REJET des pourvois formés par :
- X... Bernard,
- Y... Patrick,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, en date du 19 octobre 1995, qui a condamné le premier pour complicité d'escroquerie à 18 mois d'emprisonnement dont 6 mois avec sursis, le second pour escroquerie à 2 ans d'emprisonnement dont 6 mois avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I. Sur le pourvoi de Bernard X... :
Attendu qu'aucun moyen de cassation n'est proposé par ce demandeur ;
II. Sur le pourvoi de Patrick Y... :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, paragraphe 3 d, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 513 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande d'audition d'un témoin à décharge présentée par le demandeur et l'a condamné à une peine de 2 ans d'emprisonnement dont 6 mois avec sursis ;
" aux motifs qu'il y a lieu d'observer que les faits soumis à l'examen de la Cour se sont déroulés il y a près de 4 ans ; que le nom de Z... n'apparaît dans aucune des pièces du dossier et n'a jamais été cité par aucun des mis en cause ; que l'intéressé ne s'est fait connaître à aucun stade de l'instance pénale ; qu'aucun élément de fait précis n'est avancé pour justifier de l'intérêt de cette demande d'audition et de son éventuelle contribution à la manifestation de la vérité ;
" 1° alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 6, paragraphe 3 d, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tout accusé a droit à interroger et à faire interroger les témoins à charge et à obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; qu'en l'espèce, en refusant de faire citer à la barre le témoin à décharge dont le prévenu avait demandé l'audition, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
" 2° alors, d'autre part, que la cour d'appel qui refuse d'entendre un témoin dont l'audition a été légalement sollicitée doit justifier sa décision en exposant les circonstances particulières qui font obstacle à la confrontation ou sont de nature à la priver de toute force probante ; qu'en l'espèce, en se bornant à énoncer, en termes généraux et abstraits, sans référence aux charges invoquées contre le prévenu ni à l'obligation d'assurer un procès équitable, que " l'éventuelle contribution (de l'audition du témoin) à la manifestation de la vérité " n'était pas justifiée, la cour d'appel a méconnu les principes susvisés et privé sa décision de motifs ;
" 3°) alors, enfin, qu'aucun texte ne subordonne l'audition des témoins à décharge au fait qu'ils se soient fait connaître au cours de l'instance pénale ou que leur nom apparaisse dans les pièces de la procédure ; qu'en l'espèce, en subordonnant l'audition du témoin à décharge à une telle condition, et en omettant de rechercher si des éléments nouveaux n'étaient pas de nature à justifier la mesure sollicitée, l'arrêt attaqué a ajouté à l'article 513 du Code de procédure pénale une condition qu'il ne comporte pas et l'a, par conséquent, violé " ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'audition d'un témoin présentée pour la première fois en cause d'appel par Patrick Y..., qui avait comparu en première instance, l'arrêt attaqué relève " que le nom de ce témoin n'apparaît dans aucune pièce du dossier et n'a jamais été cité par aucun des mis en cause " ;
Que les juges ajoutent " qu'aucun élément de fait précis n'est avancé pour justifier de l'intérêt de cette demande d'audition et de son éventuelle contribution à la manifestation de la vérité " ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que le prévenu n'avait pas fait citer le témoin devant les premiers juges, ainsi que le lui permettaient les articles 435 et 444 du Code de procédure pénale, la cour d'appel, qui a usé, sans méconnaître les dispositions de l'article 6, paragraphe 3 d, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la faculté dont elle dispose en vertu de l'article 513 du Code de procédure pénale, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 2 de la Constitution, 5, 6 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-19, alinéas 2, et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à une peine d'emprisonnement ferme ;
" aux motifs que les faits, qui ont profondément et durablement troublé l'ordre public en raison de la qualité d'un des mis en cause, sont d'une particulière gravité et justifient l'application de sanctions pénales sévères allant jusqu'à l'emprisonnement ferme pour les auteurs principaux qui ont été Patrick Y..., Bernard X... et de Jacques A... ;
" 1°) alors, d'une part, que l'article 132-19, alinéa 2, du Code pénal nouveau impose qu'en matière correctionnelle le choix d'une peine d'emprisonnement sans sursis soit spécialement motivé ; qu'il ne résulte pas des énonciations de l'arrêt que ce choix ait été spécialement motivé par référence aux circonstances de l'infraction et à la personnalité de son auteur ; que, dès lors, la condamnation doit être annulée dans son ensemble ;
" 2°) alors, d'autre part, qu'en affirmant que le trouble à l'ordre public résultait de la qualité d'administrateur judiciaire du prévenu, l'arrêt attaqué a méconnu le principe d'égalité devant la loi, tel qu'il résulte de la Déclaration des droits de l'homme, de la Constitution et de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme pour l'application des principes fondamentaux des articles 5 et 6 de la même Convention ; que, selon ces articles, toute personne a droit à sa liberté et ne peut donc être détenue qu'après condamnation par un tribunal impartial au terme d'une procédure équitable ; que, dès lors, en l'espèce, une peine d'emprisonnement ferme ne pouvait être prononcée en raison de la qualité professionnelle de l'auteur présumé des faits, sans entraîner la violation des textes et principes susvisés " ;
Attendu que, pour condamner Patrick Y..., déclaré coupable d'escroquerie, à une peine d'emprisonnement partiellement sans sursis, l'arrêt confirmatif attaqué, après avoir énoncé que le prévenu, exerçant la profession d'administrateur judiciaire, a organisé avec plusieurs complices un cambriolage simulé en vue de percevoir une indemnité de sa compagnie d'assurances, retient la particulière gravité des faits, " qui ont profondément et durablement troublé l'ordre public en raison de la qualité " du demandeur ;
Attendu qu'en prononçant ainsi les juges, qui ont pu, sans violer les dispositions conventionnelles invoquées, tenir compte de la profession du prévenu pour personnaliser la peine, ont fait l'exacte application des articles 132-19 et 132-24 du Code pénal ;
Que, dès lors, le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.