire ", ou en comprimés à croquer comme " énergie à croquer ", qu'il est défini comme un complément nutritionnel indispensable à l'énergie, sans sucre, particulièrement destiné aux personnes suivant un régime amincissant ou soucieux de protéger leurs dents, a noté que sur l'emballage du produit apparaissent des conseils d'utilisation et la composition par sachet ou par comprimé (180 mg), et qu'il n'est fait mention d'aucune posologie ni action thérapeutique contre une quelconque maladie ; que la Cour fait siens ces motifs pertinents, et que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit la prévention non établie sur ce point, tant au regard des dispositions de l'article L. 511 du Code de la santé publique qu'au regard de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (Y..., 30 novembre 1983, Z... et A... 21 mars 1991, B..., 21 mars 1991) selon laquelle constitue un médicament par présentation un produit qui est présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives au sens de la directive 65 / 65 du Conseil des Communautés européennes du 26 janvier 1965, non seulement lorsqu'il est décrit ou recommandé expressément comme tel, éventuellement au moyen d'étiquettes, de notices ou d'une présentation orale, mais également chaque fois qu'il apparaît, aux yeux d'un consommateur moyennement avisé, que ledit produit devrait, eu égard à sa présentation, avoir les propriétés dont s'agit ;
" et aux motifs, d'autre part, que, sur la notion de médicament par fonction, il ressort des décisions précitées que pour déterminer, au regard de la directive susvisées, si un produit constitue un médicament par fonction, il appartient aux autorités nationales de tenir compte, sous le contrôle du juge, des adjuvants complétant la composition du produit, des modalités d'emploi du produit, de l'ampleur de sa diffusion, de la connaissance qu'en ont les consommateurs et des risques que peut entraîner son utilisation ; que, pour décider si un produit doit être qualifié d'aliment ou de médicament, il convient d'opérer au cas par cas, au regard des propriétés pharmaceutiques du produit considéré telles qu'elles peuvent être établies en l'état de la connaissance scientifique (B..., 21 mars 1991), de ses modalités d'emploi, de l'ampleur de sa diffusion et de la connaissance qu'en ont les consommateurs (C..., 16 avril 1991) ; qu'il en est ainsi notamment de la qualification à apporter à une vitamine (Y..., 30 novembre 1983), étant précisé qu'il est impossible, dans l'état actuel de la science, d'indiquer si le critère de concentration peut, à lui seul, toujours suffire à juger qu'une préparation vitaminée constitue un médicament, ni a fortiori de préciser à partir de quel degré de concentration une telle préparation vitaminée tomberait sous la définition communautaire du médicament ; que, par un arrêt rendu le 6 mars 1992, l'assemblée plénière de la Cour de Cassation a également décidé que, pour savoir si un produit constitue un médicament par fonction, les juges doivent, d'une part, procéder à une analyse concrète du produit, au sens de la jurisprudence communautaire, afin de vérifier si le produit peut être administré en vue de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques, et, d'autre part, rechercher les propriétés pharmaceutiques du produit en l'état actuel de la connaissance scientifique, de ses modalités d'emploi, de l'ampleur de sa diffusion et de la connaissance qu'en ont les consommateurs ; qu'il résulte des expertises qui ont été effectuées dans le cadre d'autres procédures en application des critères ci-dessus définis, soit à la demande de juridictions, soit à la demande des parties, mais qui ont été soumises aux débats contradictoires dans la présente affaire :
" que, la vitamine C doit être tenue pour un médicament à part entière ; que les quelques données toxicologiques, en particulier la formation de calculs rénaux, et les propriétés biochimiques de ce produit font que la vitamine C qui participe à beaucoup de métabolismes intermédiaires de notre organisme, peut créer des désordres pathologiques de carence chez des sujets à risques ; que la vitamine C est un excitant et peut provoquer des insomnies, en particulier chez l'enfant ou chez l'adolescent, et que ces insomnies peuvent avoir des conséquences graves chez ces sujets (expertise du professeur G... pour un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Bar-le-Duc, 11 mai 1984) ;
" que, selon ce même expert, toutefois (expertise effectuée pour le tribunal de grande instance d'Angers le 16 juin 1986), il y a lieu de rappeler les frontières qui existent pour une molécule naturelle simple, comme la vitamine C, entre un aliment, un produit diététique et un médicament ; que la distinction, pour cette molécule, entre aliment, produit diététique ou médicament tient compte de sa concentration dans le produit considéré, de sa prise journalière et de la pathologie du patient ; que lorsque la vitamine C, constituant naturel, est apportée dans l'organisme par l'alimentation, la quantité journalière absorbée se situe aux alentours de 30 à 70 mg, et que dans ce cas, la vitamine C est un constituant privilégié de l'aliment, mais non un principe médicamenteux ; que lorsque la vitamine C est utilisée comme agent conservateur ou ajoutée à un produit diététique à structure spéciale et à teneur garantie, la prise quotidienne de 100 à 200 mg par jour est établie pour corriger un déséquilibre ou un besoin accru (enfants, sportifs...), et que, dans ce cadre, il faut considérer qu'il s'agit d'un acte diététique, voire d'un acte médical, car l'on corrige un équilibre biologique ; qu'enfin, lorsque la vitamine C, en tant que molécule, est absorbée seule, quotidiennement, à des doses variant de 600 à 1 000 mg par jour, cet aliment n'a plus rien de commun avec l'aliment ou le produit diététique, et constitue un médicament ; qu'en revanche, selon les professeurs D..., docteur en médecine, professeur de pharmacologie à la Faculté de médecine de Cochin-Port-Royal, Jean E..., professeur titulaire de thérapeutique, médecin-chef des hôpitaux de Bordeaux, et Henri F..., docteur en médecine, professeur de pharmacologie à la faculté de médecine Broussais Hôtel-Dieu, dont les conclusions ont été contradictoirement discutées aux cours des débats, la vitamine C ne modifie aucune fonction organique en tenant compte de la pharmacologie moderne ; qu'elle a le caractère d'un complément alimentaire ; que ces appréciations divergentes et ces incertitudes introduisent un doute quant à la définition exacte du produit litigieux, et que, dans ces conditions, dès lors qu'il n'est pas formellement établi que le produit en cause constitue un médicament, ce doute doit profiter au prévenu, qui doit être relaxé des fins de la poursuite ;
" alors, d'une part, qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée par les conclusions du demandeur, si la Juvamine 500 vitamine C, compte tenu d'éléments de présentation qui, sans alléguer expressément le traitement d'une affection précise, avaient néanmoins pour objet de donner l'impression qu'il s'agissait d'un médicament, pouvait apparaître aux yeux d'un consommateur moyennement avisé comme ayant des effets thérapeutiques et par conséquent comme médicament, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que l'article L. 511 du code de la santé publique définit le médicament " par fonction " comme un produit " administré en vue de restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques " c'est-à-dire par l'usage auquel le produit est destiné et non par son efficacité réelle ou supposée, d'où il suit qu'en déniant la qualification de médicament à la Juvamine 500 vitamine C sur la base exclusive de considérations relatives à la preuve de son efficacité thérapeutique, la cour d'appel a ajouté à la loi des conditions qui n'y figurent pas, violant ainsi les textes susvisés ;
" alors, enfin, qu'en énonçant que, selon la directive 65 / 65, et l'article L. 511 du Code de la santé publique, la qualification d'un médicament par fonction doit tenir compte " des risques que peut entraîner son utilisation " (arrêt, page 10, 1er alinéa) et qu'en l'espèce il résultait de l'expertise du professeur G... que la vitamine C " peut créer des désordres pathologiques de carence chez des sujets à risques... et peut provoquer des insomnies, en particulier chez l'enfant ou chez l'adolescent, et que ces insomnies peuvent avoir des conséquences graves chez ces sujets " (arrêt, page 11, 1er alinéa), pour en déduire néanmoins que la qualification de la Juvamine 500 vitamine C comme médicament n'était pas établie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, selon l'article L. 511 du Code de la santé publique, sont considérés comme médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal en vue de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la Société européenne de diffusion (SED), dont Hervé X..., qui n'a pas la qualité de pharmacien, est le directeur, fabrique et commercialise un produit dénommée " Juvamine 500 vitamine C " qui a été mis en vente notamment dans un supermarché ; qu'Hervé X... a été poursuivi pour exercice illégal de la pharmacie ;
Attendu qu'après avoir constaté que le produit mis en vente n'était pas présenté comme un médicament le tribunal correctionnel a néanmoins retenu que ce produit, qui contient de la vitamine C dosée à 180 mg, est un composé habituellement prescrit en association avec d'autres médicaments en vue de corriger une déficience de l'organisme ou de la restaurer et que l'absence de posologie et de toute mention d'indication ou de contre-indication crée un risque pour le consommateur ; que les juges en ont déduit que le produit mis en vente entre dans les prévision de l'article L. 511 précité ;
Attendu que, pour infirmer ce jugement, relaxer le prévenu et débouter la partie civile de sa demande, la juridiction du second degré, après avoir énoncé qu'il convient de procéder à une analyse concrète du produit, se borne à analyser les conclusions divergentes de plusieurs rapports d'expertise aux débats et en conclut qu'un doute subsiste sur les effets réels d'un tel produit à base de vitamine C sur l'organisme et qu'il n'est ainsi pas établi de manière formelle que celui-ci constitue un médicament ;
Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte alors que l'article L. 511 susvisé, qui porte définition du médicament, n'exige pas que les effets du produit sur l'organisme soient scientifiquement démontrés mais se réfère à l'usage auquel il est destiné en vue notamment de restaurer ou corriger les fonctions organiques, la cour d'appel, qui a méconnu le texte et le principe susénoncés, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 mai 1995 mais en ses seules dispositions civiles, et, pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-83483
Date de la décision : 27/11/1996
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Pharmacien - Spécialités pharmaceutiques - Médicament - Médicament par présentation ou par fonction - Médicament par fonction - Définition.

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Pharmacien - Exercice illégal de la profession - Médicaments - Définition

L'article L. 511 du Code de la santé publique, qui porte définition du médicament, n'exige pas que les effets du produit sur l'organisme soient scientifiquement démontrés mais se réfère à l'usage auquel il est destiné en vue notamment de restaurer ou corriger les fonctions organiques. Encourt dès lors la censure l'arrêt de la cour d'appel qui, pour retenir qu'il n'est pas établi qu'un produit à base de vitamine C constitue un médicament, énonce, après avoir analysé les conclusions divergentes de plusieurs expertises, qu'un doute subsiste sur les effets réels d'un tel produit. (1).


Références :

Code de la santé publique L511

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 mai 1995

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1989-10-24, Bulletin criminel 1989, n° 377, p. 905 (rejet : arrêts n°s 1 et 2)

arrêt cité ;

Chambre criminelle, 1989-12-19, Bulletin criminel 1989, n° 492, p. 1203 (cassation partielle)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 nov. 1996, pourvoi n°95-83483, Bull. crim. criminel 1996 N° 435 p. 1270
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 435 p. 1270

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Blin, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Ferrari.
Avocat(s) : Avocats : M. Choucroy, la SCP Célice et Blancpain.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:95.83483
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