La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/11/1996 | FRANCE | N°94-17369

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 novembre 1996, 94-17369


Sur le moyen unique, pris en ses huit branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société France Télécom a commercialisé une carte téléphonique dénommée " Pastel ", qui permet à ses utilisateurs de téléphoner de tout poste public ou privé situé en France ou à l'étranger sans avoir à payer le prix de la communication, dont le montant est débité directement sur le compte du titulaire de la carte auquel une facturation détaillée est ensuite adressée ; que cette carte comporte un numéro gravé sur l'une de ses faces et un numéro de code secr

et qui est attribué à chaque titulaire ; que, lorsque l'abonné téléphone sur le...

Sur le moyen unique, pris en ses huit branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société France Télécom a commercialisé une carte téléphonique dénommée " Pastel ", qui permet à ses utilisateurs de téléphoner de tout poste public ou privé situé en France ou à l'étranger sans avoir à payer le prix de la communication, dont le montant est débité directement sur le compte du titulaire de la carte auquel une facturation détaillée est ensuite adressée ; que cette carte comporte un numéro gravé sur l'une de ses faces et un numéro de code secret qui est attribué à chaque titulaire ; que, lorsque l'abonné téléphone sur le réseau automatique, il compose successivement le numéro qui lui permet d'entrer dans le service, celui qui figure sur sa carte, son code secret et enfin le numéro de téléphone de son correspondant et, lorsqu'il téléphone en France depuis l'étranger, sans que la communication soit automatique, il donne à l'opérateur de France Télécom le numéro de sa carte, celui de son code et celui du correspondant qu'il veut atteindre ; que le contrat d'accès à ce service stipule, dans son article 6, que, " ... Pour les communications passées depuis l'étranger par l'intermédiaire d'un opérateur de ce pays, le code ne doit pas être communiqué. Dans le cas contraire, France Télécom dégage toute responsabilité " ; qu'estimant que le fait de donner son numéro de code confidentiel à un opérateur qui n'est pas étranger présente des risques pour l'abonné, l'association Union fédérale des consommateurs (UFC) a assigné France Télécom pour le faire constater et faire déclarer abusifs et réputés non écrits les articles 6 et 10 du contrat stipulant, notamment, que " l'usager est seul responsable de l'utilisation et de la conservation de sa carte " et que France Télécom ne peut être déclaré responsable des " conséquences de l'impossibilité pour l'abonné d'utiliser sa carte par suite de son altération, ou du fonctionnement défectueux des matériels de France Télécom, de leur non-fonctionnement ou de leur mauvaise utilisation... " ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 10 mai 1994) a débouté l'UFC de ses demandes ;

Attendu que l'UFC reproche à l'arrêt de s'être prononcé ainsi, alors que, d'une part, en refusant de supprimer comme abusives les clauses qui imposent le secret, lequel ne peut être entièrement respecté par l'utilisateur, la cour d'appel aurait violé, par refus d'application, l'article L. 132-1 du Code de la consommation ; que, de deuxième part, en refusant de supprimer l'article 6 comme abusif, en dépit du déséquilibre significatif créé entre l'obligation au secret imposée au titulaire de la carte et le droit de celui-ci de communiquer son code prétendument confidentiel à tout opérateur français, la cour d'appel aurait violé l'article 1134 du Code civil dont il résulte qu'une clause qui n'a pas fait l'objet d'une négociation individuelle doit être supprimée lorsque, malgré les exigences de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat ; que, de troisième part, en refusant d'annuler la clause de l'article 10 du contrat selon laquelle l'abonné est seul responsable de l'utilisation et de la conservation de sa carte, qui aboutit à supprimer la responsabilité découlant de la violation par France Télécom d'une obligation essentielle, à savoir l'obligation de garantie, et procure un avantage excessif à France Télécom qui, du fait de sa position économique, se trouve en mesure de l'imposer à sa clientèle, et caractérise ainsi l'abus, la cour d'appel aurait violé par refus d'application l'article L. 132-1 du Code de la consommation ; alors que, de quatrième part, en refusant d'annuler les stipulations de l'article 10, alinéa 3, qui font peser sur le consommateur toutes les conséquences du dysfonctionnement d'un matériel auquel il n'a pas accès et dont France Télécom a la maîtrise exclusive, la cour d'appel aurait encore violé l'article L. 132-1 du Code de la consommation ; que, de cinquième part, en refusant d'annuler cette même clause bien qu'elle supprime tout droit à réparation du consommateur en cas de manquement de France Télécom à ses obligations, la cour d'appel aurait violé par refus d'application l'article 2 du décret du 24 mars 1978 ; que, de sixième part, en refusant de supprimer l'article 10 en dépit du déséquilibre créé entre la responsabilité exclusive de l'abonné, résultant du premier alinéa, et l'irresponsabilité totale de France Télécom résultant de l'alinéa 3, la cour d'appel aurait méconnu l'article 1134 du Code civil ; que, de septième part, en refusant d'éliminer une clause ayant pour effet de conférer à l'usage de la carte avec le code confidentiel une valeur probante que le titulaire de la carte ne peut combattre, la cour d'appel aurait violé la recommandation de la Commission des clauses abusives n° 94-02 du 27 septembre 1994 ; qu'enfin, en refusant de supprimer les clauses 6 et 10 du contrat carte Pastel, manifestement contraires aux dispositions des articles 4, 12 et 15 de la recommandation de synthèse n° 91-2 de la Commission des clauses abusives, la cour d'appel aurait violé ces mêmes dispositions ;

Mais attendu, d'abord, que la clause de confidentialité du code d'utilisation de la carte, loin de constituer une clause abusive, apparaît comme la contrepartie, nécessaire pour la sauvegarde des intérêts des abonnés, de la commodité d'utilisation du réseau téléphonique aménagée par le service proposé ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel, qui a souligné que France Télécom demeurait responsable de ses propres opérateurs, a dit que la demande d'annulation de cette clause n'était pas justifiée, que ce soit au regard de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ou en vertu de l'article 1134 du Code civil auquel le pourvoi prête une portée dont ce texte est dépourvu ; qu'ensuite la clause stipulant que la responsabilité de l'utilisation et de la conservation de la carte incombe à son titulaire, qui n'emporte aucune dispense de l'obligation de garantie au bénéfice de France Télécom, dont, par motif expressément adopté, les juges du fond ont relevé qu'il s'obligeait à remplacer les cartes défectueuses, n'est pas davantage entachée d'abus ; que c'est donc à juste titre, également, que la cour d'appel, qui relève que la clause n'est pas en contradiction avec les principes qui régissent la responsabilité civile, énonce qu'elle n'a aucun caractère abusif ; qu'ensuite encore la clause stipulant que France Télécom ne saurait être tenue pour responsable des conséquences résultant pour l'abonné de l'altération et du fonctionnement défectueux de son matériel ou de la mauvaise utilisation de celui-ci ne relève pas de l'article 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, qui ne concerne que la vente ; que cette clause, qui ne tend, dans le cadre du service spécifique convenu, lequel vise à donner, avec un service de facturation, un mode d'accès facilité aux réseaux téléphoniques interne et international, qu'à interdire à l'abonné d'invoquer les dysfonctionnements propres à ces réseaux, et dont la cour d'appel a relevé que, pas plus que la précédente, elle ne conférait à France Télécom un avantage excessif, n'est pas abusive ; qu'enfin les recommandations de la Commission des clauses abusives ne sont pas génératrices de règles dont la méconnaissance ouvre la voie de la cassation ; qu'il suit de là que le moyen, qui n'est pas fondé en ses six premières branches, est inopérant en ses deux dernières ;

Et attendu que le pourvoi est abusif ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 94-17369
Date de la décision : 13/11/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Clauses abusives - Domaine d'application - Société France Télécom - Carte téléphonique " Pastel " - Clause de confidentialité du code d'utilisation de la carte - Contrepartie nécessaire de la commodité d'utilisation du réseau téléphonique aménagée par le service proposé - Clause abusive (non).

1° CONTRATS ET OBLIGATIONS - Nullité - Clause nulle - Clause abusive - Protection des consommateurs - Domaine d'application - Société France Télécom - Carte téléphonique " Pastel " - Clause de confidentialité du code d'utilisation de la carte - Contrepartie nécessaire de la commodité d'utilisation du réseau téléphonique - Caractère abusif (non) 1° POSTES TELECOMMUNICATIONS - Société France Télécom - Carte téléphonique " Pastel " - Commercialisation - Clauses abusives (non).

1° La clause de confidentialité du code d'utilisation de la carte téléphonique " Pastel " commercialisée par la société France Télécom, loin de constituer une clause abusive, apparaît comme la contrepartie, nécessaire pour la sauvegarde des intérêts des abonnés, de la commodité d'utilisation du réseau téléphonique aménagée par le service proposé ; c'est donc à bon droit qu'une cour d'appel, qui a souligné que France Télécom demeurait responsable de ses propres opérateurs, a dit que la demande d'annulation de cette clause n'était pas justifiée, que ce soit au regard de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ou en vertu de l'article 1134 du Code civil auquel le pourvoi prête une portée dont ce texte est dépourvu.

2° PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Clauses abusives - Domaine d'application - Société France Télécom - Carte téléphonique " Pastel " - Conséquences pour l'abonné de l'altération et du fonctionnement défectueux du matériel de France Télécom ou de sa mauvaise utilisation - Responsabilité - Clause exonératoire - Clause ne visant qu'à interdire à l'abonné d'invoquer les dysfonctionnements propres aux réseaux interne et international - Clause abusive (non).

2° CONTRATS ET OBLIGATIONS - Nullité - Clause nulle - Clause abusive - Protection des consommateurs - Domaine d'application - Société France Télécom - Carte téléphonique " Pastel " - Conséquences pour l'abonné de l'altération et du fonctionnement défectueux du matériel de France Télécom ou de sa mauvaise utilisation - Responsabilité - Clause exonératoire - Clause ne visant qu'à interdire à l'abonné d'invoquer les dysfonctionnements propres aux réseaux interne et international - Caractère abusif (non) 2° POSTES TELECOMMUNICATIONS - Société France Télécom - Carte téléphonique " Pastel " - Commercialisation - Clauses abusives (non).

2° La clause stipulant que France Télécom ne saurait être tenu, à l'occasion de l'utilisation de la carte " Pastel " qu'elle commercialise, pour responsable des conséquences résultant pour l'abonné de l'altération et du fonctionnement défectueux de son matériel ou de la mauvaise utilisation de celui-ci ne relève pas de l'article 2 du décret du 24 mars 1978, qui ne concerne que la vente ; cette clause, qui ne tend dans le cadre du service spécifique convenu, lequel vise à donner, avec un service de facturation, un mode d'accès facilité aux réseaux téléphoniques interne et international, qu'à interdire à l'abonné d'invoquer les dysfonctionnements propres à ces réseaux, et dont la cour d'appel a relevé qu'elle ne conférait pas à France Télécom un avantage excessif, n'est pas abusive.

3° PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Clauses abusives - Domaine d'application - Société France Télécom - Carte téléphonique " Pastel " - Clause imputant au titulaire la responsabilité de l'utilisation et de la conservation de la carte - Clause n'emportant aucune dispense de l'obligation de garantie de France Télécom - Clause abusive (non).

3° CONTRATS ET OBLIGATIONS - Nullité - Clause nulle - Clause abusive - Protection des consommateurs - Domaine d'application - Société France Télécom - Carte téléphonique " Pastel " - Clause imputant au titulaire la responsabilité de l'utilisation et de la conservation de la carte - Clause n'emportant aucune dispense de l'obligation de garantie de France Télécom - Caractère abusif (non) 3° POSTES TELECOMMUNICATIONS - Société France Télécom - Carte téléphonique " Pastel " - Commercialisation - Clauses abusives (non).

3° La clause stipulant que la responsabilité de l'utilisation et de la conservation de la carte " Pastel " commercialisée par France Télécom incombe à son titulaire, qui n'emporte aucune dispense de l'obligation de garantie au bénéfice de France Télécom, dont les juges du fond ont relevé qu'il s'obligeait à remplacer les cartes défectueuses, n'est pas entachée d'abus ; c'est donc à juste titre que la cour d'appel, qui a relevé que la clause n'était pas en contradiction avec les principes qui régissent la responsabilité civile, a énoncé qu'elle n'avait aucun caractère abusif.

4° PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Clauses abusives - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Règles dont la méconnaissance ouvre la voie de la cassation (non).

4° CASSATION - Moyen - Moyen inopérant - Protection des consommateurs - Clauses abusives - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Règles dont la méconnaissance ouvre la voie de la cassation (non).

4° Les recommandations de la Commission des clauses abusives ne sont pas génératrices de règles dont la méconnaissance ouvre la voie de la cassation.


Références :

1° :
2° :
Code civil 1134
Code de la consommation L132-1
Décret 78-464 du 24 mars 1978 art. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 mai 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 nov. 1996, pourvoi n°94-17369, Bull. civ. 1996 I N° 399 p. 279
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1996 I N° 399 p. 279

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey .
Avocat général : Avocat général : M. Roehrich.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Aubert.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Vier et Barthélemy, la SCP Monod.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:94.17369
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award