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07/11/1996 | FRANCE | N°96-80403

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 novembre 1996, 96-80403


REJET du pourvoi formé par :
- X... Joseph,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 8 décembre 1995, qui, pour exportation de capitaux sans déclaration, l'a condamné à des pénalités douanières.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 112-1 et 121-3 du nouveau Code pénal, de l'article 339 de la loi d'adaptation du 16 décembre 1992, de la loi du 8 juillet 1987 abrogeant les dispositions de l'article 369-2° du Code des douanes, de l'article 593 du Code

de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que ...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Joseph,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 8 décembre 1995, qui, pour exportation de capitaux sans déclaration, l'a condamné à des pénalités douanières.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 112-1 et 121-3 du nouveau Code pénal, de l'article 339 de la loi d'adaptation du 16 décembre 1992, de la loi du 8 juillet 1987 abrogeant les dispositions de l'article 369-2° du Code des douanes, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Joseph X... coupable d'exportation non déclarée de marchandise prohibée ;
" aux motifs que "... le prévenu qui, devant les agents des Douanes, avait déclaré être le directeur de la société Larriz et dont l'activité permanente est celle de transporteur de capitaux, est mal fondé à invoquer son ignorance des textes en vigueur en France, alors d'ailleurs qu'il est établi qu'il déclarait régulièrement, auprès des services des Douanes du Nigéria, l'importation des francs CFA..." ;
" alors que, aux termes de l'article 121-3 du nouveau Code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994 et immédiatement applicable aux faits n'ayant pas à cette date donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, il n'y a point de délit sans intention de le commettre ; que, dès lors, en se bornant à relever que le prévenu est, en raison de son activité, mal fondé à invoquer son ignorance des textes en vigueur en France, sans rechercher si Joseph X... avait, dans les circonstances particulières de l'espèce, réellement agi avec une mauvaise foi caractérisée en s'abstenant de déclarer auprès des douanes françaises les sommes réexportées à destination du Nigéria, qui avaient été précédemment déclarées à l'importation, la cour d'appel n'a pu donner une base légale à sa décision fondée sur des motifs par trop abstraits et généraux, participant d'une véritable présomption de responsabilité pénale liée à l'activité exercée par le prévenu ;
" alors qu'en toute hypothèse, seule la constatation d'une violation en toute connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire pourrait justifier légalement de l'intention coupable de son auteur ; qu'il ne résulte pas des circonstances de la cause relevées par les juges du fond qu'il en ait été ainsi en l'espèce dans la mesure où il est seulement constaté que Joseph X... aurait dû connaître la législation applicable, non qu'il savait qu'il enfreignait un texte législatif ou réglementaire en agissant comme il l'a fait " ;
Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que Joseph X..., ressortissant nigérian, a acheminé des francs CFA depuis le Nigéria, où cette monnaie n'est pas convertible, jusqu'en France, où il les a changés contre des dollars pour les rapporter dans son pays ; que, trouvé porteur en quittant la France, en avril 1993, d'une somme de 500 000 dollars en numéraire, qu'il n'avait pas déclarée, il a reconnu avoir transféré, de la même manière, 2 000 000 de dollars au cours du même mois ;
Attendu que, poursuivi pour exportation sans déclaration de capitaux d'une valeur de plus de 50 000 francs, le prévenu, plaidant sa bonne foi, a soutenu qu'il avait déclaré le transport de francs CFA à la Douane nigériane, et qu'il ignorait la réglementation applicable en France ;
Que, pour écarter le fait justificatif invoqué, la cour d'appel relève que l'intéressé s'est présenté aux douaniers comme directeur d'une société spécialisée dans les opérations de change et de transport de devises, qu'il avait déjà réalisé des opérations semblables vers d'autres pays européens, et ne peut invoquer son ignorance des obligations déclaratives pesant sur lui au regard de l'article 465 du Code des douanes, en prétextant qu'il remplissait les formalités requises par les autorités du Nigéria ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs dénués d'insuffisance, la cour d'appel, qui a souverainement écarté la bonne foi alléguée, a justifié sa décision ;
Que le moyen ne saurait, dès lors, être admis ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 67 et 68 du traité de Rome relatifs à la libre circulation des capitaux, de la directive du conseil en date du 24 juin 1988 prise pour la mise en oeuvre de l'article 67 du Traité, notamment en ses articles 1er et 7-1, des articles 70-1, 71, 73 B du traité CEE, des articles 414, alinéa 1, 423, 425, 426, 428, 429, 464 et 465 du Code des douanes, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Joseph X... à payer à l'administration des Douanes la sommes de 11 111 000 francs pour tenir lieu de confiscation des 2 000 000 de dollars non saisis ; une amende de 3 472 187 francs égale au 1/4 des sommes sur lesquelles ont porté les infractions ; et a confirmé le jugement sur la confiscation de la somme de 500 000 dollars US saisie ;
" aux motifs que... "la directive de la CEE du 24 juin 1988 offre, en son article 4, la possibilité pour les Etats membres de la CEE de prescrire des règles lui permettant de sauvegarder leur cercle économique interne et notamment de prévoir des procédures de déclaration des mouvements des capitaux à des fins d'information administrative ou statistique ; la procédure de déclaration telle que prévue par la législation française n'a pas pour effet d'empêcher les mouvements de capitaux effectués en conformité avec les dispositions du droit communautaire..." ;
" que la Cour confirmera le jugement entrepris en "ce qu'il a condamné le prévenu pour les faits commis le 16 avril 1993... le réformant partiellement pour le surplus, elle déclarera Joseph X... coupable d'exportation sans déclaration courant avril 1993, de 4 sommes de 500 000 dollars US chacune et le condamnera à la somme de 11 111 000 francs pour tenir lieu de confiscation des 2 000 000 de dollars non saisis et à une amende de 3 472 187 francs égale au 1/4 des sommes sur lesquelles ont porté les infractions..." ;
" alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont une autorité supérieure à celle des lois françaises ; qu'ainsi le caractère autonome de la législation douanière française ne saurait faire échec à la primauté de la loi internationale ; qu'à cet égard si la France a pu conserver en vertu du droit communautaire le droit d'imposer dans ses relations financières avec l'étranger une déclaration à l'importation et à l'exportation des sommes, titres ou valeurs "à des fins d'information administrative ou statistique", constitue certainement une entrave à la libre circulation, la saisie des fonds ou toute autre sanction pécuniaire fixée en fonction de la valeur de ceux-ci ; qu'ainsi la cour d'appel, qui était saisie par le prévenu de la question de la compatibilité de la sanction qui lui avait été infligée avec le droit communautaire, n'a pu valablement écarter ce moyen de défense en se bornant à justifier de la conformité de la procédure administrative de la "déclaration" avec les directives de la CEE ;
" alors, d'autre part, que Joseph X... faisait encore valoir que la sanction de la confiscation et de l'amende qui lui a été infligée, était contraire tant au principe de "la proportionnalité" , qu'aux règles du traité de Rome prescrivant les disparités de traitements entre les Etats membres et les pays tiers dans les relations internationales ; qu'à cet égard, les sanctions prévues en droit interne étaient non seulement disproportionnées, s'agissant de la méconnaissance d'une disposition à caractère purement administratif, mais encore, étaient discriminatoires, eu égard à l'absence de toute obligation de cette nature et de pareilles sanctions dans d'autres pays de la communauté ; que la cour d'appel devait donc rechercher si la sanction édictée par l'article 465 du Code des douanes n'apparaissait pas disproportionnée et inadéquate eu égard au droit communautaire ;
" alors de surcroît que le prononcé des sanctions et amendes litigieuses a eu pour résultat de violer les articles 67 et 68 du traité de Rome et la directive du 24 juin 1988 ;
" alors enfin, que l'arrêt attaqué ne pouvait, en toute hypothèse, condamner le prévenu à payer à l'administration des Douanes une somme de 11 111 000 francs pour tenir lieu de confiscation des sommes ayant prétendument donné lieu à une absence de déclaration à l'exportation, ainsi qu'à une amende proportionnelle en se fondant sur les seules déclarations imprécises du prévenu estimant avoir déjà exporté à partir de la France "environ 4 fois 500 000 dollars US", sans qu'aucun autre élément soit venu corroborer ces dires et fonder l'élément matériel du délit, qui ne pouvait se trouver légalement justifié par ces seules énonciations évasives, tant quant à l'époque à laquelle lesdites exportations seraient intervenues, qu'en ce qui concerne leur montant exact " ;
Attendu que les juges du second degré, après avoir déterminé le montant des sommes exportées sans déclaration selon les termes des aveux du prévenu, l'ont condamné à des pénalités douanières conformément à l'article 465 du Code des douanes ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que les prévisions de cet article ne méconnaissent aucune disposition du traité de Rome, et des textes pris pour son application, ni le principe de proportionnalité, admis en droit communautaire, l'arrêt n'encourt pas le grief allégué ;
Que le moyen ne saurait, dès lors, être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-80403
Date de la décision : 07/11/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° DOUANES - Infraction douanière - Fait justificatif - Bonne foi - Appréciation souveraine.

1° L'auteur d'une infraction douanière doit être relaxé s'il est reconnu de bonne foi. L'existence de la bonne foi, fait justificatif qui doit être invoqué par le prévenu, relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour écarter la bonne foi du prévenu, poursuivi pour exportation de capitaux sans déclaration, relève qu'il dirige une société spécialisée dans les opérations de change, qu'il a déjà transporté des devises dans des pays européens, et qu'il ne peut invoquer son ignorance des obligations déclaratives pesant sur lui en France au regard de l'article 465 du Code des douanes, en prétextant qu'il remplissait les formalités requises par les autorités du Nigéria(1).

2° CHANGES - Relations financières avec l'étranger - Infraction à la législation - Déclaration des capitaux transférés - Exportation de capitaux sans déclaration - Pénalités douanières - Conformité aux dispositions du traité de Rome.

2° CHANGES - Relations financières avec l'étranger - Pénalités fiscales - Amende proportionnelle - Conformité aux dispositions du traité de Rome 2° CHANGES - Relations financières avec l'étranger - Confiscation - Conformité aux dispositions du traité de Rome 2° COMMUNAUTES EUROPEENNES - Mouvement de capitaux (article 67 du traité de Rome) - Changes - Exportation de capitaux sans déclaration - Pénalités douanières - Conformité aux dispositions du traité de Rome.

2° Les pénalités douanières prévues par l'article 465 du Code des douanes ne méconnaissent aucune disposition du traité de Rome et des textes pris pour son application, ni le principe de proportionnalité, admis en droit communautaire(2).


Références :

2° :
Code des douanes 465

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 décembre 1995

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1990-10-01, Bulletin criminel 1990, n° 324, p. 812 (rejet)

arrêt cité ;

Chambre criminelle, 1992-02-03, Bulletin criminel 1992, n° 45 (3), p. 107 (rejet et cassation partielle). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1983-12-05, Bulletin criminel 1983, n° 325, p. 833 (rejet et cassation partielle)

arrêt cité ;

Chambre criminelle, 1992-02-03, Bulletin criminel 1992, n° 45, p. 108 (rejet et cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1994-06-13, Bulletin criminel 1994, n° 232, p. 561 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 nov. 1996, pourvoi n°96-80403, Bull. crim. criminel 1996 N° 398 p. 1158
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 398 p. 1158

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Culié, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. de Larosière de Champfeu.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Boré et Xavier, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:96.80403
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