REJET du pourvoi formé par :
- X... Hans,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 4 juillet 1995, qui, dans la procédure suivie contre lui pour exercice illégal de la pharmacie, l'a condamné à des réparations civiles après sa relaxe définitive par les premiers juges.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, L. 511, L. 512 du Code de la santé publique, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit qu'Hans X... a, sur le fondement de l'article L. 512, alinéa 2, du Code de la santé publique, commis une faute ouvrant droit à réparation et a condamné le demandeur à verser à la partie civile la somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs qu'il résulte des dispositions de l'article L. 512 du Code de la santé publique qu'est réservée aux pharmaciens la préparation des produits et réactifs conditionnés en vue de la vente et qui, sans être visés à l'article L. 511 du même Code, sont cependant destinés au diagnostic médical ou à celui de la grossesse ; que, s'agissant de l'application du droit interne français, il résulte de la procédure et des débats qu'au cours de l'année 1990, Hans X..., dirigeant de la société Beiersdorf SA, a méconnu les prescriptions du texte susvisé en commercialisant un test de grossesse de marque Hansaplast dans les magasins de la chaîne Continent, et notamment à Savigny-le-Temple (77) ; qu'Hans X..., en sa qualité de dirigeant de la société Beiersdorf SA et de la connaissance qui est la sienne de la législation et de la réglementation, ne saurait invoquer sérieusement une quelconque ignorance des dispositions applicables en la matière ;
" alors que, d'une part, en raison de la suprématie des règles communautaires sur le droit français, il appartient à la partie civile de rapporter la preuve que le test de grossesse Hansaplast constitue un danger pour la santé publique ou celle du consommateur justifiant qu'il soit soumis au monopole des pharmaciens ; qu'en l'espèce, rien n'établit que le test Hansaplast fabriqué et commercialisé en grandes surfaces par la société BDF Nivéa soit défectueux ; que ce test est accompagné d'une notice d'utilisation très précise attirant l'attention de la consommatrice sur les conditions d'emploi et la nécessité, quel que soit le résultat obtenu, de s'adresser à un médecin ; que la partie civile n'a pas davantage rapporté la preuve d'un manque de fiabilité du test litigieux ; que, dans ces conditions, le demandeur n'a commis aucune faute propre à justifier l'allocation de la somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts à la partie civile ; que, par suite, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, que le délit d'exercice illégal de la pharmacie exige pour être constitué que le prévenu ait accompli " sciemment " certains actes ; que l'élément intentionnel doit être entendu strictement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui se borne à affirmer l'élément intentionnel eu égard à la qualité de dirigeant de la société Beiersdorf par le demandeur sans tenir compte de ce qu'à l'époque des faits (1990), une incertitude juridique existait, due notamment à ce que dans les divers pays européens les tests de grossesse étaient vendus librement dans les grandes surfaces, n'a pas suffisamment justifié l'élément intentionnel qu'elle a supposé et non pas caractérisé ; que, par suite, l'action civile est dépourvue de toute justification " ;
Sur le second moyen de cassation (subsidiaire), pris de la violation des articles 30, 36 et 177 du traité de Rome, L. 512-2 du Code de la santé publique, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'application du traité de Rome, a refusé de surseoir à statuer sur la question préjudicielle relative au monopole pharmaceutique pour la commercialisation des tests de grossesse et a condamné le demandeur à indemniser la partie civile, pour le préjudice subi ;
" aux motifs, s'agissant de l'application du traité de Rome, qu'il n'y a pas lieu de rechercher spécialement, comme le demande la défense, si le monopole conféré aux pharmaciens pour la commercialisation du produit en cause est, au regard de l'article 30 du Traité instituant la Communauté économique européenne, nécessaire à la protection de la santé publique et des consommateurs ou si les objectifs visés peuvent être atteints par des mesures moins restrictives, dès lors que la réglementation critiquée s'applique sans discrimination, dans le cadre d'un monopole dont l'institution relève des Etats membres, tant aux produits nationaux qu'à ceux importés des Etats membres ; que le moyen proposé sur ce point par Hans X... est donc dénué de fondement, et qu'il n'y a pas davantage lieu à question préjudicielle à cet égard ;
" alors que l'autorité du Traité instituant la Communauté européenne est telle, dans la hiérarchie des sources du droit, qu'il appartient au juge répressif d'écarter l'application d'un texte d'incrimination de droit interne lorsqu'il apparaît clairement que ce dernier méconnaît une disposition du Traité ou un texte pris pour l'application de celui-ci ; qu'en cas d'incertitude sur la culpabilité des dispositions communautaires et nationales, le juge doit, en application de l'article 177 du Traité, saisir la Cour de justice des Communautés européennes en interprétation des dispositions concernées ; que, par arrêt du 21 mars 1991, la Cour de justice des Communautés européennes a précisé que, quelle que soit sa qualification en droit interne, un produit qui ne répond pas à la qualification de médicament au sens de la directive 65 / 165 ne saurait être réservé à la vente en pharmacie d'officine, à moins qu'il ne soit établi que ce monopole est nécessaire à la protection de la santé publique ou à celle des consommateurs et si ces 2 objectifs ne peuvent pas être atteints par des mesures moins restrictives du commerce intracommunautaire ; que cet arrêt interprétatif rendu dans une espèce similaire présentant à juger les mêmes questions juridiques et à trancher les mêmes conflits de normes s'imposait au juge national de sorte qu'en écartant l'application du traité de Rome au seul motif " que la réglementation critiquée s'applique sans discrimination, dans le cadre d'un monopole dont l'institution relève des Etats membres, tant aux produits nationaux qu'à ceux importés des Etats membres ", la cour d'appel a méconnu l'autorité et la portée des articles 3 et 36 du traité de Rome " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Beiersdorf a commercialisé un test de grossesse de marque Hansaplast auprès des magasins à grande surface de la chaîne Continent ; que, sur plainte avec constitution de partie civile du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, Hans X..., alors dirigeant de cette société, a été poursuivi pour exercice illégal de la pharmacie ;
Attendu que le prévenu a excipé de l'incompatibilité du monopole des pharmaciens sur la commercialisation des tests de grossesse avec l'article 30 du traité CE et qu'il a, pour ce motif, été relaxé des fins de la poursuite par les premiers juges ;
Attendu que, pour écarter cette même exception, les juges du second degré, saisis du seul appel de la partie civile, énoncent que les dispositions de l'article L. 512 du Code de la santé publique réservant aux pharmaciens la vente de produits et réactifs destinés au diagnostic de la grossesse s'appliquent sans discrimination tant aux produits nationaux qu'à ceux importés des autres Etats membres ; qu'ils en déduisent que cette réglementation échappe au domaine d'application de l'article 30 du Traité et que, ne constituant pas une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation, il n'y a pas lieu de rechercher si elle est justifiée par des raisons de protection de santé publique ou de défense des consommateurs ;
Que les juges retiennent, pour caractériser l'infraction et statuer sur les réparations civiles, que le demandeur a méconnu, en connaissance de cause, les prescriptions de l'article L. 512 précité ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.